100.
WILD
HORSES [THE
ROLLING STONES]
Voilà,
nous étions déjà rendus
à
la moitié du concert. Comme le temps où nous patientions dans
l'escalier semblait
loin !
Isidore
rangea les pédales d'effet et fit disparaître ma cymbale en
quelques secondes. Que
croyez vous qu'il circule dans un cerveau au moment où le rêve de
toute une vie est sur le point de s'accomplir ? Rien, c'est le néant
complet –
à l'exception
d'un léger état de panique, l'envie
d'aller se carapater
sous
les jupes de sa mère
!
Jusque
là, le public s'était montré plus généreux que dans nos songes
les plus exubérants, et ce ne pouvait être uniquement pour les
beaux yeux (et le reste) d'Olympia : tout super pouvoir a ses limites
! Les répétitions ne suffisent pas, un groupe se découvre sur
scène, et nous étions
en train de comprendre
que
nous pouvions exalter une
foule ! Oui,
mais comment allait-elle réagir quand Richard (alias Bowie junior)
viendrait à me céder
sa place
? Je n'eus pas le temps de me le demander.
«
Maintenant,
je vais confier le micro à mon ami Jimmy qui est non seulement un
magnifique percussionniste mais également l'auteur de toutes nos
chansons. »
Je
ne me souviens plus s'il y eut des applaudissements ou une simple
rumeur. Richard fit glisser le micro dans ma main moite, comme un
bâton de relais ou de dynamite... Guillaume
caressa, aussitôt,
ses toms d'élégants coups de balais, je n'avais plus le temps de
fuir.
Quand
on ne peut pas chanter, il existe encore une belle palette qui va du
murmure jusqu'au hurlement (dans mon esprit, ce n'était pas
suffisant (ou satisfaisant) sur tout l'espace d'un concert mais, à
faibles doses, cela pouvait avoir son charme). Quand
la voix se refuse au chant, il
faut plonger chaque mot dans une baignoire de passion et les
ressortir juste avant qu'ils ne se noient. Il
faut donner à chaque phrase la force d'un testament et la beauté
d'une ultime déclaration d'amour. Les
menus choses tels que le plaisir ou les souvenirs se fabriquent
ensuite, bien
plus tard, une
fois revenu sur terre. Je n'étais pas sur scène, je
me tenais tout là-haut, l'occiput frôlant les étoiles terminales, avec un goût
de nuage dans la bouche, la langue brûlée par un délire fiévreux.
Que
cachait cette folie ? J'ai entendu parler d'exhibitionnisme poussé à
l'extrême, de chevaux sauvages ruant
et galopant
dans les amplis, de relents d'extrait de légendes,
de poussière d'acide dégoulinant des spots... Le
public était un flot de déesses à séduire, une Olympia
démultipliée au milieu des vapeurs troubles, avec d'énormes
tentacules à applaudissements. Je sentais tous ces yeux qui me
déshabillaient l'âme, qui
poussaient leurs pupilles pour m'arracher un strip-tease émotionnel.
Toute
ma vie défila sans dire son nom pendant cette petite mort pleine
d'éclats de miroirs peinturlurés
d'électricité. A
chaque coup d'archet, Polina me fouettait jusqu'au sang ; à chaque
coup de médiator, les jumeaux me piquaient au cœur. Alors, je
retournais chercher d'autres mots au fond de mon brouillard sourd,
ivre de mon propre vin.
Et
puis des mots, des mots, encore
des mots jusqu'à l'arrêt
aux larmes et l'évanouissement : « Je vais monter sur mes grands
chevaux pour gagner mes châteaux espagnols. »
21 commentaires:
Quand je me suis lancé dans cette aventure, j'espérais (même péniblement) vous promener sur une cinquantaine de chapitres. Nous voilà rendus au centième et j'ai encore pas mal de bricoles à vous conter! Fatalement, j'ai perdu quelques lecteurs en chemin... Je voudrais, ici, remercier ceux qui ont tenu bon depuis le début, ainsi que ceux qui m'ont rejoins en court de route. Vos commentaires me sont réellement très précieux.
Ce luxe de détails (couplé à un lyrisme enfiévré) rendant réellement vivant ce que peut éprouver notre "héros" impressionne...
Hello Arewenotmen?,
Merci pour ce commentaire élogieux. Les détails, c'est pour faire vrai et le lyrisme pour essayer de vous emporter quelque part entre mes souvenirs et mon imagination...
Jimmy, tu en as aussi gagné, des lecteurs. Et moi qui ne suis pas très branché poésie (même en espagnol !), j'adore tes haikus sur ton autre blog.
Zocalo.
