samedi 31 octobre 2015

BUTTER O8 ~ Butter 08 [1996]


Il était une fois, au pays du Soleil Levant, deux jeunes libellules qui, il y a fort longtemps déjà, se laissèrent emporter au loin par le vent et par-delà les mers, sur une grosse pomme... Ça ressemble presque à un conte de fées. Mais je ne sais pas écrire les contes de fées. En 1994, Yuka Honda et Miho Hatori fondent le groupe Cibo Matto, avec lequel elles explorent de multiples facettes d'un rock improbable et inclassable (et sont rejointes un peu plus tard par Sean Lennon, Timo Ellis et Duma Love). La légende raconte qu'une nuit, quelque part à New-York, cette petite bande croise le chemin de quelques troubadours perdus, et c'est alors qu'au fond d'un bar, le bœuf s'installe. Miho au micro, Yuka aux claviers, Rick Lee à la guitare, Mike Mills à la basse, et Russel Simins aux baguettes (le batteur fou du JSBX!). D'autres vagabonds se greffent au projet, qui en devient donc un, puisqu'un peu plus tard toute la troupe se réunit pour enregistrer un disque, un seul, sous le nom de Butter 08, et sous le label californien des Beasties Boys : Grand Royal. Un disque de douze titres comme autant de claques dans le dos ou de caresses à rebrousse-poil. C'est du beurre, du pur beurre qu'on digère chacun à son rythme, qui glisse et fond entre les doigts, mais qui ne laisse pas indifférent. Inutile de vous préciser que ma platine aime la galette. Et la votre ?
NESTOR B. (Merci d'avance pour vos commentaires !)




01 - 9MM
02 - Shut Up
03 - Butter Of 69
04 - Dick Serious
05 - How Do I Relax
06 - It's The Rage
07 - Mono Lisa
08 - What Are You Wearing
09 - Sex Symbol
10 - Degobrah
11 - Hard To Hold
12 - Butterfucker
MP3 (320 kbps) + artwork


jeudi 29 octobre 2015

ROD STEWART ~ Another Country [Deluxe Edition] [2015]


L'ami Lyc, sur son magnifique Laspekedelycmusic, expédie l'album en une phrase assassine concluant à l'inutilité de pareil disque. Il a raison, pour les personnes sans cœur et sans mémoire qui feront semblant de l'écouter tout en passant l'aspirateur, cet album sera inutile. Par contre, pour tous ceux qui ont été traumatisés à vie par ses chefs-d'oeuvre enregistrés avec le Jeff Beck Group, les Faces ou en solitaire, l'affaire pourrait diverger sensiblement. Me concernant, je suis resté quasiment en apnée pendant toute la durée du téléchargement ! Débutons par la pochette : quand on a été surnommé Rod The Mod (même si c'était il y a longtemps), on n'a pas le droit de porter une cravate sur une chemise déboutonnée et encore moins avec un ridicule collier en-dessous de ladite. Le cuir est de bonne qualité, mais beaucoup trop neuf pour être honnête. Ces "détails" n'auguraient rien de bien bon... Another country s'ouvre sur une très jolie ballade aux accents celtiques qui calme rapidement mes angoisses : Rod est en voix et les musiciens sont loin d'être balourds. L'immédiate suite nous offre une funkerie stonienne qui n'aurait pas dépareillée Some girls. Un peu plus avant, on trouve un reggae que tout le monde aurait trouvé super cool s'il s'était trouvé sur le disque de Keith (à certains on pardonne tout, alors qu'à d'autres on n'excuse rien)... Je ne vais pas vous détailler le toutim en entier, mais sachez qu'il y a d'autres envolées celtiques, des rocks costauds qui n'hésitent pas à roller et des ballades "crève cœur" (dont une avec un orgue gothique du plus bel effet) comme seul le grand homme a toujours su en offrir. Ce disque n'a rien d'indispensable, mais je connais des fans de Mick, Ray, Bob, Neil ou Leonard qui seraient heureux de retrouver leur idole à ce niveau-là.
Jimmy JIMI (Merci d'avance pour vos commentaires !)

