69.
I WAS A PUNK BEFORE YOU WERE A PUNK [The
Tubes]
On
dénichera rarement autant de fieffés vantards et d'incorrigibles
mythomanes que dans le petit univers des fans de rock. Aujourd'hui,
tout le monde a été punk, ceux qui n'avaient que six ans en 1977,
comme ceux qui écoutaient encore Close
to the edge
en boucle, enroulés dans une écharpe de Bénarès empestant le
patchouli ! (Si je devais conter le nombre de menteurs m'ayant juré,
sur la tête de Johnny « Le Pourri », qu'ils étaient présents au
concert des Sex Pistols au Chalet du Lac, il y aurait de quoi remplir
le Stade de France une semaine entière avec de vieux rebelles de
pacotille !)
Je
l'avoue humblement, avec les copains, nous manquâmes quelque peu
l'heure de la révolution punk. Quand nous nous mîmes à la
recherche des barricades, on avait rangé les pavés sanglants,
démonté l'horloge détraquée, et il n'était déjà plus question
que de new wave, ce fourre-tout facile dans lequel on fit voisiner
sans scrupules les enfants naturels et des illégitimes emperruqués,
tout juste bons à faire fantasmer des boutonneuses en manque de
hurlements ! Inutile de chercher à nous foutre la honte ! Nous
sommes en possession d'un mot d'excuse qui en vaut bien d'autres :
nous n'étions encore que des loupiots de treize ans essayant
péniblement de comprendre tout ce qu'il s'était passé de magique
depuis le milieu des années cinquante...
L’Histoire
repasse rarement les plats, pourtant, King's Road eut droit à une
seconde heure de gloire après celle du Swinging London.
Oscar
m'abandonna au début de la rue de crainte de défaillir de honte à
la vue de quelque concitoyen en crête verte ! Cela ne respirait
pourtant guère plus le souffre. Il me fallut à nouveau caresser la
peau lépreuse des murs pour sentir les fragrances empoisonnées de
la veille. No
future
: l'affaire était entendue, n'empêche qu'aucuns mouvements
n'avaient été aussi prompts à disparaître...
A
l'angle de Sloane Square, une bande de faux jeunes punks semblaient
avoir été posés là par l'office de tourisme ! Ils observaient les
étudiants en goguette comme les vaches regardent passer les trains.
Derrière une publicité pour les magasins Marks & Spencer, un
bout d'affiche pour un concert des Damned me fit regretter mes deux
années de retard. Ailleurs, tout puait la nauséabonde récupération
: les boutiques de fringues tentaient d'arnaquer les gogos nigauds en
vendant des piles de mochetés savamment déchirées et recouvertes
d'épingles de nourrice et de fermetures Éclair, pendant que les
disquaires proposaient des singles
plus ou moins collectors
au prix de bootlegs
(«
C'est du quasi mint,
me lança un vendeur, à l'exception de quelques régurgitations
d'époque ! ») –
bien
dans l'esprit de la
grande escroquerie du rock'n'roll, mais le fun
en moins...
J'admirais
la vitrine de Don't Sniff My Records (je vous laisse vous délecter
du nom charmant !), quand deux clients décidèrent de se battre en
duel sur le trottoir :
«
Bien sûr que j'étais punk avant toi.
– Tu
oublies que j'ai assisté à des concerts au C.B.G.B., alors que
Johnny Rotten se promenait encore avec sa panoplie de teddy boy !
– Tes
Amerloques, c'est jamais que des intellos déguisés en punks !
– Les
Ramones, des intellos ?!
– Non,
eux, ils donneraient plutôt dans le hippy, y'a qu'à voir leur
tignasse ; je sais plus où j'ai lu que Joey était fan de Jefferson
Airplane ! »
J'ai
toujours adoré ces joutes verbales insensées, qui peuvent
s'éterniser pendant des heures, mais, je n'ignore ce qu'il me prit
(peut-être un improbable relent de colle à rustine planant dans
l'air), il me vint l'idée saugrenue de m'en mêler : « Vous savez
quand même que le punk originel était un baffreur de grenouilles,
dis-je comme si je m’apprêtais à dispenser un cour d'Histoire
magistral, oui, Charles Baudelaire, le premier à s'être teint les
cheveux en vert ! Et Les
Fleurs du mal,
en voilà un titre punky, ça sonne quand même mieux que On
s'en bat les couilles voici les Pistolets Sexuels
! » Toute cette folie, pour faire bonne mesure, balancé dans un
charabia mêlant l'anglais et le français.
