128. LUCKY JIM [THE GUN CLUB]
Lucky Jim, en voilà un titre qui aurait pu appeler la chance, entrebâiller quelque porte pour que s'y glisse le miracle...
On croit toujours avoir la vie devant soi (et une bien longue, si possible), c'est ainsi que tant de jolis projets se dissolvent dans le temps... J'aurais pu piocher les albums les uns après les autres, tout en divaguant à n'en plus finir, mais les jours m'étaient comptés. Lucky Jim, donc. Le Gun Club ne possédait plus tout à fait la grâce des débuts, quand le groupe nous offrit trois chefs-d’œuvre consécutifs pour ouvrir sa discographie, mais c'était tout de même le Gun Club, tout de même la voix de Jeffrey Lee Pierce, sans doute (et, ici, ça ne veut pas dire peut-être) l'un des chanteurs les plus bouleversants de l'Histoire, un organe et des mots susceptibles de consoler des plus lourds chagrins. Oui, il méritait d'être posé sur cette platine qui hurlait famine.
Je montai le volume avant de m'aventurer à l'extérieur.
Une plage de sable fin, une mer translucide, une végétation luxuriante et... des enceintes géantes dispersées un peu (beaucoup, passionnément) partout ! C'était un minuscule mais véritable paradis où faire vibrer les douces membranes, de jour comme de nuit, sans la crainte de voir surgir un voisin acariâtre ou une meute de flics lancée à la chasse aux mélomanes. Quand, en fin de phrase, Jeffrey caressait les plus fragiles aiguës, des fleurs de tiaré (ou ce qui paraissait leur ressembler) voltigeaient harmonieusement au gré d'un vent tiède avant de se jeter dans les vagues, et lorsque les guitares haussaient le ton, le sol moussu se voyait bombarder de noix de coco plus grosses que des pastèques. Lucky Jim : le blues des îles ! Aussi improbable qu'un génie né sous le soleil californien de Montebello et disparu, dans l’indifférence quasi générale, après un trop long exil près des glaciers scandinaves... Je me souvins alors, qu'un jour d’optimisme déraisonnable, j'avais tenté de faire écouter le Gun Club au « Monstre », lequel se permit de trouver la chanson : « pathétique ». Je bus une gorgée de lait de coco à la santé du coma, qu'il prenne bien soin de ce fantastique abruti...
Au deuxième morceau (de bravoure) : A House is not a home (dont le titre seul vaut bien des romans), j'entendis la voix de Mary m'offrant l'une de ses plus belles démonstrations par l'absurde (en tous cas, l'une de mes préférées) : « Dans un monde où le Gun Club aurait du succès, le Gun Club n'existerait même pas ! » (Oui, je sais, moi même, je ne la compris pas tout de suite, et j'adorerais vous venir en aide, mais, telle une pensée zen, les démonstrations de Mary n'ont de valeur que si on s'en débrouille tout seul.)
Je remontai lentement vers la maisonnette, l'âme rêveuse, en ramassant de magnifiques coquillages pour ma petite Eléonore, quand un gigantesque spécimen se proposa à moi. Le portant à mon oreille, j'entendis l'écho de millions de chansons retenues dans sa conque merveilleuse...
11 commentaires:
La simple évocation d'enceintes géantes me donne des frissons !!!!!
la dernière phrase semble vouloir nous embarquer vers un nouveau registre, un de plus, dans un feuilleton qui en fourmille !
Hello Keith,
L'idée m'est venue d'un ami qui possède une société spécialisée dans les objets 6O's et 70's et qui m'a un jour montré des enceintes magnifiques et grosses comme des containers à graviers!
Hi Arewenotmen?,
Avec cette dernière phrase, je voulais surtout que le narrateur entende l'écho des albums de ses prédécesseurs, lui qui n'a pas vraiment pu emporter les siens. Ensuite, effectivement, j'espère vous embarquer vers un nouvel horizon...
Un monde où le Gun Club aurait du succès ?
Bah on ferait quoi des invendus de Bon Jovi (ami lecteur tu peux glisser ici le nom de tout un tas d'artistes, j'ai choisi celui-ci au hasard ...)?