                    
01 - Love Is
02 - Please
03 - Walking In The Sunshine
04 - Love And Be Loved
05 - We Can Win
06 - Another Country
07 - Way Back Home
08 - Can We Stay Home Tonight
09 - Batman Superman Spiderman
10 - The Drinking Song
11 - Hold The Line
12 - A Friend For Life
13 - Every Rock'n'roll Song To Me
14 - One Night With You
15 - In A Broken Dream [Extended Version]
16 - Great Day
17 - Last Train Home
MP3 (320 kbps) + front cover


mardi 27 octobre 2015

Pour la beauté du geste (feuilleton électrique) par Jimmy Jimi # 96


96. FEAR IS A MAN'S BEST FRIEND [JOHN CALE]


   Pour tenter de faire passer le temps (vaine tentative puisque, tel un batteur foutraque, il accélère uniquement quand on souhaiterait le ralentir), Polina nous invita au Joli Nom. Le café et la bière avaient le même goût étrange, le flipper tiltait à chaque partie et le juke-box mangeait nos pièces sans appétit. Toutes les cinq minutes, l'un d'entre nous jetait un coup œil sur la pendule avant d'offrir un sourire idiot alentour.
   On raconte que nombre de musiciens ont commencés à se droguer ici, pour faire taire l'attente lourde, l'odeur de la peur et les méchants gargouillis qui recouvrent les tics tacs de l'horloge...
   Nous ne nous étions jamais aussi peu parlé de toute notre vie, seule Olympia, en bonne manageuse, envoyait des : « tout va bien se passer ! » un peu trop forcés. Richard avait abandonné son costume de diva en quittant le Gibus, il était celui dont l'état de décomposition semblait le plus avancé. Au moins, ça nous rassura sur son implication.

   A vingt heures, nous quittâmes Un Joli Nom pour le bistroquet en face du club. La trouille monta encore d'un cran (elle fit même peut-être un bond).
« On fait comment s'il y en a un qui casse une corde ? Et si j'oublie les paroles d'un refrain? Et si je laisse échapper une baguette ? Et s'il y a des sifflets dans la salle ? »

   Bientôt (si on veut), nos premiers spectateurs affluèrent rue du Faubourg du Temple. Il y avait sans doute moins de curieux que de membres du fan club d'Olympia, mais c'était toujours ça de pris et ça faisait un beau paquet de monde. Derrière la vitre du bar, nous observions nos futurs premiers fans ou détracteurs.

   La nuit tomba. Le Gibus ouvrit ses portes à vingt heures trente. Nous traversâmes la rue en zigzagant maladroitement sur les talons de nos bottines. La foule s'écarta gentiment pour laisser passer le groupe. Il y eut des cris d'encouragement et des tapes dans le dos.
Dans les loges, chacun chouchouta son instrument, lui murmura des mots doux. A une heure du Grand Moment, la trouille s'effaça enfin devant l'excitation et les éclats de rire remplacèrent les sourires niais.

A minuit, nous nous faufilâmes au milieu des danseurs pour aller nous entasser dans l'escalier menant à la scène. Gloria Jones termina son Tainted love et la lumière fut baissée...

   Olympia, aussi belle que toujours dans une robe violine à peine trop décolletée, posa un escarpin sur les planches. Ce fut la folie dans le public !

   « Bonsoir les amis ! [cris délirants] Merci d'être venus aussi nombreux pour assister au tout premier concert de... MIZANU ! [redoublement de cris délirants et premiers applaudissements] Ils sont à quelques mètres de moi, j'entends leur cœur qui cogne comme jamais... C'est leur premier concert, mais je ne vais pas vous demander d'être indulgents, parce que je sais qu'ils vont assurer comme de jeunes dieux ! MIZANU ! [applaudissements de dingues, cris de bêtes en rut et pas le moindre coup de sifflet de la B.I.D.]




lundi 26 octobre 2015

MAC DEMARCO ~ 2 [2012]