Ils
me quittèrent, enfin réconciliés, en m'offrant un magnifique
chapelet d'injures, accompagné, comme de juste, de quelques généreux
glaviots !
17 commentaires:
Voilà à peu près le genre de mésaventure qui m'est arrivée à l'époque . Achetant le dernier exemplaire d'un bootleg vinyl des Clash "Dispatches from the Clash Zone" convoité aussi par un punk pur jus (avec le déguisement et tout et tout) et comme je n'avais pas la tenue adéquate du keupon de base, je ne vous raconte pas le regard du mec qui me toisait en se demandant d'où je sortais, moi, pour acheter CE DISQUE qui lui revenait de droit lui qui avait l'accoutrement approprié...
J'en rigole encore, d'autant que le vendeur lui avait demandé d'aller voir ailleurs...
En direct du Mc Crado de Romans-sur-Isère (la vie réserve bien des surprises) et de ses bruits magiques de mastication de viande bovine transformée...
le retour de Jimmy, après celui de Jimi, çà nous manquait ! Promis juré, je n'étais pas au Chalet du lac un beau soir de 1977 !
Je vous l'avais dit : increvable, mister Koole !!!!!
Ha ha et tu es même sympa avec ce mouvement en supposant une récupération. Dans mon souvenir dès le début le show biz était au diapason du business: Fringues, accessoires etc... Comme si ce mouvement pas que musical e devait concentrer en peu de temps la grandeur et la décadence.
Finalement la New Wave fut moins ambiguë.
Et ce "No Future" que les copains et moi avions pris comme un message nihiliste. prêt, hélas, à se fondre dans les climats à la Joy Division.
Nous aurions du adopter l'humour crâne d'un Rotten.
Et voilà qu'en une scène de trottoir tu réveilles plein de souvenirs.
Welcome back
Hello Fracas,
C'est la vieille histoire de l'habit qui ne fait pas le moine - même si je suis très enclin à penser qu'il y contribue parfois.
Hi Arewenotmen?
T'en que tu n'écoutais pas Yes enroulé dans une écharpe violette, ça passe!
Hola Keith,
Un peu rouillé, mais toujours debout!
Hello Devant,
La new wave, c'était quand même un drôle de bazar, mais je l'ai déjà écris. Dans le prochain épisode, Jimmy Koule va quitter Londres, va falloir que je me creuse les méninges...
Et pis d'abord en France, on a tous été Punk avec Plastic Bertrand! CA PLANE POUR MOI! YOOOOHOUHOU!
Et ensuit on a tous été rockabilly avec Jesse Garon et toc!
Sinon ça fait du bien de retrouver notre feuilleton (dont je n'aurais du coup pas eu le temps tous les épisodes précédents). Et je ne connais pas le morceau en question.
Part time punk des TV Personalities auraient pu faire un bon thème pour cette épisode (même ton choix de titre est vraiment très drôle)
Welcome back Jimmy Koole.
Moi non plus pas, j'étais pas au Chalet du Lac. Mais c'est la faute aux punks - les vrais - ils ont lancé le mouvement quelques années trop tôt. Moi aussi j'avais 13 ans en 76, alors je risquais pas d'aller voir des mecs coiffés n'importe comment hurler "No future" comme des tarés. Je me suis rattrapé plus tard, mais évidemment ça n'avait pas tout à fait le même goût.
Quand même, quelques années après Lydon avec PIL avait encore de quoi nous faire sauter sur place.
Hé oui, moi aussi je n'étais pas au concert du Chalet du lac.
Mais j'étais à celui des Clash au Palace le 27 février 1980, et les murs s'en souviennent encore.
Et aux six concerts, toujours des Clash, au théâtre Mogador en septembre 1981 et là les balcons en vibrent encore.
Sinon au concert de Supertramp du 26 février 1975 au Bataclan, je n'y étais pas et je m'en porte toujours aussi bien.
Jean-Paul
Hello Audrey,
En fait, j'ai modifié la fin de l'épisode après avoir trouvé le titre.
Pour le manque d'épisode, je prévois, de toute façon, d'envoyer un exemplaire papier aux plus fidèles, si je parviens à terminer un jour...
Hi Till,
J'ai même manqué P.I.L., je les ai vu à l'époque de This Is Not... et c'était bien nul!
