117.
TOMORROW
NEVER KNOWS
[THE
BEATLES]
Cette
nuit-là, ma vie défila en accéléré pendant que ma mort se
fabriquait.
Etrangement,
un lendemain parvint à s'extirper du chaos de la veille. « Le
Monstre » m'avait tué et, pourtant, je respirais encore. Je me
réveillai donc au milieu des ruines de cet Hiroshima émotionnel.
Mes photographies
et mes posters n'étaient plus que cendre et les murs de ma chambre
puaient le sang. (Je
me souviens d'un poème, composé par une haïjin après les crimes
atomiques
du
mois d'août 1945, dans lequel elle évoquait un bébé tétant
encore le sein de sa mère morte. Aujourd'hui,
au moment où j'écris ces lignes, malgré
les
décennies qui nous séparent de cet épisode, je me revois comme le
frère, le quasi sosie de ce nourrisson buvant du lait rouge.)
La
vie est aussi stupide
et
peu crédible que ça. Un papillon bat de l'aile à
l'autre bout du monde,
un chat traverse l'avenue
au
mauvais moment, un
type vous
vole vos chansons, et votre existence
est réduite à néant...
Les
premiers jours, on n'a pas la force de prendre son téléphone ; les
suivants, on reporte à un bien hypothétique meilleur lendemain et,
un autre
jour encore, on
n'ose plus car on se dit qu'il est trop tard...
Mille
fois, je composai le début du numéro d'Olympia ou de mes amis et,
mille fois, je raccrochai le combiné. Ils ne m'appelèrent pas non
plus. Le
même songe revenait me hanter nuit après nuit : ma
belle arrivait
chez moi avec un nouveau bouquet de fleurs
et disait : « Personne
ne
va
se laisser abattre par ce coup tordu, des chansons vous allez en
écrire d'autres avant
de repartir
plus fort que
jamais.
» Sur ces mots, la bande débarquait en se marrant comme si elle
venait d'entendre la blague la plus irrésistible
de
tous les temps. Puis,
quelqu'un
éteignait l'interrupteur, et tout
ce joli monde retournait
dans les limbes...
Je
mis une éternité avant de pouvoir mettre un mot sur cette situation
: honte. Oui,
honte d'avoir accepté un
type parmi nous pour sa seule belle voix, honte de s'être fait
trahir par le même. Et
il existe des gens qui ne se relèvent jamais de certaines hontes.
(Vous
me permettrez cette nouvelle image qui pourra sembler excessive :
nous (car je suis désormais certain que nous fûmes tous frappés du
même mal) étions comme ces femmes violées qui ne supportent plus
ni leur homme, ni le sexe, ni même l'Amour, et qui mastiquent leur
drame comme on rode dans les couloirs de la folie.)
A
la fac, certains m'appelaient le fantôme ou le zombie, mais
l'immense majorité ne m'appelait pas, ne me voyait plus ; j'étais
devenu invisible aux autres comme à moi-même.
« Le Monstre » ne m'avait pas tué, il avait fait pire encore, il
m'avait lobotomisé.
Je
n'écoutai
pas le moindre disque
pendant près de deux ans. Parfois, ma pauvre
maman déposait
le nouveau Rock & Folk
ou
Best
sur mon bureau, mais je
ne reconnaissais pas les gars en couverture, et
je le jetais, aussitôt,
à la poubelle sans même l'avoir feuilleté : aucun sourd n'a envie
de lire un magazine consacré à la musique.
Je
passais tout mon temps libre recroquevillé
sur
mon lit de misère,
enroulé
dans une camisole de souffrance,
à
contempler la blancheur mortuaire
du
plafond.
29 commentaires:
Episode poignant qui prend aux tripes. Mais notre personnage ne peut rester longtemps prostré ainsi. Il va rebondir vers les étoiles j'en suis persuadé. Stairway to the stars sera sûrement le titre d'un épisode à venir. Wait and see...