Voilà un album magique. Vous ne me croyez pas ? Ecoutez-le et vous verrez. Ou plutôt, vous entendrez. Pour ma part, il y a au moins vingt ans qu’une nouveauté ne m’avait pas fait cet effet-là. Voilà un disque extraordinaire. Vous ne l’avez jamais écouté et, pourtant, vous connaissez déjà certaines de ses chansons. Non pas parce que vous les aurez entendues dans des pubs, ni parce qu’elles ressemblent de trop près à celles d’un illustre ainé. Non, vous les connaissez parce qu’elles existent déjà dans l’air, dans votre cerveau ou je ne sais où. Au fait, ce n’est plus à moi de savoir d’où elles peuvent bien venir mais à vous après tout… Voilà un disque fabuleux. C’est le genre de disque où, en pleine journée stressante, avec un planning chargée d’enfer à ne pas savoir comment vous allez pouvoir tout faire, tout devient simple. La réponse à votre problème est soudain limpide. Il n’y a qu’à regarder cette pochette avec ce type qui vous sourit. Pourquoi se presser quand on peut prendre son temps et le faire demain, ou un autre jour ? Et tant pis pour le chef où je ne sais qui. Après tout, ce n’est pas de votre faute si votre chef ou les autres n’ont pas écouté DeMarco. Voilà un disque jubilatoire. Vous croyez que la musique est un truc compliqué ? Alors écoutez DeMarco. Cette musique vous dit des choses aussi incroyables que la Terre est toute ronde alors qu’on la voit toute plate. Cette musique nous ouvre les yeux. Il suffit de prendre une guitare bricolée et de jouer ce qui nous passe par la tête. Sauf que seules ces chansons peuvent sortir de celle de DeMarco. Un type qui est capable au milieu d’une mélodie à la simplicité lumineuse de vous sortir soudain des trucs incroyable avec sa guitare. Donc, en résumé, voici un disque magique, extraordinaire, fabuleux, jubilatoire et incroyable. Mais les faits sont là et il n’y a que ceux qui ne l’ont pas écouté qui osent encore dire le contraire.
Audrey SONGEVAL (Merci d'avance pour vos commentaires !)


01 - Cooking Up Something Good
02 - Dreaming
03 - Freaking Out The Neighborhood
04 - Annie
05 - Ode To Viceroy
06 - Robson Girl
07 - The Stars Keep Calling My Name
08 - My Kind Of Woman
09 - Boe Zaah
10 - Sherril
11 - Still Together
MP3 (320 kbps) + front cover


vendredi 23 octobre 2015

THE FEELIES ~ Crazy Rhythms [1980]


"The boy next door it’s me, yeah !"
Y'a des disques qui ont changé l’Histoire, d’autres qui changent ton histoire, va savoir ce qu’il y a de plus important… Alors même que se termine une période musicale qui vient de changer les deux, que débute une décennie que tout le monde finira par honnir et que j’ai encore 18 ans, ce truc me tombe dessus sans prévenir. Je n'ai jamais rien entendu de tel, alors qu’il n’y a rien de nouveau ni d’exceptionnel là-dedans. Je n’ai jamais vu une pochette aussi impressionnante, alors qu’elle n’a absolument rien de nouveau ni d’exceptionnel. Je n’ai jamais écouté jusque-là un disque dans sa totalité aussi souvent que celui-ci, alors qu’il est rempli de blancs parfois interminables, de petits bruits percussifs, bizarres et hypnotiques et, bien entendu, de rien de nouveau ni d’exceptionnel. Voix poussives, pas plus distinctives que véritablement enthousiasmantes, guitares euh… oui, niveau guitares, là, on a peut-être un petit quelque chose, mais ce n’est pas non plus Steve Vai, hein. Mais non je déconne, je n’ai jamais entendu une seule note de Steve Vai, je voulais juste détendre l’atmosphère… Alors, voilà, ce truc a changé ma vie alors que je serais incapable de reconnaître les mecs qui l’ont fait si je les croisais dans la rue. Ca vous est déjà arrivé ça ? Moi jamais. Ni avant ni après Crazy rhythms, le si bien-nommé premier disque des Feelies, dont j’ai même racheté plus tard la version en vinyle blanc - classe le vinyle blanc, mais ça se raye facilement. Pas grave, on a inventé le mp3 depuis. Et les bonus-tracks, mais ça n’y comptez pas vous ne les trouverez pas ici. Ils risqueraient de ternir, ne serait-ce que légèrement, 41 minutes de fascination pure.
Everett W. GILLES (Merci d'avance pour vos commentaires !)


