Hi Zocalo,
Oui, c'est ceux dont je parlais en remerciant les quelques bonnes âmes qui nous en rejoints en chemin. Ils sont plus rares concernant Titre Provisoire, mais ça viendra peut-être. Merci pour mes haïkus, c'est très important pour moi.
Le temps hors du temps, les poignées de secondes arrachées à l'inexorable horloge, les quelques grains voluptueusement volés au sablier...C'est l'heure de Jimmy, une de ces heures qui n'a pas de durée et il a trouvé le meilleur observatoire pour en profiter.
Moi aussi j'ai pris le train en marche et je ne regrette pas le voyage ! Et le fait que la destination soit inconnue, c'est assez excitant. L'épisode 100 (et sa chevauchée sauvage) est une superbe illustration de ce voyage dans lequel tu nous emmène. Avec le bâton de dynamite tu te places joliment dans la liste de mes expressions imagées préférées. Bravo
Le numéro 100 déjà.!!
(et on en veut encore......autant....plus ?)
Et le jeune Koule enfin au premier plan devant la foule.
Tout ce que tu écris sur ce que peut éprouver/ressentir un chanteur/poète/diseur au moment terrible et magique ( sans doute ?) de se lancer est magnifique de lyrisme ; quel luxe de détails ; quelle richesse dans tes phrases; quels mots tu trouves pour nous faire vivre tout ce qui se passe dans la tête, le coeur ( et les tripes ) de Jimmy ( Jimmy qui ? du vécu aussi ?)
Quelle imagination de la part du narrateur
Et quel beau voyage intérieur pour tes lecteurs
Des mots, des mots, encore des mots......pour nous emporter
Le chapitre 101 nous attend!
Très beau chapitre. Vraiment. Avec des mots justes. Des émotions et un trouble juste. Le seul défaut est bien entendu sa fin abrupté alors que c'est typiquement le genre de texte et d'amotion qui mériterait de lire la suite dans la foulée.
Je pense qu'autant ce n'est pas si gênant dans les prcédentes séquences, autant c'est dommage de ne pas pas profiter de ce que tu as créé ici pour nous faire basculer dans la suite. Un lecteur, tout comme l'auditeur, a parfois besoin plus d'un single pour apprécier une oeuvre. Ici, tu as la force du single mais celui-ci dure de 2mn30 alors que tu tenais ton auditeur pour toute une face de 33t au moins! Et que les chansons suivantes auraient larfement bénéficié de son rayonnement.
Hello Till,
A la fin d'un concert, on ressort toujours sur les rotules et le crâne en miette, pourtant, ça donne une telle énergie qu'on pourrait tout reprendre depuis le début.
Hi Nestor,
Pour reprendre la fin de ton commentaire: au début, je n'étais que sur le bâton de relais avant de l'associer à celui de dynamite. C'est la réunion des deux, surtout, qui me plaît bien. Merci pour tes encouragements.
Hola Echiré,
Je suis plus à l'aise pour décrire les sensations du chanteur car je les ai bien connues. Le plus gros du travail d'imagination a été de travailler sur le caractère exceptionnel. Je te remercie, comme toujours, pour ton enthousiasme généreux.
Hello Audrey,
La force d'un feuilleton, c'est aussi l'attente et le rebondissement. A chaque chapitre, j'essaye de me remettre en question... Tu verras, ça sera vraiment mieux quand tu l'auras acheté chez ton libraire et que tu pourras le lire d'une traite!
Yo !
Ce chapitre 100 s'est gagné une magnifique célébration avec ce dernier chapitre enfiévré.
Quand je pense que certains, dont je fais partie, se seraient contentés d'écrire qu'être chanteur c'est juste un moyen pour choper des gonzesses ...
Continue, nous on attend.
Hello Everett,
Oui, j'y avais pensé à ce truc de choper des gonzesses, sauf que le narrateur s'est déjà emballé la plus belle depuis longtemps!
salut,
je suis content de le lire ce chapitre 100 !
déjà parce que c'est le centième et que l'on peut mesurer (comme le lecteur) le chemin parcouru, que l'on se souvient, on se rappelle maints moment passés on ta compagnie (et on espère les prochains).
perso, j'ai découvert ton blog comme ça, en tombant sur des pépites musicales tout à fait nawak et intéressantes, et puis j'ai lu un texte et je suis resté pour ça.
