127. FREEDOM OF CHOICE [DEVO]
Je pouvais toujours me retourner le cerveau dans tous les sens, je ne voyais pas quel genre de miracle Mary pouvait espérer – à moins, peut-être, que le ministre de l'intérieur en personne ne proclame officiellement Richard Coxe comme étant le salopard public n° 1 et n’amnistie son agresseur dans la foulée avant de lui remettre la légion d'honneur ! En attendant ce peu probable événement, les flics devaient avoir trouvés le chemin de la maison, et je les imaginais torturant mes chéries pour leur faire avouer l'adresse de ma planque...
J'avais une douce famille à pleurer, une « grande idée » à mettre en pratique et, éventuellement, une île à visiter, mais comment aurais-je pu résister à l'appel d'un ampli extraordinaire et d'une paire d'enceintes aussi imposantes que des armoires normandes ?
Je déposai la valise sur la table basse et l'observai comme si je la voyais pour la première fois. Pourtant, elle en avait transporté du collector ruineux et du bootleg hors de prix. (Pour Cyril, le pirate live était un truc d'obsédé sexuel, un équivalent à la fréquentation des péripatéticiennes (il faut toujours lutter en faveur des animots menacés d'extinction) ! L'acheteur savait qu'il n'y trouverait pas l'extase, mais il ne pouvait s'empêcher d'y retourner.) J'ouvris la valise avec des précautions de démineurs.
Quel disque pouvait être digne de tourner sur cette platine mythique ? Je piochai un premier album au hasard (toujours, le hasard). Aerosmith : Toys in the attic. Je ne me souvenais même plus pourquoi je l'avais acheté, celui-ci, sans doute pour Sweet emotion et Walk this way... Cyril s'en mêla encore : « Du sous Stones ricain avec une dose de harderies, alors qu'à la même époque les Dolls... » Bla bla bla, passons... David Bowie : Tonight (disque d'or en France !). Celui-là, je savais : tout simplement parce que c'était Bowie, que j'espérais un sursaut après Let's dance, que le nom d'Iggy Pop apparaissait quatre fois dans les crédits, qu'il y avait une reprise des Beach Boys et un titre signé de Leiber & Stoller. Oui, mais non !... Lou Reed : Mistrial. Lunettes moches, blouson moche, guitare moche : étonnamment, le disque est à l'avenant de la pochette ! Si vous êtes jeune, que vous avez entendu parler de Lou Reed, que vous avez envie d'essayer, par pitié, ne commencez pas avec cet album (lequel devait voir l'Ile Déserte pour la première et dernière fois, même si, avec les maniaques du Lou, on ne peut présager de rien) !... Leonard Cohen : Death of a ladies' man. C'est un peu la même histoire que le End of the century des Ramones, beaucoup de fans de Cohen le conchient, alors que chez les partisans de Phil Spector, c'est souvent le seul qui est accepté ! Etant fan de l'un comme de l'autre, je le possède en deux exemplaires ! L'espace d'un instant, je fus tenté, mais, après une trajectoire quasi parfaite entre 1967 et 92 (avec huit albums consécutifs plus que recommandables), la suite sonna désespérément le creux à mon oreille. En musique, on peut pardonner, mais on doit demeurer sévère. Souvenez-vous des ultimes années de Serge Gainsbourg, il pouvait péter dans un trombone comme se faire accompagner d'un bassiste slappeur ou d'un chœur de castras, tout le monde hurlait au génie, au point que le malheureux ne parvenait plus à distinguer le bien du mal...
Beaucoup de passionnés rejettent le terme de fan car il est le diminutif de fanatique. Personnellement, il me convient car j'ai toujours su que j'étais un fou du dieu musique. Quand les mots « flic » et « prison » frappèrent ma conscience, je crois que ma première pensée fut de me demander si j'allais pouvoir facilement recharger mon lecteur mp3 ! (Le point d'exclamation figure uniquement ici pour tenter d’atténuer la profondeur du malaise.) Et, là, perdu au milieu de nulle part, dans les conditions que l'on sait, je m'esquintais encore dans des turlupineries insensées.
Joe « King » Carrasco & The Crowns : Joe « King » Carrasco & The Crowns. Très sympathique dans le genre tex-mex gentiment déjanté, mais la fiesta seul et sans tequila ressemble à une sinistre masturbation... The Gun Club : Lucky Jim. Enfin du sérieux...