01 - The Boy With The Perpetual Nervousness
02 - Fa Cé-La
03 - Loveless Love
04 - Forces At Work
05 - Original Love
06 - Everybody's Got Something To Hide (Except Me & My Monkey)
07 - Moscow Nights
08 - Raised Eyebrows
09 - Crazy Rhythms
MP3 (320 kbps) + front cover


mercredi 21 octobre 2015

LOU REED, JOHN CALE & NICO ~ Le Bataclan, Paris. Jan 29. '72 [2004 (Remastered 2014)]


Celui-ci, les fans l'ont connu en version bootleg avec un son étouffé, une vitesse anormale et sans les bonus de la balance. Cela ne nous empêchait pas de le chérir et, pour les cinglés dans mon genre, d'acheter les photos aux Puces pour se (re)faire le film... Lou et John avait délicatement évincés Nico du Velvet en l'aidant à enregistrer son Chelsea girl, puis Lou avait viré John un peu moins délicatement avant de se faire lourder à son tour par le remplaçant de John (bien aidé par leur manager). Dans ces conditions, les retrouver ensemble relevait quasiment du miracle (même si John demeura le fidèle producteur de Nico)... Si la légende velvetienne avait enflée avec les années, la reconnaissance du gros public tardait à venir... Avec ses cheveux bouclés et sa veste d'instituteur, Lou est méconnaissable ; il vient, alors, de faire paraître son premier album et c'est lui qui ouvre le bal de ce concert acoustique. Les trois génies vont ensuite s'échanger le micro pour offrir des versions troublantes (et souvent feutrées pour ne pas dire veloutées) du grand groupe comme de leurs premiers efforts en solitaire. Je n'ai jamais réussi à savoir si ce concert avait été renouvelé dans d'autres villes (je crois que non : alors pourquoi Paris ? la question demeure en suspens...). Ce n'est certainement pas le live le plus excitant de l'histoire, mais c'est l'un des plus attachants.
Jimmy JIMI (Merci d'avance pour vos commentaires !)            


01 - I'm Waiting For The Man
02 - Berlin
03 - The Black Angel's Death Song
04 - Wild Child
05 - Heroin
06 - Ghost Story
07 - The Biggest, Loudest, Hairiest Group Of All
08 - Empty Bottles
09 - Femme Fatale
10 - No One Is There
11 - Frozen Warnings
12 - Janitor Of Lunacy
13 - I'll Be Your Mirror
14 - All Tomorrow's Parties
15 - Pale Blue Eyes
16 - Candy Says
MP3 (320 kbps) + artwork
Sur du velours avec BM180


mardi 20 octobre 2015

THE LAST POETS ~ Real Rap [2CD] [C. 1999]


Je t'en foutrai des : "j'peux pas connaître, j'étais même pas né !" (avec le ricanement de rigueur) des jeunes écervelés des années 10 ! Moi, j'ai toujours voulu savoir ce qu'il y avait avant, et ça me semblait une chouette idée de suivre les goûts de ceux que j'admirais. Ainsi, j'ai découvert la Motown et les girls groups via les Beatles, Son House grâce à Jeffrey Lee Pierce ou les Last Poets après la lecture d'une interview de Public Enemy...  Ici, pas de boîte à rythmes ou de samples, ces bêtises n'existaient pas encore, mais des percussions pour se souvenir d'où l'on vient. Et question tchatche comme textes, on n'a toujours pas fait mieux. Même ceux qui ne comprendront pas toutes les paroles sentiront le vent de la passion soulever leur cervelle et leur cœur. Les Last Poets avaient mieux à faire que d'exhiber des breloques, de faire défiler des poupées siliconées ou de se foutre sur la tronche avec le gang voisin. Il fallait réveiller la conscience des frères et sœurs (le groupe fut formé le jour de l'anniversaire de Malcom X), leur redonner le goût de la lutte comme de l'espoir. Ce plantureux florilège est résolument indispensable à quiconque s’intéresse à la Grande Musique Noire.
Jimmy JIMI (Merci d'avance pour vos commentaires !)        


