Entre
ses jolis
doigts
diaphanes, Olympia tenait notre inscription au plus important
tremplin
jamais organisé dans
ce pays.
Un
label avait
décidé
d'employer
les
grands moyens pour dénicher la perle rare (et
s'offrir un peu de réclame dans le même élan).
La
lutte s'annonçait longue et acharnée, mais il y avait rien de moins
que l'enregistrement d'un album à la clef (à
ses mots, des disques, pourtant sombres, brûlèrent nos pupilles de
leurs
reflets
plus
éclatants
que le soleil en robe d'été).
D'après ses dires, ma belle n'eut
même pas
besoin d'user de ses charmes, l'organisateur ayant
succombé à ceux du groupe lors de notre passage à Lille. Il
tenait absolument à notre participation et nous exonérait des
présélections. Il
nous restait donc trois semaines pour nous préparer à la première
manche.
Contrairement
aux émissions de télé-crochets, dont on nous abreuvera plusieurs
décennies plus tard, il était interdit de présenter des titres
déjà enregistrés ; le label ne voulait pas d'habiles repreneurs,
mais des musiciens ayant leur propre univers et capables d'écrire,
de composer et de se produire en public. Le seul bémol, c'est
que nous n'avions droit qu'à
cinq titres pour convaincre un jury de « professionnels » (je
vous laisse juger de la pertinence du mot).
Nous
allions devoir perdre la
moitié de
nos doux
enfants au fond de la forêt !
Déjà
tout petits, la plupart des hommes aiment jouer à celui qui urinera
le plus loin (juste
avant de se mesurer l'appareil reproducteur !).
Personnellement,
je n'ai jamais beaucoup goûté la compétition. Hélas, le jeu s'y
prêtait, et les groupes prenaient un plaisir malsain à se toiser,
regardant le blouson ou l'ampli du voisin avec un air de dégoût ou
un sourire narquois.
Bref, le Rex Club sentait la poudre avant que quiconque n'ait encore
dégainé
la
moindre guitare de son étui.
Pour
ce premier rendez-vous, l'organisation laissait un peu à désirer,
les groupes passant davantage
de
temps à monter puis
désinstaller
leur matériel plutôt qu'à jouer. Comme nous étions les plus
nombreux, il avait été décidé que nous passerions les derniers,
ce qui nous laissa largement le temps de nourrir notre angoisse. Le
jury se composait d'une attachée de presse du label, de Francis
Dordor (alors rock-critic à Best), d'Alexis Quinlin (ancien manager
de Taxi Girl (qui
sera
incarcéré
à New York, deux
décennies plus tard,
pour une escroquerie à quelques
quatre
millions de dollars !)) et du chanteur Patrick Coutin
(particulièrement connu pour aimer regarder les filles marchant sur
la plage). Ce beau monde étant, comme à l'école, invité à nous
donner une note allant de un à cinq, tout en éclusant moult pintes
d'un breuvage fermenté (ce
qui est un tantinet moins scolaire, je vous l'accorde).
Assez
D’Excès ouvrit le bal avec un hard rock fortement
influencé par son presque homonyme
mais avec des textes en
français soit disant « comiques très second degré », selon le
père du batteur qui faisait office de manager. Une véritable
calamité en ce qui me concerne et le fait que le chanteur insulta
Alexis, après l'avoir vu se boucher les oreilles en
grimaçant,
n'arrangea certainement pas leurs affaires.
Bambi
2000 (ça s'annonçait bien !), soit deux garçons coiffeurs, firent
sensation dans le ridicule ! L'un faisait couiner son machin en
gesticulant comme une
marionnette dégingandée,
pendant que l'autre chantait la romance moderne d'une voix suraiguë
et dans un anglais plus qu’approximatif. L'attachée de presse
sembla au bord de l'extase durant tout ce que j'ai peine à nommer
leur spectacle, alors que Francis Dordor dodelinait
d'une tête qui avait l'air de se demander pourquoi
elle était venue se coincer dans pareil étau.
Zoé
Lacharme, seule avec sa guitare et une rangée de pédales d'effets,
nous mit une toute autre pression. On aurait dit la petite sœur de
Jeffrey Lee Pierce et je crois que ce compliment ce suffit à
lui-même.
