86.
DREAM
BROTHER
[JEFF
BUCKLEY]
Oui,
benoîtement, je crus que l'affaire serait réglée en un après-midi,
que nous allions dénicher le chanteur, que je pourrais faire mon
deuil en me concentrant sur mes percussions et mes deux prestations
vocales,
que le premier concert ne tarderait pas à se profiler. Ce fut un
tantinet plus compliqué...
Pendant
des
mois,
jusqu'à
l'été,
nous
vîmes
défiler
tout
ce
que
les
arrondissements
environnants
comptaient
de
chanteurs
et
chanteuses
débutants
n'ayant
pas
trois
potes
pour
former
un
groupe
(«
Plus de jérémiades, de la dignité, me souffla une petite voix »).
Tout de suite,
il fallut
s'organiser
: Isidore fut
chargé
de réanimer
ceux
qui
s'offraient
un voyage dans
les pommes après
avoir croisé les yeux d'Olympia,
alors
que
la
belle ramenait
aimablement
vers
la
sortie
les
nombreux
candidats
qui
ne
savaient
pas lire
une
petite
annonce et débarquaient
avec
leurs
textes
ou
des
influences
absolument
inacceptables
(je
vous fais grâce des noms, ils pourraient choquer
les fameuses âmes sensibles).
Parmi
les
restants,
une
grosse
majorité
chantait
aussi
faux
que moi
; la
plupart
en
étaient conscients,
mais
ça
ne
les
empêchait
pas
de
s'accrocher
à leur
rêve
; contrairement
à
une
personne
de
ma
connaissance,
ils
plaçaient
leur
fierté
ailleurs
–
peut-être
bien
dans
le
fait
d'essayer
coûte
que
coûte,
de
continuer
à y
croire
malgré
les
refus
et
les
quolibets. Je
me
souviens
d'un
garçon
en
particulier,
un
certain Antoine,
qui
débuta
en
hurlant
toutes
tripes dehors
les
sublimes
mots
de
Boris
Vian
: « Chanter
faux,
chanter
juste,
je
m'en fous,
je
chante vrai
! » Et
c'était
vrai
! En
ce
qui
me
concerne,
je lui
aurais
volontiers
cédé
mon
micro,
tant
il semblait habité par le personnage.
Parmi
les éconduits, ce fut le seul à vouloir rester jusqu'à la fin de
la répétition, et
après m'avoir entendu sur le Boulevard
des
bouleversements,
il demanda pourquoi nous cherchions un chanteur, alors que nous en
possédions déjà un qui
lui semblait excellent.
Cher vieux frère ! Il
poursuivit en disant que si l'on reconnaissait encore nos influences
(Velvet, Stooges, Can ou Television), nous savions y ajouter un très
beau grain de sel, surtout grâce à l'apport original du
violoncelle, de la trompette et de mes percussions (décidément,
un chouette garçon !). Il ajouta que s'il ne pouvait devenir notre
chanteur, il était heureux d'être notre premier fan.
Nous
entendîmes quelques jolies voix, mais pas le grand frisson : la perle rare refusait de se
montrer. Il y avait toujours ce je ne sais quoi qui coinçait aux
entournures. Pour calmer l'impatience des jumeaux,
Polina
leur servi
ces
mots : « Nous n'avons pas évincé Jimmy pour nous contenter du
premier venu ».
14 commentaires:
(des noms, des noms, des noms ... !)
c'est marrant parce que tu n'écris pas vraiment un roman feuilleton, au sens "traditionnel" du terme, avec des épisodes plus longs, des intrigues parallèles ce genre de choses... de fait on pourrait se dire que "oui bon, on lit en plusieurs fois", qu'il n'y a pas vraiment d'effet d'attente, que c'est écrit un peu au jour le jour...
(je dis bien "on pourrait se dire ça")
perso, je sais que c'est bien exactement pour ce genre de chapitre...
en arrivant (poum!) sur ton blog et en voyant la nouvelle livraison, je n'avais pas envie de le lire !
je n'aime jamais ces moments de tension, sur un fil, on trouve l'amour mais il semble trop beau irréel, trop jeune et pourtant cruel, ces moments de déception quand on prend conscience que le rêve ne peut s'accomplir ... du coup j'attends le moment où le chanteur sera trouvé, où la belle se cassera, où tu te lasseras, où...
je préfère les emmerdes à leur attente...
il s'agit de moment redoutés et toujours difficiles à négocier il me semble...
et là, depuis quelques épisodes, le côté trainard, flemmard, vagabondage, presque jérémiade du narrateur... amène la tension et l'appréhension nécessaire.
du coup, ça marche bien le côté "feuilleton" finalement :)
bref, j'ai bien aimé...
