«
Bon,
d'accord,
je
suis peut-être pas super objective, mais je crois que vous avez rien
à craindre de personne, même si j'ai beaucoup
aimé la prestation de la
charmante
Zoé, annonça
Olympia. Ne
jouez pas trop
vite ou
trop
fort et essayez d'oublier la
présence du
jury. Si
vous ne
vous
mettez pas une pression extraordinaire, ça passera tout seul, et
vous pourrez continuer l'aventure.
– Je
me sens pas dedans,
répondit
Cyril, j'ai perdu
le truc
à
force de
poiroter...
Je suis pas certain
que
ce soit fait
pour
nous ce genre de machin,
tremplin
et compagnie...
–
Eh,
pas
d’affolement, mon frangibus chéri, t'as peur que Bambi 2000 nous
rafle la mise sous le nez ?! T'inquiète, quand tu seras sur le
planché magique,
le truc, comme tu dis, il va revenir comme
par enchantement,
et on va leur éclater le palpitant ! »
Un
type tout rougeot glissa sa grosse figure
par
l’entrebâillement de la porte des loges
et brailla : « Mizanu sur scène
dans
cinq minutes
chrono
! »
«
Bonsoir, nous sommes Mizanu, annonça Richard.
– Alors,
foutez-vous à poil ! gueula un abruti. »
Après
les
heures d'attente, le stress, l'animosité entre
les
groupes, la musak electro pop pour attardés mentaux d'un Bambi 2000
et le coup de panique de Cyril, ce fut la goutte d'eau qui transforme
le sable en vase. Malgré les recommandations d'Olympia, chacun
poussa ses potards dans le rouge, et nous jouâmes, tout de suite,
beaucoup trop fort et beaucoup trop vite. Il ne fut plus question
d'essayer de charmer le jury ou qui que ce soit mais de violenter.
Adieu
tensions, montagnes russes émotionnelles, écoute des autres... La
chanson n'eut pas le droit de respirer, ce fut la Saint-Barthélemy
rock'n'rollienne, la grosse pornographie électrique ! J'ai
connu des groupes qui n'ont jamais été meilleurs que dans
l'adversité. Même
Richard se mit au diapason vérolé en instillant une bonne dose
d'Iggy dans sa potion de Bowie Junior. Cela ne nous ressemblait pas
vraiment, mais je
crois que ce
n'était pas encore
trop mauvais et
ça soulageait méchamment, sauf que j'éventrai la peau de mon
tambourin avant l'arrivée du premier refrain.
Sur
le bord de la scène, Olympia et Isidore faisaient de gros efforts
pour ne pas se montrer totalement catastrophés. Sur le pont, la
trompette d'Alphonse me fit saigner du nez, et j'éclatai une paire
de maracas, alors que ma chemise se gorgeait de rouge – rompant
allègrement avec notre code vestimentaire !
Polina
ne laissa pas exister d'éventuels
applaudissements, elle
introduisit le titre suivant en jouant par-dessus le feed-back du
final précédent. Elle caressa les anges dans le sens du plumage en
pleurant doucement sur les notes bleues. Je
ne vais pas hésiter à l'écrire, en revenant à nos voluptés
habituels après cette lourde dérive, ce fut l'un des moments les
plus scandaleusement émouvant
de
notre histoire. Nous sûmes que l'affaire était déjà gagnée car
les membres des groupes se disputaient entre eux parce que certains
n'avaient pu s'empêcher d'applaudir
ou
de nous
encourager.
Quand
ce fut à
mon
tour de passer derrière le micro, j'improvisai un
long couplet
pour
Nico car le
Rex Club était le lieu privilégié où elle nous donnait
rendez-vous chaque
année (et tant pis pour les demeurés qui se déplaçaient
uniquement pour entendre les deux ou trois titres du Velvet
Underground). J'avoue que jouer sur cette scène qu'elle avait foulée
(j'adorais
sa démarche solennelle et gracieuse (quoique parfois légèrement
chancelante), quand elle quittait la coulisse pour s'approcher de son
harmonium)
m'impressionnait davantage que les
attablés qui devaient juger notre
prestation.
(Je
ne voudrais pas vous submerger de parenthèses, mais il faut bien
noter quelque
part la
chance que nous avons eu de pouvoir admirer de si près des légendes
trop originales pour toucher le cœur du gros public. Quelques
jours seulement après le tremplin, devant trois pelés, deux tondus
(même pas skinheads !) et une poignée de kamikazés électriques,
Alan Vega, plus habité que jamais, nous offrirait un concert
d'anthologie sur la même scène...)
Nous
enchaînâmes les deux derniers titres pour étouffer le public et
le jury
dans
nos anneaux, complètement
nus, à poil, l'âme libérée...
Comme
nous n'étions pas exactement au Théâtre de L’Empire en compagnie
de Jacques Martin, tout le monde ne gagna pas une panoplie de clown,
un magnétophone en plastique et une poignée de tickets pour aller
assister au spectacle de Dorothée (actrice chez François Truffaut,
tout de même !) en famille, mais l'organisateur fut suffisamment
charitable pour ne pas détailler les notes.
«
Je
voudrais tous vous remercier pour votre participation, en mon nom
propre et en celui du label. J'espère
que vous garderez un bon souvenir de cette expérience... Bon, je
crois que vous savez déjà quel est le vainqueur ; en tous cas, le
jury a été unanime. Notre champion du jour est... Mizanu ! »
Les
jumeaux lâchèrent un cri de libération,
mais le périple serait encore bien long jusqu'à la finale, si nous
y parvenions jamais.
Sur
le chemin du retour, Polina me félicita pour mon
passage sur
Nico. « C'est qui, encore, celui-là ? », demanda l’incorrigible
Richard !