En plus la petite communauté qui se croise ici est attachante et sympathique (même si je personne ne m'indique où trouver le premier groupe de ramon pippin... je ne râle pas, c'est juste que ce truc me paraît de l'ordre du mythe... enfin si quelqu'un a un lien pour le tome 2 de l'intégrale d'odeur ^^... bon je termine cette parenthèse)
on apprend des choses, on navigue vert des endroits inconnus et bien souvent tentants ou l'on remet le cap vert des îles que l'on avait presque oubliées.
ce 100ième épisode illustre assez bien ce moment de bordel euphorique qui est par définition indescriptible, tout comme il rappelle combien ces épisodes sont d'étoiles à relier pour former une constellation.
en revanche, pour l'autre blog ! Je précise que, pour moi je ne sais pas pour les autres, je dois me connecter souvent plusieurs fois (et.ou m'y reprendre plusieurs fois) pour parvenir à poster un commentaire, j'admets que bien souvent je me suis découragé... mais je le trouve très bien également.
Tu nous as trimballés à bout de bras jusqu'à ce 100è chapitre qui est un peu comme le final d'un feu d'artifice… sauf qu'ici, le feu d'artifice continue de plus belle.
Il a bien grandi le petit Jimmy Koole des premiers épisodes. Il n'est plus un enfant, il n'est pas encore un homme. Il a un vécu incroyable et encore des rêves à réaliser.
Bonne route, petit Jimmy… et n'oublie pas que le plus beau reste à venir.
En plus les chevaux sauvages des pierres qui roulent me bouleversent à chaque cabriole.
Hello Yggdralivre,
Merci pour toutes les gentilles choses que tu nous racontes là!
J'ai cherché pour Pipin (Odeurs n'est pas son premier groupe, il y a quand même eu le génial Au Bonheur Des Dames avant), mais pas encore trouvé.
Pour Titre Provisoire, je ne rencontre de problèmes sur les commentaires qu'au niveau de la zone "réponse", jamais pour un simple commentaire. Si je pouvais t'aider, je n'hésiterais pas!
Hi Keith,
Merci pour ta fidélité. J'espère que le meilleur reste à venir, je ne peux m'y engager, mais je vais essayer. En tous cas, il y aura des surprises.
@JJ ha mais c'est mérité, ça en fait du boulot et du partage (et de la qualité)
pour le blog ça doit venir de moi alors ;(
et pour odeurs et au bonheur des dames, j'ai déjà du mal à trouver... je crois que je vais faire une croix sur ses premiers enregistrements.
Étrange ce que je vais écrire. Mais ce châpitre m'a fait penser à ce livre
http://www.cafardcosmique.com/LANARK-de-Alasdair-GRAY
Histoire où l'auteur apparaît dans son livre comme un personnage, mais un personnage étant l'auteur du livre....
J'ai vraiment eu l'impression qu'au moment de "Quand on ne peut pas chanter..." tu as poussé ton personnage pour TOI prendre le micro, non le texte et venir nous dire à nous lecteur. La relation était devenu tellement intime que je comprends pourquoi tu as laissé en l'état le climat fantastique que tu as créé. J'imagine que la fiction reprendra ses droits au 101?
Hello Yggdralivre,
Si tu veux du Au Bonheur Des Dames, fais mon signe.
Hi Devant,
Je connais ta faculté à tout compliquer, mais tu m'étonnes encore! Ici, le narrateur est un personnage du récit (et il se trouve également qu'il a le même prénom que l'auteur). Il n'y là rien de fantastique, j'ai raconté dans les chapitres précédents qu'il était incapable de chanter, mais que le groupe lui avait tout de même concédé deux titres pour s'exprimer, et c'est ce que je raconte dans ce dernier chapitre.
Oui, je comprends bien ce qui amène ce monologue. Si je complique c'est involontaire.
Imagine, en image... La scène sur scène se déroule comme tu le décris jusqu'à "je n'avais plus le temps de fuir." ...
Puis regarde cet arrêt sur image avec notre personnage figé et toute la foule, alors une personne (toi) viendrai s'installer dans ce décor figé pour entamer "Quand on ne peut pas chanter..." sur un ton calme pour laisser le texte l'emporter. Un peu comme Sacha Guitry ou Bertrand Blier quand il se tourne vers le public. Ensuite l'auteur s'éclipse pour que le récit reprenne son rythme échevelé. C'est comme ça que je l'ai lu.
Je sais bien que tu ne compliques pas volontairement (en même temps, chacun est libre de son interprétation comme de suivre son imagination). Je pense que ce qui t'a emmené là (mais je le fais souvent), c'est le mélange (et les allers retours) entre le regard disons éloigné du narrateur et le récit de la scène proprement dite. Je ne sais pas si c'est clair. Il y a, en fait, deux visions qui se chevauchent sans cesse, celle du narrateur aujourd'hui sur hier (avec sa connaissance du futur et la vie qu'il a pu mener) et celle du personnage qui, même au passé) est davantage dans l'instant. ça peut troubler!
Continue à troubler...
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