Kings
Tone avait
bien retenu les leçons des Specials, Madness ou Selecter. Pour
gagner en originalité, le groupe compliquait sa sauce d'une jolie
pincée de condiments cubains. Dordor, grand fan de tout ce qui
touche à la Jamaïque, reprit espoir mais, à ce que je crus
comprendre, le reste du jury trouva l'affaire trop « typée »,
comme on disait chez la Vache Qui Rit !
Les
Enfants D'Ailleurs se présentèrent comme un groupe
de jazz-rock louchant
vers l'Afrique. En
réalité, cela donnait l'impression de manger une choucroute
recouverte de mafé ! Pas franchement digeste, d'autant que leurs
titres avaient une fâcheuse tendance à s'étendre au-delà du
raisonnable.
Satori
était d'une autre trempe. Certes,
leur
batteur peinait
à maintenir le rythme, mais leurs guitaristes
imitaient
le duo Tom Verlaine et Richard Lloyd avec beaucoup de grâce.
Nous
n'eûmes pas le temps de voir et d'écouter Les Autres (pas
un si mauvais nom à la réflexion)
car notre tour approchait et Olympia voulait
gonfler au maximum le moral de sa petite troupe avant
l'entrée en scène...
18 commentaires:
On sent que tu as pris un plaisir fou (et tu vas dire que c'est issus de tes propres souvenirs ou pas loin) à donner des noms de groupes et à taquiner les prétendants au titre...
en tous les cas j'ai bien ri... ça n'enlève rien à la tension (car tension il y a puisqu'on sait que cela ne va pas finir en apothéose) sous-jacente.
un faux interlude réjouigoissant.
Hello Yggdralivre,
Mon expérience a été utile pour ce qui concerne l'ambiance de ce genre de joutes (pas très excitantes, il faut le dire) mais, sinon, j'ai inventé sur pièce les noms des groupes et le style allant de paire. La tension monte, mais le tsunami arrivera presque d'un coup...
On sent le vécu. D’ailleurs, le mélange fiction et de noms réels laissent supposer une certaine retranscription du vécu (a priori dans les membres de l'improbable jury?). Cela rend la présentation de la scène tout à fait crédible. Eventuellement (je dis « éventuellement » parce que maintenant que je me retrouve railler dans tes textes quand je dis « mais », donc je fais gaffe), éventuellement donc, tu aurais pu faire une vraie scène sur les duels d’égos entre groupe, cela pourrait d’ailleurs donner lieu à une scène cocasse et drôle…
Donc on se retrouve face à un double/triple suspense : quels sont les véritables challengers de nos chouchous (je trouve que tu aurais pu aussi glisser un groupe qui aurait pu vous rendre jaloux, cela pourrait accroitre le suspense, mais on sent que tu as utilisé ici plutôt ton vécu) ? Le jury sera-t-il lucide et juste ou va-t-il céder à un copinage ou à une corruption quelconque (du genre boisson fermentée offerte pendant toute l’année) ? Ou l’heure du traitre va-t-il sonner, depuis le temps que sa menace plane sur leurs pauvres têtes ? Que de suspense!
Voilà, un petit retour "sans mais"...
Rassure-moi : quand tu parles d'un musicien qui fait couiner son machin en gesticulant… ça n'a rien de sexuel ?!?!? ;-D
Sinon, est-ce que ce tremplin était présenté par Jacques Martin ?
Bonne chance pour la suite…
Hi Audrey,
Il n'y a pas tant de vécu que ça, même si j'ai déjà participé à des tremplins, mais les membres du jury n'étaient pas des célébrités (j'ai quand même pensé à Coutin en le voyant animer un atelier pour rockers débutants). Pour ce qui est des concurrents sérieux, il y a quand même une fille dont j'écris qu'elle pourrait être la petite sœur de jeffrey Lee Pierce et un groupe dont les guitaristes se rapprochent de ceux de Television, ça me semble déjà pas mal! Pour répondre à tes dernières interrogations, disons que nous ne sommes qu'au début du tremplin, lequel va s'étendre sur plusieurs chapitres (vu l'enjeu, ça me semble un minimum).
P.S. : merci pour tous les commentaires que tu as laissés depuis ton retour. C'était comment?
Hola Keith,
Non, dans mon esprit, il n'y avait rien de sexuel - même si j'y ai songé à la relecture!
Pas de Jacques Martin, donc tout le monde ne se retrouvera pas à égalité.
Manque plus qu'un groupe de rap et Jean-René Flatule et Son Coussin Péteur et le tableau est complet !