Charles
En espérant bien entendu que cela puisse t'aider parce que le lecteur doit certainement être un animal parfois très étrange pour celui qui écrit, je me permet de te faire un retour sur ce que j'ai ressenti...
D'abord, marrant (si on peut dire) comme j'attendais la semaine dernière la suite de ton feuilleton. J'avais envie de voir comment tu allais te débrouiller et où tu allais emmener ton/notre Jimmie. Même si je pense tu as été un peu excessif/maladroit sur certaines de tes comparaisons (le parallèle avec le Japon notamment, même si l'image que tu évoques est d'une beauté terrifiante, mais un peu hors de propos à mon goût).
Au final, au global, je dirais que tu as réussi ton challenge.
Pour ce chapitre, j'aurai bien vu In My Room des Beach Boys...
En piste de réflexion, si ça t'intéresse, j'aurais d'abord "zoomer" sur Jimmie dedans sa chambre. Cela t'aurais permis de mieux insister sur le face à face avec ses pensées. Car, un quelques pages, tu en fais un personnage complètement seul. Puis ensuite, j'aurais montrer ensuite sa difficulté d'affronter l'extérieur et à nouveau fini le chapitre dans la chambre pour renforcer le gouffre dans lequel il plonge.
Pour ma part, j'aurais peut-être fait une petite allusion la plus discrète possible sur la tentation de la drogue... Comme pour ouvrir un autre suspense, un peu terrifiant celui-là. Car dans ce chapitre, le suspense n'est pas vraiment chez les autres, sur ce qu'ils ont fait ou pas fait, mais sur le comment ton héros va vivre et affronter cette épreuve.
Je ne sais pas si ce type de point de vue différent peut t'aider (à toi d'aller à la pêche dans toutes ces idées)... Disons que c'est un peu ce à quoi je m'aurais attendu sur ce chapitre. Cela dit, ne te méprends pas, le résultat que tu as obtenu se tient très bien. Mais les émotions sont le fruit d'une alchimie très subtile, peut-être as-tu fait ressentir à ton personnage des choses de manière trop excessive pour que je ressente exactement ce que tu souhaitais?
Voilà mon petit point de vue et mon vécu à la lecture de ton chapitre dont je me doute qu'il fut difficile à écrire..
Hello Charles,
Merci pour tes compliments. Il paraît que lorsqu'on touche le fond, on ne peut que remonter; hélas, ce n'est pas vrai, j'en ai connu qui sont restés coller. Je ne peux guère en dire davantage pour ne pas déflorer le suspens, mais j'espère que notre personnage saura inventer de nouvelles étoiles.
Hi Audrey,
A la vérité, et cela dit, bien sur sans méchanceté, ça ne m'aide pas que tu réécrives mon chapitre! Si, comme tu l'écris, j'avais réussi mon challenge, je t'aurais suffisamment embarquée pour que tu ne penses pas à pareille démarche. Oui, ce chapitre a été un des plus difficile à écrire, et c'est pourquoi il a tant tardé à se montrer. Il m'arrive de douter de certains, mais pas de celui-ci. J'y ai mis exactement ce que je voulais y mettre: une violence froide avec des images particulièrement violentes. Je voulais resserrer au maximum pour qu'on ressente cette détresse si profonde qui est proche de la folie. La chambre, je l'ai dessinée en une phrase, celle avec les photos arrachées du mur et l'odeur de sang. la drogue, il ne pouvait y penser car il ne pensait presque plus. Le moment crucial, c'est le téléphone et la honte. En choisissant de faire toujours aussi court, j'empêche peut-être le lecteur de se projeter suffisamment, mais c'est ma façon d'envisager l'histoire. Je te remercie quand même de prendre le temps de m'expliquer tes projections, qui sont un voyage comme un autre!
Je suis un peu mal à l'aise là. Trop dramatique pour moi, ce qui me coupe de l'émotion. Et je ne peux pas comprendre (mais j'ai peut-être mal lu) comment tout le monde disparaît sans laisser de trace. Ca ne me paraît pas très crédible.
