80.
EMPTY ROOM [THE NITS]
Il
était temps que je rentre chez moi avant que Polina n'inonde
entièrement l'immeuble. Toute la bande avait trouvé refuge dans ma
chambre et la pauvrette n'en finissait plus de se répandre. Elle me
sauta immédiatement dessus en geignant : « Jure moi que tu nous en
veux pas. »
Je
planais encore à une altitude beaucoup trop élevée pour
mâchouiller des rancœurs.
«
Je peux pas vous en vouloir... Vous avez tous joué magnifiquement
et, moi, j'entendais pas ma voix... J'avais beau me donner à fond,
c'était comme si je chantais la bouche collée à un mur de briques
et les oreilles bouchées au beurre de cacahuètes ! Je pourrais
peut-être essayer de la jouer punk, mais ça collerait pas avec vous
ni avec ce que j'avais rêvé... Je pense pas que ça se soigne... Si
vous dites que je chante faux, je suis obligé de vous croire... Je
sais pas trop quoi vous dire d'autre... Ça se saurait si tous les
rêves pouvaient se réaliser. Et puis, je suppose que le même
individu peut pas tout réclamer pour sa petite tronche, que chacun
doit recevoir un morceau de la galette... Olympia vient de me voler
mon vilain pucelage !
– Au
moins, répondit Chris, t'as pas perdu ton sens de l'humour !
– J'ai
peur qu'il déraisonne, lança gravement Polina.
– Quelqu'un
aurait la gentillesse de nous dire qui est Olympia, demanda Alphonse?
– C'était
la plus belle fille du lycée, une créature tellement magnifique
qu'elle parait presque irréelle. En plus – et je crois que c'est
ce qui m'énervait le plus –, elle était tellement adorable que tu
pouvais même pas t'amuser à la détester !
– Mais
elle ressemble à qui, à quoi, réclama Guillaume ?
– Un
visage d'ange sur un corps de diablesse, si t'arrives à imaginer un
mixe savant
entre
Jean Shrimpton,
Nico, Françoise Hardy et Michelle Phillips à leur meilleur, eh
bien, t'as fait un quart du chemin !
– Elle
aurait pas une sœurette, votre Olympia, même en un tout petit peu
plus moche ?!
– Tu
penses bien que ce genre de fille est unique. »
Sur
cette réponse, ma mère passa la tête par l'entrebâillement
de
la porte :
« Eh,
Téléphone, Jimmy, une certaine Olympia, très jolie voix... »
J’attrapai
Chris par son
col
de
chemise
et l'obligeai à
me suivre dans le hall d'entrée. Là, je lui collai de
force l'écouteur
sur l'oreille : « Coucou, mon amour, tu me manques déjà, je
voulais t'offrir un petit baiser avant de me mettre à table et te
dire que j'avais vraiment, vraiment
adoré... »
Chris
tituba
comme
un soiffard
jusqu'à
la
chambre. Il resta un long moment dans un état d’hébétude totale
avant de parvenir
à bégayer
: « Je reconnaîtrais sa voix entre toutes... Ce salaud l'a fait...
et avec Olympia... »
Cyril
se jeta à mes pieds : « Jimmy, tu es mon dieu ; à partir de cette
seconde, tu peux me considérer comme ton esclave ! »
Ils
se mirent tous à délirer follement
pendant
une
grosse
demie-heure,
à commencer par Polina qui se demandait si je pourrais revenir
indemne de
cette « aventure extravagante »... Comme si nous
étions sur terre pour nous remettre de nos émotions.
Non,
nous sommes là pour nous ruiner le cœur jusqu'à ce qu'il ressemble
à une sorte de minuscule boule de charbon pouvant faire office de
point final. Même si j'avais su qu'Olympia me quitterait dès le
lendemain, j'aurais choisi
le chemin de la perdition. Tel un moine défroqué, c'est
avec une certaine jubilation que je me serais enfermé dans un
monastère puant le stupre et
les relents capiteux des fragrances de la belle
! Je me serais noyé avec délice sous ma propre semence en me
masturbant sans fin tout en revoyant les
gemmes à
l'eau troublante
de ses yeux dévorant le reflet de mes étoiles !
20 commentaires:
Bah Jimmy... c'est de la poésie tout simplement. C'est très sensible...comment résister ?
Et sur la photo, c'est qui cette fois-ci (sublime, encore !). la semaine dernière, ce n'était pas Twiggy ?
Merci pour le joli compliment. Sur la photo, c'est toujours Jean Shrimpton, comme tous les derniers chapitres consacrés à Olympia. Ici, devant les délires qu'elle suscite, elle semble dire: "chut", le rose à lèvre remplaçant son doigt!
Pas de lâcher de confettis aujourd'hui ????? ;-)
Épisode reposant par rapport à celui de la semaine dernière et qui pose mille questions : mister Koole va-t-il prendre des cours de chants ? C'est qui la jolie dame sur la photo ? Quelle est la couleur du cheval blanc d'Henri IV ?
