73.
FAREWELL
AGAIN (ANOTHER DAWN) [Kevin
Ayers]
Lors
de l'ultime soirée à la Frog Legs', tous les records de roulages de
patins furent pulvérisés ; dès la première série de slows, on
dansait déjà avec de la bave d'amour jusqu'aux mollets ! Vous
n'avez jamais vu autant de gamins se galocher au milieu des larmes.
La situation était particulièrement tragique pour les petits
couples qui ne vivaient pas dans le même pays (Audrey et Everett) ou
la même région (Emilie et Isidore). Ils se promettaient de s'écrire
chaque jour sans se soucier de pouvoir jurer de la longueur de leur
vœu car
le temps est assassin comme l'on sait...
Les
rares spécimens
qui
n'avaient pas une langue enamourée
s'enroulant
autour de leur
appendice en émoi se
remémoraient les meilleurs moments du séjour. Je
flottais, presque hagard, au-dessus de ces dernières heures de
déluge – perdu dans une nostalgie précoce.
Parfois,
je buvais la tasse, avalant le souffle d'un baiser par-là, gobant un
souvenir par-ci. Le
D.J. montait sans cesse le volume pour tenter de se faire entendre
malgré l'assourdissant
et
merveilleux vacarme adolescent. C'est
que ça en faisait du boucan tant de mômes renversant
leur cœur dans le même sablier. Jagger,
Iggy
ou Bowie pouvaient bien s'égosiller ; pour une fois, ils n'étaient
pas de taille à lutter contre
cette horde rebelle en plein trauma amoureux –
chacun
désirant
écrire
sa propre romance sur la toile électrique.
Soudain,
tout
fit
silence devant
le visage
d'Amy.
Elle se donnait treize ans, mais on aurait encore dit une enfant avec
ses superbes
gros
yeux de poupée mélancolique.
Elle profitait que son petit chéri soit allé chercher des Coca pour
crever le sac de larmes qu'elle essayait de garder fermé depuis des
heures. Elle
ressemblait à un mystère, le même qui me faisait aimer
l'Angleterre à un point déraisonnable, et dont le talent me manque
pour l'exprimer convenablement – à moins que
ce genre de passion demande à être conservé
sous un
voile secret...
Son
chagrin mangeait la moitié de ses mots, mais je n'avais pas besoin
des paroles pour entendre la musique, comme il est inutile de
comprendre l'anglais pour s'émouvoir devant la plupart de nos
chansons favorites (je crois même que je préférais l'époque où
j'ignorais tout du texte : les voix n'étaient alors qu'un immense
flot magique qui ne parlait qu'au cœur).
Évidemment,
il
pleuvait des cordes lorsque nous regagnâmes la rue. Le ciel sait ce
qu'il a à faire. J'embrassai
mes amis sans leur dire ni au revoir ni adieu.
Seul
au milieu de la nuit, je relevai mon col, fumai trois cigarettes
d’affilée, sifflotait un refrain quelconque pour me donner un
semblant de courage, et fis trois fois le tour du pâté de maisons
avant d'aller inonder mes draps.
10 commentaires:
Dire que ado, je n'aimais pas les scènes qui se traînent, alors que maintenant j'aime au contraire que l'on s'attarde de longs moments sur un lieu, des gens, que la minute soit racontée de plusieurs points de vue afin de repousser le plus longtemps possible le passage à la page qui tourne.
C'est dur, hein? De quitter l'Angleterre de ton roman.
Je me demande si je ne me suis pas trop attardé par rapport à ce que j'avais à raconter et, surtout, si j'ai suffisamment bien traduit ce que j'ai ressenti alors...
Snif !!!!! J'ai de la pluie dans les yeux !
ça ne m'étonne pas, c'était le chapitre hard rocoeur!
Je ne sais pas, mais il y avait cette ambiance de fin de fête, non, pire, une fête qui continue sans "toi", qui se passe de "toi". Une mélancolie plus forte quand on se sent seul à la vivre...
Je trouve qu'au niveau style tu t'es surpassé. Ce mélange d'image, de trivialité et de poésie est tout à fait étonnant. Un petit bravo pour ne pas troubler les cœurs chagrin de ton histoire et un grand bravo pour les autres.
Ce que çà me parle, moi qui a seize ans quitta à Maidstone une jolie Auvergnate avec qui je correspondis et revis une fois chez elle, sans jamais même oser l'embrasser... et puis le temps en effet et puis les autres... oui Jimmy, tu as très bien traduit ces moments marquants !
Moi je dis qu'il est temps de virer les gonzesses et de laisser parler l'électricité.
De toute façon j'ai jamais rien compris aux gonzesses.
PS : Audrey tu peux toujours courir pour que je t'écrive.
Après la pluie, le soleil? Séchons toutes ces larmes et allons de l'avant! So, Jimmy, you always go, where do you go?
Hello Audrey,
Merci pour tous ces beaux compliments, j'espère continuer de m'en montrer digne!
Hi Arewenotmen?
Merci, ce fut souvent compliqué, je traîne tout ce formidable fourbi depuis si longtemps...
Hola Everett,
Gonzesses et électricité, moi, je trouve que ça fonctionne bien ensemble.
Hello Sadaya,
Je suis plutôt un homme de pluie, il y en aura donc davantage que de soleil sans que ce dernier ne soit oublié. Tu seras surprise de voir où je vais - surtout à la toute fin...
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