Pour illustrer cet épisode, tu aurais aussi pu choisir une chanson de Black Sabbath, tant l'atmosphère est pesante et malsaine.
Hey ! Ritchy Coxe, pointe jamais ton museau en Bretagne, tu croiserais le chemin de l'Ankou… aussi sûr que le 'tit Jim va reprendre son crayon et rebâtir le royaume dont tu usurpes le trône !
Le message d'espoir est peut-être de l'illustration (superbe), puisque Soulages nous a montré que le noir est lumière...
Hello Arewenotmen?,
Désolé de t'avoir coupé l'émotion, moi j'aime bien quand on va loin dans le drame, ça ouvre de grandes portes pour la suite!
Personne ne disparaît, les protagonistes n'osent plus s’appeler, c'est différent. Ce n'est peut-être pas très crédible, mais la vie elle-même est parfois tout aussi peu crédible.
J'aime bien Soulages mais à petites doses parce que j'ai du mal quand "l'idée" a tendance à prendre le pas sur le reste.
Hi Keith,
Black Sabbath, pourquoi pas? Mais j'avais besoin de plus de distance dans le titre pour surprendre avec la suite.
Merci pour ton soutien et celui de l'Ankou!
Olympia et Jimmy s'aiment et ne se contactent plus dura.t deux ans parce qu'un zozo les a trahis ? Ou alors elle était dans le coup et a filé avec lui ?!?
C'est toi qui traduis par un "zozo les a trahis", moi, je vois que Jimmy et ses potes se sont fais voler le rêve de leur vie, et ils sont tellement malheureux et ils ont tellement honte qu'ils n'osent plus s'appeler. C'est sans doute de ma faute si tu n'es pas parvenu à te projeter, mais j'ai connu des histoires d'amitié comme d'amour qui se trouvaient biséés pour beaucoup moins que ça.
C'est vrai que ce que l'ado ressent, si il l'exprimait il trouverait bien sur son chemin un sage qui lui remettrait les idées à l'endroit. He, gamin, ce que tu vis est une belle saloperie, mais ne te ramène à cette tragédie humaine d'une autre ampleur.
Et j'imagine bien l'excès de sentiment que l'on trouve chez le jeune féru de poésie, écorché vif (d'où l'odeur de sang).
Maintenant la contraction du temps est "too much" Deux ans? Sans jamais plus se croiser? Pressé de conclure?
Hello Devant,
Tu as bien "entendu" la première partie et moins la suite. Comme je l'ai écris: au début, on n'arrive pas à s'appeler et, ensuite, on n'ose plus car le temps a filer. Je ne suis pas pressé de conclure, c'est mon idée depuis longtemps, et je n'ai pas encore terminé de développer.
Drôles d'amour et d'amitié alors, tous les protagonistes restants étant victimes du même malfrat et coupables de rien les uns envers les autres. Ca me passe au-dessus,j'avoue...
Les protagonistes sont victimes du même malfrat, mais ils se sentent coupables d'avoir acceptés ce type qui, depuis le début, ne comprend rien à rien et possède juste une belle voix. Pour accentuer, j'ai volontairement fais le lien avec les femmes violées, elles ne sont pas coupables, leur mari non plus et, pourtant, elles ne supportent plus leur homme, ni elles-mêmes, ni rien. Elles ressentent une honte, alors qu'elles n'ont rien fait... Je ne dis pas que ça arrive tous les jours, mais personne n'a envie de lire une histoire qui arrive tous les jours, ou alors on lit le journal.
l'odeur, rouge, du sang et la blancheur du plafond.
le feuilleton est terre contraste.
Hello Yggdralivre,
Comme la vie, elle aussi terre de contrastes. J'espère que tu m'as compris au-delà de ce commentaire lapidaire!
La phrase "Je n'écoutai pas le moindre disque pendant près de deux ans. " m'a trompé, j'ai cru que cet état d’abattement et l'absence de relation avec les autres ont duré deux ans... Comme une première FIN
C'est bien une première fin, mais il y aura bientôt un deuxième début!