Hola Projectobject,
Vive les pets de mouches!
Au moins, tu n'étais pas en retard sur les événements. Pour le Swinging London, je ne pouvais pas faire grand chose, mais, là, deux ans, ça semble insignifiant...
Hello Jean-Paul,
J'ai également manqué le Clash, pourtant, j'aurais pu... Tristesse...
T'es vilain, avec Supertramp: le Procol Harum du (très) pauvre!
Yo !
Le Chalet du Lac? Ca dépend du Lac mais si ça se trouve j'y étais... A part ça, pour qu'un truc arrive à nos oreilles il faut bien que quelqu'un se charge de nous le faire connaître un minimum, je dis ça pour Dev qui ne manque jamais une occasion de débiner le Punk Rock auquel je serai éternellement reconnaissant d'avoir botté, même indirectement, le cul, le gros cul de quelques uns cités ici mais aussi d'autres Californiens au nez enfarinés qui se la jouaient grave. Coïncidence, j'ai relu il y a quelques jours l'article de L Bangs sur Clash (je frime pas, la vie de ma mère c'est vrai!) et je le recommande hautement à quiconque ''aime'' les idées reçues et le rock, dans le désordre. Clash que j'ai vu sur scène, comme les Ramones les deux n'ont jamais laissé personne indemne, comme on disait de certain groupe en 67-69. Chouette épisode Jimmy, je relirai ton livre et j'en parlerai avec émotion plus tard, quand je serai encore plus vieux !
Et bien, c'est moi le plus punk ici, je suis né en même temps qu'Hotel California et j'ai grandit avec.
Croyez moi si vous voulez mais je n'arrive pas à écouter un Clash en entier sauf si c'est du reggae ou du rock la casbah et puis crotte flute zut caca boudin, chacun sa vie. A mes 13 ans, il y avait Elmer Foot Beat, si c'était pas punk ça.
Et puis d'abord, les gens qui s'habillent dans un genre ou dans un autre, ce sont plus des communautaires que des gens concernés par le genre en question, ils ont besoin d'appartenir à qqchose de plus grand qu'eux qui, à priori, les branche sans trop savoir ce qu'il y a derrière. On retrouve les mêmes avec les classes sociales, les pendants politiques ou religieux.
Content de revoir un épisode Jimmy, ça faisait longtemps
Hello Everett,
C'est un sujet que j'aimerai aborder dans le feuilleton, mais j'ignore si je pourrais trouver la place. Je crois que le punk n'a finalement pas botté le cul des groupes auquel tu fais allusion: la preuve, il y en a encore un gros paquet qui sont encore là! Je crois qu'ils se sont juste bouché le nez, mais ils ont continué à vendre des palettes de disques. Par contre, l'auditeur s'est pris un bon coup de pied et, lui, il a pu choisir son camp, et, ça, c'est super important.
Hi Funkyrocky,
C'est vrai, chacun sa vie, même si Elmer Foot Beat est un groupe que je déteste!!! Les fringues, l'appartenance, ce sont des trucs qui peuvent être importants, surtout lorsqu'on est gamin et qu'on a besoin de quelque chose pour se sentir moins seul, moins perdu devant la vie...
Hello, Jimmy
Une aventure bien londonienne, c'était pas la période la plus accueillante et les excentriques y sont allés fort et vite. On retrouve le jeune Jimmy Koule, il va grandir en retrouvant sa bande pour la rentrée? Les répèts, le 1er concert pour les potes? ça va chauffer, sûrement!
Bonne rentrée aux petits jeunes ;-)
Ca n'a certes duré qu'un temps mais botté le cul, je maintiens. D'ailleurs rien ne dure éternellement, à part la Mort et les Impôts comme disent nos amis américains, et contrairement aux vrais les dinosaures du rock ont survécu, c'est certain, mais on les a regardés différemment et en ce qui me concerne c'est toujours le cas.
Hello DamNed,
J'ai encore besoin de rester un peu en Angleterre mais, d'ici quelques chapitres, Jimmy Koule va effectivement retrouver la bande, et il y aura répét' et concert, comme tu l'annonces, mais d'une façon que tu ne prévois sûrement pas...
Hi Everett,
Je crois que nous sommes d'accord!
J'ai également vu en concert Elmer Food Beat mais j'aurais préféré le Chalet du Lac. La vie est parfois injuste.
Chouette épisode... J’essaierais au moins de ne pas rater les prochains.
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