Là tout de suite j'ai un faible pour Bambi 2000.
Mais vous n'êtes pas encore passés ....
Tiens... en parlant de Radio-Crochet ou aujourd'hui de Télé-Réalité il va falloir expliquer à Nikos Aliagas et aux coaches concernés - dont je ne possède aucun album hormis Zazie (juste un brin de talent sans plus)... Le titre "I Will Always Love You" est de Dolly Parton avant tout, érotiquement banane dans son interprétation et non de Whitney Houston qui beugle ce morceaux à en faire traire les vaches du lait caillé, alors les versions de Jenifer auparavant ou de la candidate ce samedi..
C'est du yaourt en poudre que l'on sort des pis et dépités, TF1 à l'époque avait rejeté mon Tweet sur le sujet évidement, mais nous n'évoluont pas dans le même secteur intellectuel et émotionnel.
Encore un coup de gueule de projectobject évidement.
Lire bandante et non banane... Il va nous falloir un Google pour adultes à la place de celui pour Bisounours, font crier..
J'abdique c'est trop criant!!! Euhhh... ou shiant peut-être, j'sais plus trop...et dire qu'il faut indiquer que nous ne sommes pas des robots en sélectionnant 3 images comme en CE1 avant validation du texte, affligeant ... Vive les générations futures.
Hello Everett,
J'ai toujours su que tu aimais les garçons coiffeurs!
Hi Projectobject,
J'ai commencé à regarder avec ma fille et me suis laissé prendre au jeu. Par rapport aux autres émissions du même genre et pour TF1, je suis tout de même agréablement surpris, même si le jury m'énerve assez souvent (comme Pagny qui pense qu'un chanteur doit absolument briser des verres en cristal pour avoir le droit d'exister!) Je comprends parfaitement ton point de vue sur les auteurs car ça me gonfle considérablement. la semaine dernière, il y en a encore un qui nous a annoncé que "Halleluja" était du fils Buckley (grand classique) mais, le pire, c'est quand un gamin nous a servit que "River deep moutain high" était de... Céline Dion! J'ai failli en péter ma télé!
'tain !
j'viens de lire le titre... même pas je l'avais noté..; shame on me ;(
Pas certain que ce soit le plus finaud, mais je n'ai pas trouvé mieux.
Une nouvelle séquence de concert qui s'annonce, après une première mémorable... mais je sais que tu nous surprendras et émouvras encore Jimmy !
Excellent "Amuse-bouche" (comme disent les anglo-saxons qui imitent les Frogs) qui nous annonce un crochet palpitant ! Bravo pour ces noms de groupes et leurs styles hyper réalistes. Un jury aux petits oignons, qui promet de passer de la fiction à la vraie vie (ou l'inverse). J'ai connu Coutin (par esgourdes interposées) avec 'Fais-moi jouïr', et je l'imagine assez bien apprécier Bambi 2000. Suspense et tension ... j'attends la suite avec impatience !
Hello Arewenotmen?,
Je vais faire mon possible, ce qui me manque un peu, aujourd'hui, c'est le schéma entre ce concert et le moment crucial que j'ai en tête, mais ça va venir doucement.
Hi Nestor,
Il va falloir que je me décarcasse, parce que veux offrir un jury différent pour chaque étape mais, comme tu le dis, ça permet un pont entre réalité et fiction.
un affreux soupçon. Vu le chouette succès des épisodes sur le concert, j'ai pensé que tu refaisais le coup avec l'idée de repasser sur scène. Sans oublier le plaisir d'énumérer les concurrents, bien vu. Et en + tu nous promets du Tsunami.
je maintiens que la formule feuilleton + commentaires et réponses aux commentaires est peut-être une nouvelle forme de narration, en tout une belle réforme du feuilleton à paraître dans le journal.
Hello Devant,
Non, je ne me suis jamais imaginé repassant les plats, ce n'était déjà pas évident d'offrir un chapitre à chaque chanson de ce concert imaginaire. Par la suite, je vais sans doute davantage joué sur l'aventure et l'envers du décor qu'offre ce tremplin et ce jusqu'à l'explosion (qui ne sera pas final).
Je suis très heureux des commentaires (même si j'ai été lâché sans explication par des gens qui semblaient l'apprécier), certains m'ont donné des idées pour rebondir différemment de ce que j'avais imaginé...
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