16 commentaires:
Bon, voilà à quoi peuvent servir des commentaires. Sous l'aimable pression de lecteurs qui prennent soin de m'écrire ce qu'ils pensent, j'ai corrigé ma dernière copie. J'ai l'impression que c'est beaucoup mieux ainsi...
Désolé pour la police qui déconne un peu, mais Blogger ne veut rien savoir.
Désolé, je n'ai pas attendu de vieillir pour être susceptible!
Je ne me voile pas la face. Quand j'ai vue Nico sur scène, ce n'était plus la beauté d'antan, et je m'en foutais royalement. J'évoque sa grâce dans mon texte car il n'y a pas que les jeunettes ou les top models qui peuvent en être pourvues. N'ayant pas à coucher avec elle, non plus, je me fous également du nombre de douches qu'elle prenait ou ne prenait pas. Pour moi, elle restera à jamais la chanteuse, musicienne, auteure, compositrice la plus inspirée de tous les temps. Ce n'est que mon avis et je n'ai pas l'intention d'obliger quiconque à la partager. Ce que je sais, c'est que dans le petit monde de la pop, je ne vois personne qui ai jamais proposé quelque chose d'aussi personnel. Qui ressemblait à Nico avant et qui lui ressemble après?
Hi Chris,
Si tu l'as préférée, c'est déjà un bon point. J'espère qu'il y a des passages drôles, mais pas tout!
Voilà, on se sent davantage concerné! Et je trouve que sur ce que tu as rajouté, on sent vraiment que le groupe est un groupe. Un gang. Avant j'avais plus l'impression que le groupe était composé d'une somme d'individus. Donc vraiment, je trouve ça vraiment mieux et du coup, ce n'est pas gratuit. Ton groupe prend, je trouve, vraiment une autre dimension ici.
Hola Audrey,
J'en ai mal dormi de toute la nuit. Le déclencheur, c'est quand j'ai trouvé le "foutez-vous à poil!"; ça n'a l'air de rien, mais ça m'a donné l'impulsion pour la suite que je n'avais su dénicher pendant quinze jours. Je crois que j'avais besoin d'un bon coup de pied au cul, merci de me l'avoir offert!
Bah un peu de sang sur la scène ça peut pas faire de mal ...
Je confirme que cette seconde version est bien plus inspirée ! On y retrouve notre Jimmy et sa plume lyrique et épique.
Meilleur, indiscutable.
Sous un autre angle: C'est une drôle de sensation que ces échanges interactifs. Attention à ne pas briser la magie de la fiction.
Je me souviens - mal - d'un film où le spectateur était plongé dans une intrigue (un Guédiguian je crois) quand soudain un dialogue s'installe entre le réalisateur et le scénariste pour juger les scènes précédentes et en proposer d'autres versions. Bien entendu c'était moins interactif qu'ici, mais il y avait déjà ce double effet: réveil brutal pour faire appel à la réflexion et l'intelligence du spectateur - force de Godard - mais aussi fin de l'illusion, l'intrigue reprenant, toute l'épaisseur d'un univers avait volée en éclat.
Attention.
Attention à ne pas perdre des lecteurs au profit de correcteurs.
Je n'ai rien à dire, j'ai même tenté pire. Aujourd'hui il y a respect de l'esprit de ton roman tout en proposant des améliorations, alors que moi je réclamais une orientation plus fantastique/poétique.
Ou bien je le tiens mon roman fantastique, avec les commentaires il y a comme une mise en abîme... et si nous étions les personnages sur l'histoire d'un écrivain qui nous pensait l'aider à écrire un roman?
PS: Le "à Poil" m'a bien fait marrer, et je ne l'avais pas compris de suite
PS: Dis donc le numéro 1 date de quand?
ha ben voilà :)
le foutez-vous à poil!... y'a pas que toi, c'est aussi ce qui m'a mis dedans (ça et la gestion des instants avant d'entrer sur scène qui prend plus de place et qui du coup apporte la tension avant la libération scénique )
après... (enfin je dis ça sur ce que je connais du texte et des commentaires)... c'est la première fois que JJ réagit de la sorte, il me semble que s'il lit et prend en compte les avis des uns et des autres en règle générale il fait ce qu'il veut comme il le veut (avec parfois des clins d'oeils) sans tomber dans le "fan service", donc si là il y a changement c'est peut-être aussi parce qu'il sentant que ça ne résonnait pas au mieux.
Tu as raison @yggdralivre
Mais cela reste pour moi une drôle de sensation. Je ne voulais/veux pas être négatif, c'est juste une expérience et je voulais témoigner de cette impression.
Merci à tous pour vos derniers commentaires. Je ne suis pas trop du genre à me laisser influencer, c'est d'ailleurs la première fois en 112 chapitres que je revois ainsi ma copie, mais certains commentaires ont confirmé mes doutes: celui-ci ne passait que moyennement en l'état. Vos remarques m'ont stimulé et aidé à trouver la solution derrière laquelle je courais depuis plusieurs semaines. Je comprends parfaitement les retours de Devant mais, ici, ce n'est peut-être pas encore une oeuvre finie (d'ailleurs les maisons d'édition ne se privent pas, elles aussi, pour faire des suggestions à leurs auteurs), et tout ce qui pourrait m'aider et évidemment bon à prendre.
La publication (on l'espère) de ce feuilleton en un ouvrage unique nécessitera peut-être une refonte, car il ne s'agira alors plus exactement de la même lecture donc de la même oeuvre.
J'ignore ce que ça deviendra mais, au moins, le petit monde des blogs m'aura redonner l'envie d'écrire, et c'est déjà beaucoup.
Bonjour Jimmy,
Fidèle lecteur,mais infidèle dans les commentaires, je savoure tes écrits et espère une publication regroupant tes créations.
Au plaisir de te lire
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