Deux ans de frustration pour les Mizanu, mais qu'advient-il du renégat pendant ce temps-là ?
@JJ, étrange, j'ai l'impression qu'il est beaucoup question de "compréhension" sur ce chapitre, plus que sur d'autres.
De plus, il me semblait, tout au contraire, être parvenu à montrer que j'avais été touché par les extrêmes (adhérer, comprendre... c'est autre chose, mais touché), j'avais opté pour une forme économe, comme quoi...
Je ne comprends décidément plus la jeunesse....
C'est pas faute de t'avoir prévenu, dès le début j'le sentais pas l'enfoiré.
Mais ... ce qui ne tue pas rend plus fort !
(ouais, j'ai acheté La Philosophie pour les Nuls, faut que je me mette à niveau, les commentaires ces derniers temps ça vole haut ! Fut un temps on te conseillait de lui péter les rotules au lascar et ça faisait l'affaire ...)
Au fait, et si t'allais lui péter les rotules à l'autre abruti ?
Y'a du pétage de rotules dans l'air ? C'est où qu'on s'inscrit ???
Encore une petite réflexion (oui, moi aussi, je me mets à la filosofie !!!) : depuis le début de cette saga, tu affirmes qu'il s'agit de pure fiction. Je le crois volontiers, mais à chaque commentaire (bienveillant ou malveillant), tu réagis comme si tu étais vraiment le(s) personnage(s). C'est la preuve que tu es totalement imprégné de l'intrigue. Voilà, voilà !!!
Exercice difficile. Jusque là, les aventures de Jimmy se déroulaient tambour battant, plus ou moins. Ici, on assiste à un arrêt sur image, une photographie d'un moment figé dans le temps, même s'il s'inscrit dans une durée de 2 ans. Je l'apprécie beaucoup cet épisode. Tu décris merveilleusement l'état de prostration dans lequel se trouve non seulement Jimmy, mais également tout l'orchestre.
@Keith : ah, voilà ...
Y aussi le plaquage-cathédrale ou le tacle à la gorge !
Hello Yggdralivre,
Voici la copie de ton premier message: "l'odeur, rouge, du sang et la blancheur du plafond.
le feuilleton est terre contraste." Je ne suis aucunement gêné par la forme "économe", c'est un peu mon fond de commerce, mais, effectivement, je n'ai pas senti que tu avais été "touché".
En ce qui concerne la "compréhension", il me semble que c'est un peu logique car la situation peut paraître inattendue, et je vais en remettre une petite couche au prochain chapitre pour appuyer ma position.
Hi Everett,
Dans un des premiers chapitres, le narrateur laisse un individu pour mort; à ton avis, de qui s'agissait-il?
Hola Keith,
Je crois qu'il est impossible de créer ne serait-ce qu'un semblant d'oeuvre si on n'est pas totalement imprégné par son sujet. C'est l'immense chance des écrivains, ils vivent plusieurs vies en une.
Hello Zocalo,
Les circonstances étant bien différentes, je me devais de changer d'angle, autant pour coller à mon sujet que pour surprendre le lecteur. Merci pour tes compliments, j'en ai besoin car ces chapitres douloureux réclament un boulot harassant.
@JJ, j'ai trouvé ça pictural comme effet.
Axl Rose ? On l'a retrouvé depuis ...
Hello Yggdralivre,
En espérant que ça ne devienne pas culinaire ou botanique!
Hi Everett,
Voilà comment je m'y suis pris: j'ai commencé par situé mon personnage aujourd'hui, jusqu'au moment où il se rend au Gibus (premier lieu de concert de Mizanu). A la sortie de la salle, il se bat avec un individu en le laissant quasiment pour mort. Ensuite, j'ai remonté toute l'histoire et je vais continuer jusqu'à ce qu'on se retrouve au même moment. Enfin, je continuerai avec les conséquences dudit moment.
Ouah c'est les ténèbres ici !
Sors la tête de l'eau, vite !
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