Hello Yggdralivre,
J'ai choisi ce format court (en m'inspirant des romans de Brautigan) pour ne pas saouler le plus grand nombre, lequel vient certainement davantage pour télécharger que pour me lire.
Personnellement, j'aime beaucoup "la tension", en littérature comme en musique.
Ne t'inquiète pas, "les emmerdes" vont venir et d'autres choses aussi!
Merci pour tes commentaires qui me sont précieux.
Finalement c'est vous qui avez inventé la Star Ac', la Nouvelle Star et toutes ces émissions hautement culturelles ! Manque plus que la piscine et Loanna !!!!!
@Jimmy jim, je suis tombé (sans me faire mal heureusement) par hasard ici, enfin sur le blog d'avant par la musique, en trouvant étrange que des albums aussi étranges (et chers à mon coeur) et bigarrés se retrouvent sur la toile, et puis j'ai vu les petits textes de présentation par les uns et les autres, puis tes textes et franchement, maintenant j'attends tes parutions !
(surtout que là je lis du peter hamilton que ça fait 3500 pages, du coup ce que tu fais passe à merveille).
je ne connais pas Brautignan (j'irais en lire du coup) et je ne sais pas comment tu écris (s'il y a un plan, une ligne d'horizon etc) mais c'est vivifiant sans être gniagnian !
Hello Keith,
Les seins de papier d'Olympia valent mieux que le silicone de Loanna!
Hi Yggdralivre,
Je suis heureux que tu es trouvé la porte d'entrée, tu fais parti de mes meilleurs commentateurs.
Comme je l'ai déjà écris, je n'aime pas beaucoup les plans (sauf sur la comète!); quand j'ai commencé, j'avais une vague idée du début, une vague idée du milieu et une très vague idée de la fin. J'aime bien que seule la phrase précédente donne l'impulsion à la suivante.
Bon, j'ai d'autres commentaires mais ce qui m'a frappé de suite c'est
"(Velvet, Stooges, Can ou Television), nous savions y ajouter un très beau grain de sel, surtout grâce à l'apport original du violoncelle, de la trompette"
Tu te rends comtes de ce que tu fais, notre imagination à rude épreuve et épreuve échouée, impossible d'imaginer Stooge ou Velvet avec ces instruments. J'ai pensé à un Giono, lu récemment "Un de Baumugnes" où est évoqué un jeu d'harmonica, pareil, impossible à traduire dans "sa tête"...
Tu prends le Velvet, tu changes l'alto en violoncelle, puis la guitare de Ron Asheton à la place de celle de Sterling, tu rajoutes de la trompette et des percus et le tour est joué!
Nick Cave à son meilleur n'est pas loin de Mizanu!
Yo !
C'était plus simple avec le Diable, si seulement t'étais pas jaloux Jimmy K ..
Toujours pas de chanteur mais j'ai l'impression qu'in vient de gagner un roadie !
Oui, je vois avec Nick Cave. Je dois faire un effort avec la trompette, en l'imaginant grinçante ou hurlante ... Une trompette qui grince? Hum.
Le personnage d'Antoine a été bien trouvé, et ce n'est pas le prénom qui m'influence. Tu rebondis souvent bien grâce à ta galerie, ils ont tellement l'air vivant.
Cà ménage un beau suspens...
Râh ce chanteur ... dur suspens ! Pour moi les plus grands et les plus vrais ont toujours été de ceux qui n'ont jamais pris un cours de chant, donc chanter juste / chanter faux , effectivement ça parait secondaire.
Merci Jimmy pour ce chapitre. J'entends la trompette, les percus et la guitare, ça me donne envie d'écouter Jack the ripper - Goin' down (https://www.youtube.com/watch?v=4FGtJ5SCH-o)
Belle journée !
Hello Everett,
C'est utile un roadie, surtout avec tout ce matos!
Hi Devant,
Pour la trompette, il faut que tu fouilles du côté du premier Tindersticks.
Antoine, c'était un petit hommage à l'un de mes plus fidèles commentateurs! Les personnages, je les vois comme si j'étais au cinéma, ça aide.
Hola Arewenotmen?,
On se rapproche doucement...
Hello Nestor,
Moi, j'ai essayé les cours de chant (avec un chanteur d'opéra), mais je l'ai rendu dingue après deux leçons!
... Sauf que le "vrai" il chante faux.. Ha ben, non, c'est pareil.
Tiens un épisode rempli de bonne nouvelles :
- les gens s'évanouissent devant Olympia
- Antoine a l'air d'un ptit gars sympa
- suffit pas de décider qu'on remplace Jimmy K pour que ça se fasse. M'étonne pas du tout.
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