CD1 :
01 - Run Nigger
02 - Niggers Are Scared Of Revolution
03 - Wake Up Niggers
04 - Jones Comin' Down
05 - When The Revolution Comes
06 - Two Little Boys
07 - Black Wish
08 - Related To What
09 - Black Is
10 - Mean Machine
11 - White Man's Got A God Complex
12 - Black People, What Y'all Goin' Do
13 - This Is Madness
14 - Jazzoetry
15 - E Pluribus Unum
16 - Bird's Word
CD2 :
01 - Sport
02 - Spoon
03 - The Cafe Black Rose
04 - Brother Hominy Grit
05 - Coppin' Some Fronts For The Set
06 - Hamhock's Hall Was Big (And There Was A Whole Lot To Dig!)
07 - The Bones Fly From Spoon's Hand
08 - The Break Was So Loud, It Hushed The Crowd
09 - Four Bitches Is What I Got
10 - Grit's Den
11 - The Shit Hits The Fan Again
12 - Sentenced To The Chair
13 - It's A Trip
14 - Delights Of The Garden
15 - Get Movin'
16 - What Will You Do
MP3 (320 kbps) + front cover


lundi 19 octobre 2015

Pour la beauté du geste (feuilleton électrique) par Jimmy Jimi # 95


95. TICKET TO RIDE [THE BEATLES]

   En cherchant dans mes archives (c'est à dire dans le magnifique foutoir du grenier), je pourrai retrouver une affiche du concert (avec le sublime dessin à l'encre de chine signé par Donatien, lequel, s'il a quelque peu disparu de ces pages, continuait à nous suivre d'un œil plus que bienveillant), mais je ne suis pas certain que la date exacte de notre première expédition puisse passionner les foules. En tous cas, c'était un vendredi de septembre, et je revois mon père griffonnant des mots d'excuses bidons pour chacun d'entre nous, afin que nous puissions être à l'heure à la balance.
   Ah, la balance (ou soundcheck dans la langue de Joe Strummer) : un des mots incompréhensibles, et donc quasi magiques, que j'avais lu dans mon premier Rock & Folk, tout là-bas au milieu des années soixante-dix...

   Sur le trottoir, face à la brocante familiale, Donatien (qui fait un retour en fanfare dans ce chapitre !) avait garé un superbe Combi Volkswagen spécialement loué pour l'occasion. J'ignore combien de kilomètres séparent exactement le boulevard de Grenelle de la place de la République, mais, pour nous, cela ressemblait déjà à un départ en tournée ! Malgré un léger embouteillage avant la Nation, nous étions à peine partis que déjà arrivés, sauf qu'entre temps, notre bande avait quitté sa salle de répétition et s'était métamorphosée en une troupe de véritables saltimbanques !

   L'ingénieur du son nous accueilli avec l'enthousiasme d'un type qui a déjà vu défiler des milliers de groupes et souhaite en finir au plus tôt pour se jeter dans une sieste bien grasse. Il grogna tel un vieil ours en manque de miel, quand il vit le nombre d'instruments à installer. Je me souviens encore de sa vanne maigrichonne qui ne fit rire que lui : « Eh, les copains, z'êtes pas au courant du retour aux power trios ?! »
   C'est vrai que la scène était minuscule, qu'il y avait des câbles partout, et qu'il fallut des heures pour effectuer tous les réglages, mais il en aurait fallu bien davantage pour nous faire descendre du haut nuage où nous étions perchés.
   Après quelques bières, l'ingénieur devint moins bougon et nous narra quelques anecdotes au sujet des artistes les plus célèbres qu'il avait eu la chance de rencontrer. Alors que nous buvions ses paroles comme de bons petits fans, Richard ne pouvait s'empêcher de bailler. Par malchance, les Beatles ne s'étaient jamais produits au Gibus et il s'ennuyait en entendant ces noms dont il ignorait tout. Depuis notre arrivée dans le club, il avait décidé de jouer la diva exaspérée. Les chanteurs sont toujours les derniers à effectuer leurs tests et, dans cette merveilleuse aventure, seule sa petite personne semblait l’intéresser. Le gars ne pouvait s'en empêcher, dès qu'il faisait un pas en avant, il fallait qu'il exécute aussitôt une sorte de danse du scalpe avec saut périlleux en arrière... Evidemment, quand il enchaîna trois titres d'affilée a cappella, tout le monde se mit à hurler à la mort avant de ramper à ses pieds (moi même, je dois l'avouer, j'eus du mal à me contrôler) !

   Comment aurais-je pu deviner que, plusieurs décennies plus tard, à moins de cent mètres de là, j'allais commettre un tel acte de barbarie ?