74.
ENNUI [Lou
Reed]
J'ai
toujours pensé qu'à moins d'en décider, seuls les imbéciles
profonds
et les êtres privés de liberté pouvaient trouver le moyen de
s'ennuyer. En toute conscience, et par fidélité au magnifique
juillet britannique que je venais de vivre, je décidai donc de me
vautrer
lamentablement dans
l'ennui pendant
toute
la durée du mois
d'août ! Aussi, comment aurais-pu goûter aux
saveurs de la
Bretagne après m'être enivré de la Grande
Bretagne à même son sein généreux ? Jamais, je ne fis une si
jolie
tête
d'adolescent mortifié, râlant pour un rien, rechignant à tout ! Je
ne m'offrais qu'un unique plaisir quotidien,
celui de multiplier les lettres humides à destination de mes
nouveaux amis, sans doute déjà éparpillés aux quatre vilains
coins
de n'importe où, et qui ne pouvaient donc ni mêler leurs larmes aux
miennes ni me répondre pour soulager mon
effroyable torture
!
Au
bout d'une poignée de tristes jours, je fus si bien entraîné que
même mes cassettes préférées se vidèrent de toute mélodie
enchanteresse. Ma propre soupe à la grimace avait empestée les
bandes et les plus belles chansons puaient le navet !
Les
filles de ce patelin pathétique ne risquaient pas de me redonner le
sourire. Ce lieu maudit n'abritait que des demies laiderons minaudant
dans leur coin mesquin. Il faut avouer qu'il n'y avait guère de
slows dans ces sinistres fest noz, mais du biniou, encore du
biniou, toujours du biniou (et une larme de harpe celtique, de temps
à autre, ne soyons pas médisant !). Impossible de lier connaissance
au milieu de cet effroyable folklore médiéval !
Un
samedi matin, dès potron-minet, ma mère me réveilla avec ce que je
pris pour une blague de très mauvais goût : « Debout, mon petit
british, dans une heure, nous embarquons pour l'Angleterre ! »
C'était
pourtant vrai. En quelques tours d'hélices, nous approchâmes de
Jersey, la plus célèbre des îles Anglo-normandes. Tout à mon
pessimisme, j'imaginais un trou franchouillard vaguement parfumé des
plus gros clichés britanniques. Je me trompais sur toute la longueur
de l'admirable ligne. Sitôt débarqué, je retrouvai le souffle
magique du vent anglais. Pris dans un piège délicieux entre la
prairie et la mer, je ne savais plus comment pleurer mon bonheur !
J'étais ce junky qui repique pour la (trop) fameuse dernière
fois ! Mais il me fallait ce shoot final et quasi miraculeux
pour trouver le courage de regagner Paris, retrouver les amis,
plonger dans notre rêve de groupe...
Dans
une boutique de Saint-Hélier, mes parents m'achetèrent le micro, le
tambourin et la paire de maracas qui devaient m'accompagner vers la
gloire !
Il
me restait une grosse semaine pour peaufiner mes premiers textes. Il
n'y avait plus de temps pour l'ennui ou la nostalgie ; au milieu des
orages bretons, j'entendais les dieux du rock'n'roll hurlant mon nom
! Les minis cymbales de mon tambourin tintinnabulaient jusqu'à tard
dans la nuit : ce n'est rien d'écrire que je m'y croyais déjà !
Le
dernier soir, pour changer un peu de la Brigade de l'Île Déserte,
la fine fleur des critiques de Rock & Folk vint frapper à la
porte de ma chambre. Je fus un peu gêné de les recevoir en pyjama
(aux motifs paisley, tout de même !), mais une star montante
doit pouvoir s'autoriser ce genre de douce exubérance !
15 commentaires:
Bravo. D'abord pour continuer, je me suis mis à douter. Et encore bravo pour avoir su une fois de plus mais alors là quelle fois, de retrouver l'esprit torturé/reux d'un ado au trop plein d'imagination. Quoique le "trop plein" fait les artistes.
Dès la première phrase sur l'ennui. "Je décide de m'ennuyer" car je ne suis pas un imbécile profond... génial.
Hello Devant,
Il m'a fallu des heures (et plusieurs séances) pour terminer ces maigres lignes. Après la maladie, puis le décès de ma maman, je me suis retrouvé devant un écran qui devenait tout flou...
Merci pour tes encouragements, le "gros" de l'aventure va pouvoir commencer.
Yeah, Jimmy!
Des binious au be new, voilà un retour doublement réussi. La suite, malgré tout, et une suite qui donne envie! Beau courage, je continue la collec'...
PS - J'ai bien reconnu ta panoplie de Mick Jagger ;-)
Hi DamNed,
Je regrette que les chanteurs oublient trop souvent les tambourins et maracas... ils auront leur importance pour la suite.
Mazette, quel retour !
Yo !
J'ai jamais mis les pieds à Jersey (j'ai failli, une ou deux fois...) par contre j'ai eu moi aussi un pyjama Paisley mais à l'époque chez moi on appelait ça cachemire.
Bon, maintenant que t'as le micro va falloir le brancher !
Je viens de transmettre ton récit au F.L.B. (Front de Libération de la Bretagne — Canal historique). Je pense que des représailles vont être lancées à l'encontre des pneus de ta voiture ! Toujours se méfier des bigoudènes !!!!!
J'ai toutefois plaidé ton cas en soulignant que tu n'avais pas poussé la caricature jusqu'à parler de l'humidité météorologique qui sévit (parfois) sur notre belle contée !
J'ai quand même pris un énorme plaisir à te lire (mais ça, je l'ai pas dit au F.L.B. !!!!!)
Pirate !
Pour moi ce fut congas et maracas.
Kent
PS : continue ta prose, c'est toujours un réel plaisir à la parcourir.
Hello Arewenotmen?,
Je suis content que ça t'ai plu, j'ai beaucoup douté de la qualité, comme chaque fois que c'est un peu long à sortir.
Hi Everett,
Paisley et cachemire, c'est la même chose, j'ai gardé paisley à cause de... mais tu sais tout ça! Jersey, c'est vraiment magnifique. Jimmy va prendre le micro, mais ça va peut-être être plus compliqué qu'on ne pourrait se l'imaginer.
Hola Keith,
je me sauve par la phrase sur les saveurs de la Bretagne qui indique qu'elles existent!
Hello Kent,
En vieux fan de Starshhot', ton passage me fait infiniment plaisir!!!
Voilà une p'tite aventure qui se sera faite attendre! Volià l'histoire relancée. Que dire sinon: vite, la suite!
@Kent
Get baque !
Magnifique!!!!
Bravo!!!!
Vind'jiou, c'est LE vrai Kent qui écrit ?!?!? Quelle crise, Baby !!!!!
Il aura pris son temps le chapitre nouveau, mais c'est plutôt pas mal hein?! Non je déconne, c'était d'un ennui certain ^^
Fichtr'! c'est déjà le numéro 74.
Au fait, tu re-uploadera les anciens?
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