En parlant d'Empty Room, tu connais la version de Gary Moore ?
Hello Keith,
C'est pas tous les jours carnaval!
Pour les cours de chant, tu verras bien!
La demoiselle sur la photo, comme indiqué dans le commentaire précédent, c'est Jean Schrimpton, l’icône du Swinging London avec Twiggy.
Pour le cheval, ça dépend si on voit ça d'un point de vue zen ou pas.
Je ne pense pas que le "Empty room" d'ici.
Yo!
J'ai un pote surfeur (et philosophe) qui disait toujours (on était jeunes à l'époque) : ''les nanas c'est comme les vagues, ça sert à rien d'en prendre une belle si personne n'est au courant.''
A chacun sa madeleine ...
Hi Everett,
Moi, je vous mets au courant... sauf que je ne suis pas Jimmy Koule et qu'Olympia n'a jamais existé "pour de vrai"!
Moi je crois ce que me dit Jimmy Koule, et dans l'assertion dont je parle il n'est pas interdit de broder.
Ni de grossir (pour la taille des vagues s'entend...)
Tu as raison, il faut croire l'adage qui dit: "tout est vrai comme dans un roman!"
Tu réussis une épreuve qui fait que ton histoire ne trouvera pas sa place à Hollywood.
Tu créais quelque chose de l'adolescence toute virevoltante et légère comme les US aiment raconter, mais avec du sexe cru sans vulgarité, un peu délirante vers la fin... Et ça, c'est rédhibitoire!! Bravo mais alors? La suite quoi!
Tant pis pour Hollywood! De toute façon, c'est loin de mes fantasmes. La suite immédiate s'intitulera "Mr. Tambourine Man", mais tu n'en sauras pas davantage, d'ailleurs, je n'ai encore écris que trois phrases.
bonjour,
j'ai lu une grande partie du récit en décalé, je trouve ça très agréable à suivre, très "vécu" sans jamais tomber dans la généralisation, les images sont souvent bien trouvées et rythmées.
juste, si je me puis me permettre, à la lecture de ce chapitre le long monologue du héros repose sur deux choses fortes "le pardon" de départ (avec force état d'âme imagé sur ses qualités vocales) et le "bravade" finale. Ponctuer le propos de "..." donne un souffle intéressant mais il me semble que mette des "regards interloqués", des "je rajoutais dans un souffle" ... enfin des éléments un chouilla plus descriptifs aurait fait durer le suspens.
enfin, les conseilleurs ne sont pas les payeurs.
et le feuilleton se suit avec grand plaisir !
bravo à vous
Ah Jimmy, j'ai eu peur. Après la poésie de l'initiation j'ai trouvé que Jimmy se laissait aller à un "bavardage" un peu déplacé, limite irrespectueux vis-à-vis d'Olympia. Heureusement la poésie le rattrape sur la fin et le (re)voilà tel que je l'aime : sensible, délicat et passionné.
Hello Yggdralivre,
Tout d'abord, je suis heureux de compter un nouveau lecteur ou, en tous cas, un nouveau commentateur. Ensuite, même si je n'en tiens pas toujours compte, je suis content de lire toutes les suggestions, qu'elles concernent le fond ou la forme.
Hi Till,
Sauf erreur de ma part, je crois que tout ce qui a pu te sembler "déplacé" ou "irrespectueux" provient de dialogues et non du narrateur enamouré!
Salut Jimmy,
Je pensais en autre à cette réplique de Jimmy : Olympia vient de me voler mon vilain pucelage ! que je trouve un peu indélicate, peut-être mon côté fleur bleue. Et puis Jimmy n'était pas obligé de coller l'écouteur à l'oreille de Chris.
Mais je chipote hein, que ce soit bien clair.
Il faut se mettre en situation, ce fut une "rude" journée: à la fois la plus triste et la plus merveilleuse. Pour l'écouteur, c'était la seule façon pour que les autres cessent le prendre pour un affreux mythomane... Tu peux chipoter, y'a pas de mal!
lecteur avant tout :)
je suis tombé ici par un hasard musical de qualité et en prime on m'offre de la lecture elle aussi de qualité, je ne vais pas me priver
J'espère me maintenir à niveau!
Si tu souhaites lire les premiers chapitres, postés sur un précédent blog (mais ne te sens pas obligé), fais-moi signe.
J'aime beaucoup la citation surfistique d' Everett !
Merci Jimmy pour cet épisode.
Bizarre, je ne peux m'empêcher de penser à PJ Harvey quand tu parles de cette fille ...
Sans doute parce que je ne suis allé à l'Olympia qu'une fois, quand j'étais plus jeune, et c'était pour écouter cette chère Polly Jean, sans doute aussi parce que les aventures de ton Jimmy et ses fantasmes me remuent les miens ... ah le Rock'n'Roll !!
Olympia est beaucoup plus belle que Polly!
C'était un peu le but à l'origine: que chacun puisse coller son histoire sur la mienne...
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