Hello Everett,
Impossible, puisque le Gun Club a existé pour panser nos plaies ouvertes par tous les Bon Jovi de la terre...
Mister EWG pour le Bon Jovi j'invite à lire cette superbe réhabilitation et la découverte d'un vrai album de rock. comme quoi on ne peut pas faire d'erreur sans se tromper!!
http://ranxzevox.blogspot.it/2016/01/bongiovi-une-histoire-de-famille.html
Sinon, quoi dire, allez je me lance, LE MEILLEUR. Voilà, trop court bien entendu, mais la magie est là. Quand je dis le meilleur je suis in juste avec d'autres belles pages mais dans un autre registre.
Ici, je suis comblé car cela touche ce que j'attendais depuis si, longtemps. Du merveilleux Aladin mis en musique. Encore quelques pages et j'invite Tim Burton a venir lire ici.
L'évocation de Gun Club me relance sur ce choc qu ej'ai eu quand j'ai entendu "Ramblin' Jeffrey Lee" Commen quelques Tom Waits, en plus sincère qui sait, des disques qui font changer d'avis.
Pour Adorais je pense maintenant que tu voulais dire adorerais, puisque tu ne nous as pas aidé percer ce paradoxe. Je me lancerai bien dans un délire Quantique mais je n'ai pas le niveau.
Hello Devant,
Quand c'est bon, c'est toujours trop court, mais ça invite à y revenir! Merci pour tes compliments, j'espère rester à la hauteur. Et merci pour la correction de la coquille.
NOus avons effectivement tous les ingrédients de ton feuilleton qui font mouche. Moi aussi, j'ai bien aimé. Et le fait que tu parles de Lucky Jim y contribue, car j'ai toujours trouvé un charme tout particulier aux grandes chansons qui se logeaient dans des albums très imparfaits voire pas très bon du tout. Lucky Jim est une de mes chansons favorites du Gun Club et où la voix de JL PIERCE touche au sublime.
Pour ce qui est du texte, j'ai particulièrement apprécié la phrase de Marie. Je trouve que ça donne une noté crédible et réaliste à ton personnage. J'ai aimé aussi le fait qu'on sente Jimmy entouré d'une vraie famille et non comme des personnages accessoires pour l'histoire ou pour mettre en valeur le héros. C'est d'autant plus bienvenu que le récit possède une tournure onirique.
Pour le coquillage, l'idée est belle, mais je ne pense pas que cela soit très clair qu'on lit. Il n'y a sans doute pas grand chose à modifier pour que ça colle, mais en l'état, dans la mesure où nous sommes dans une sorte de rêve, on ne cherche pas à comprendre parce que justement on se dit qu'on est dans un rêve et qu'il s'agit d'un objet effectivement magique.
Mais c'est une broutille par rapport au reste.
Hi Audrey,
Ce titre, "Lucky Jim" (Jim (ou Jimmy) le chanceux) aura peut-être une résonance sur la suite, qui sait?!
Je sais pourquoi tu insistes sur la famille, mais si j'ai semblé l'expédier dernièrement, c'est pour éviter les redites avec le début, et parce qu'il me semblait nécessaire de me focaliser sur le narrateur à ce moment-là.
Pour la fin, je comprends mal ce qui te bloque: le narrateur ramasse des coquillage, il en trouve un plus gros que les autres, et en le portant à son oreille, il entend toutes les chansons apportées par ses prédécesseurs. Cela dit pour accentuer le fait qu'il n'a pas pu emporter les disques qu'il aurait souhaité...
bon comme ceux passés avant moi ont déjà dit les choses biens et touchantes... je précise juste que cette phrase :
Dans un monde où le Gun Club aurait du succès, le Gun Club n'existerait même pas !
m'a vraiment plu, parce qu'elle résume bien (je trouve) le décalage subtil que tu proposes (pas toujours mais de temps à autres, ce qui est charmant comme un saupoudrage de sucre glace) entre réalisme et onirisme... du réalisme magique en fait, c'est assez rare dans l'écriture.
bref, j'aime :)
Hola Yggdralivre,
Les bruits magiques, toujours!
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