99.
BIG
TIME [TOM
WAITS]
C'était
Alphonse qui m'avait initié à la cymbale à archet : « Tu verras,
ça demande pas beaucoup de technique, juste un peu de doigté et une
jolie dose
de finesse.
Si tu sais t'y prendre, tu devrais entendre le chant plaintif (mais
harmonieux !)et
la danse étrange de fantômes, zombies et autres vampires tout droit
sortis d'un vieux film fantastique ! »
Guillaume
introduisit
La Folie des grandes heures
en multipliant les lourds roulements de mailloches sur le tom basse,
puis je convoquai les esprits en caressant ma cymbale avant que
l'archet de Polina ne me rattrape, puis celui de Christophe (à la
manière de l'époustouflant
Making
time
des
géniaux Creation). En quelques secondes, un climat délirant fut
installé. Quelques spectateurs ne purent s'empêcher de crier et
d’applaudir avant l'arrivée du couplet, ce qui est toujours un
excellent signe (surtout
pour un groupe dont ils ignoraient tout encore quelques minutes
auparavant).
Ce
qui me collait
le
plus
de
frissons
avec ce titre,
c'est
quand
le deuxième
couplet
s'arrêtait
net,
que
nous laissions
le
silence s'installer
pendant
trois
grosses
secondes,
comme
si nous
étions
perdus,
et
que
le
refrain
s'envolait
enfin
au
milieu
du
beau
déluge
:
« En
attendant
la folie
des
grandes
heures
/ donnez-moi
/ en
attendant
la
folie
des
grandes
heures
/ donnez-moi
la lune
! » Là,
on
pouvait
carrément
se
brûler
le
bout des doigts
au
contact
du
frisson
! Déjà,
en
répétition,
la
chanson
me
faisait
monter
des
larmes
mais,
en
concert,
avec
les
frémissements
de
la
foule,
c'était
pire
(comme
disait
mon
petit
cousin
Germain)
!
Pour
que l'expérience soit véritablement ultime, Alphonse enfonçait le
vieux clou du free,
juste avant le final, en jouant son solo le plus débridé devant
trois micros reliés à des pédales d'effets différentes (wha wha,
flanger et fuzz, pour les spécialistes). Sa trompette faisait
tourner les têtes comme un mage chavire les tables !
Il
y a des moments où un groupe doit être sans pitié avec son public
! Notre grosse ruse, c'était que Cyril attaque l'introduction de
Gloria
alors même que le reste de la troupe sculptait encore des statues
de larsen sur les
cendres fumantes du
dernier refrain...
Gloria,
ce fut le pont magique entre le blues et la féerie des gandins du
Swinging London. Van Morrison ne s'y trompa point en la reprenant
quelques années lumières plus tard en compagnie de John Lee Hooker.
Nous la jouions comme Polina l'avait imaginée : méchamment lente,
dangereusement sombre et vicieuse...
«
J'aimerai vous parler de ma chérie, vous savez elle vient par là,
environ un mètre soixante de la tête aux pieds. Vous savez elle
vient par ici autour de minuit. Elle me fait du bien, Seigneur, elle
me fait tant de bien ! » C'est un poème sexuel et diabolique, les
Doors comme
deux-mille-huit-cent-quatorze
groupes se sont construits sur ces paroles et cette partition
qui
dépasseraient
à peine du dos d'un ticket de métro ! A
chaque giclée de bottleneck, Christophe hurlait des Gloria
avec ses yeux, pendant que Polina violentait son violoncelle comme si
Johann Sebastian Bach était le trisaïeul de Bo Diddley !
«
Et
son nom est Gloria : G.L.O.R.I.A. ! »
19 commentaires:
G.L.O.R.I.E.U.X
ça sonne moins bon... mais j'ai adoré !
franchement... mon préféré depuis le début du concert (bon j'adore le titre mais même, l'ambiance, le ton, le ... bref)...
Hello Yggdralivre,
Après les premiers chapitres, je me suis demandé si je devais faire un chapitre par titre. Là, j'ai un peu séché au milieu, ce qui m'a donné l'idée de l'enchaînement.
Merci, en tous cas, pour les généreux compliments.
L'évocation de Gloria est un moment de pur délice !
Je viens aussi de découvrir Creation et son furieux Making Time… de sacrés méchants, ces gars-là !
Je trouve que tu rends très cette impression de vivre très fort l'instant présent sans prendre le recul de ce qui se passe.
Y a peut-être juste le publique qui me semble idèalement réceptif à des illustres inconnus. A moins que le groupe soit diaboliquement bon, ce qui ne transparaissait pas à ce point lors des répetitons.
Je pinaille parce que c'est le chapitre que je préfère aussi sur le concert. En quelques phrases tu m'as immergée. Et je pense que ça rendrait encore mieux si on lit tout dans la foulée.
Tiens un morceau de Tom Waits que je n'ai pas ecouté depuis des lustres..
Hi Keith,
Voilà ce que c'est de ne pas télécharger tous les chefs-d'oeuvre que je poste, tu découvres Creation avec du retard!
Hola Audrey,
Je crois que le groupe découvre véritablement ses qualités au fil du concert!
J'espère que l'ensemble rend bien, de chapitre en chapitre, je n'ai pas encore trop eu le temps de revenir en arrière.
Wah-Wah, Flanger et Fuzz en série sur une trompette ? C'est cool ça, t'es sûr de flinguer les 2-3 premiers rangs, sacré pub pour un premier concert.
Je sais y a surement mieux mais pour moi Gloria c'est à jamais les Shadows Of Knight.
Faudrait la musique avec tes paroles, qu'on puisse comparer avec Mizanu !!
Hello Everett,
Comme raconté, la version de Mizanu est très différente de celle des merveilleux furieux de Shadows Of Knight (quel nom, tout de même!): plus lente, plus vicieuse (même si la leur est assez toxique) et davantage chargée en instruments.
L'énergie brute (raw power) (et sophistiquée à la fois, de par l'instrumentarium de Mizanu) que tu sais évoquer me fait immédiatement venir à l'oreille la version live de "Gloria" par Eddie & The Hot Rods... prends-le comme un beau compliment !
Plusieurs réactions
Pour l'instant la meilleure évocation du concert, le progrès du texte est à l'image du progrès du groupe.
Je comprends la réflexion d'Audrey, mais c'est la force de la fiction, quand exagérer rime avec frissonner. Voir les bio filmés d'artistes où la légende l'emporte davantage sur la réalité.
Sinon, cette fameuse "Lune" impossible de ne pas sourire au refrain, comment éviter l'image naïve de "Indochine", de "Air". À croire que les textes pop français sont à jamais marqués par Mélies.
"cymbale à archet" intrigant!! Mais GOOGLE ne m'a pas beaucoup éclairé sur l'instrument. Dommage. Un genre de "Scie musicale"?
Tiens, ce groupe a une telle "existence" que je commence à les jugers commes si ils existaient.
- Mes Coco, vous faîtes le grand écart, il va falloir choisir les contes et légendes, les grands espaces et leur dose de naïveté poétique OU BIEN à la Velvet, descendre au plus près et fouiller l'âme humaine, ses troubles et tourments. La fusion des deux vous entraînent déjà vers trop de mysticisme difficile à assumer. Réécouter GLORIA. Allez, bonsoir les enfants, c'était l'avis d'une baderne.
Hello Arewenotmen?,
Ce ne sont pas les reprises qui manquent (pas mal pour ce qui n'était, au départ, qu'une face B sur un single). Pour moi, Patti Smith demeure celle qui a poussé le bouchon le plus loin (quel intro!).
Hi Devant,
Je n'ai heureusement pas attendu Indochine (avec lesquels nous partagions un minuscule local de répétition à nos tout débuts) ni Air pour évoquer la lune (plus de la moitié de mes textes y faisaient référence) mais, le plus important, ici, c'est peut-être le jeu de mots sur "la folie des grandeurs" qui se transforme en "folie des grandes heures". (Et, avant Méliès, de nombreux grands poètes (mes amis Japonais entre autre) ont célébré l'astre magique...)
La cymbale à archet, c'est juste un archet avec le crin très tendu qui vient frotter le bord de la cymbale en offrant un son entre la cloche le le cri d'épouvante! Oui, dans l'esprit, on n'est pas loin de la scie.
Ce groupe n'a jamais existé dans l'état, mais j'essaye de transposer mes propres souvenirs pour rendre le propos le plus vivant possible.
Je suis à fond pour le grand écart. Regarde Ferré, il pouvait chanter des "tubes", parfois légers, puis se lancer dans de longues et profondes mélopées accompagné par un orchestre symphonique. L'homme n'est pas fait d'une seul pièce, il peut donc tout se permettre...
Oui, je comprends. mais dans mon délire, j'imaginais une bande de jeunots qui avaient une présence indéniable sur scène mais sûrement pas l'étoffe d'un Ferré. Qui à ma connaissance n'a jamais été vers cette naïveté "Pierrot La Lune". Mais c'est un peu de ma faute, non seulement je reste à côté de la poésie en général mais je m'agace de celle d'un Prévert. Alors que je résonne bien avec l'esprit des Velvet sans savoir entrer dans la musique elle même. Va comprendre.
(Quand même, Aragon, Cocteau, je ne suis pas encore perdu!!)
Il n'y a pas de naïveté à chanter la lune, juste de la poésie.
Les gamins du début ont grandis, ils sont désormais en terminal. A cet âge, j'avais déjà rencontré Baudelaire ou Artaud.
Excellent choix de reprise, il y a un truc particulier avec cette chanson. Une espèce de transe hypnotique, Van Morrison a probablement tutoyé la lune ou les étoiles le jour où il l'a écrite.
La lune inspire les poètes mais aussi les peintres.
Ouep, comme d'autres, je rentre de plus en plus dans le concert, et donc j'imagine ce groupe de plus en plus réel ! J'ai beau le chercher dans les bacs ou sur infoconcert, je ne trouve rien ... Argghh
Le Big Time de l'ami Tom ouvre les portes de la folie. Celle des grandes heures (modestes et géniales -dixit DM-) de ton texte.
Et Gloria ! Que dire de Gloria !!?! si ce n'est que j'aimerais tant entendre la version de Mizanu, et que ma préférée (y'en a tellement) reste celle de Madame Patti Smith, grande poétesse devant l'éternel (Éternel Rock'n'Roll bien sûr).
Merci pour cet épisode !
(Ps (pour les curieux) :
https://www.youtube.com/watch?v=VgNeBNMJFZs
https://www.youtube.com/watch?v=JH2rg7Fmcz8 ('tin de concert, j'y étais !)
Hello Till,
Justement, je trouve qu'il n'y a pas assez de peintures, mais j'en ai certainement loupées.
Hi Nestor,
C'est exactement ce que je pense comme écrit plus haut.
Salut Jimmy,
La lune est très présente chez Miro et chez Klee. Plus modestement, je l'ai mise en scène aussi dans plusieurs tableaux.
C'est peut-être moi qui suis Miro ou qui n'ai pas trouvé la Klee (mince! c'est Devant qui déteint sur moi)!
As-tu pensé à chercher dans le tiroir Dubuffet ?
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