95.
TICKET
TO RIDE [THE
BEATLES]
En
cherchant dans mes archives (c'est à dire dans le magnifique foutoir
du grenier), je pourrai retrouver une affiche du concert (avec le
sublime
dessin
à l'encre de chine signé par Donatien, lequel, s'il a quelque peu
disparu
de ces pages, continuait à nous suivre d'un œil plus que
bienveillant), mais je ne suis pas certain que la date exacte de
notre première expédition
puisse
passionner les foules. En tous cas, c'était un vendredi de
septembre, et je revois mon père griffonnant des mots d'excuses
bidons pour chacun d'entre nous, afin que nous puissions être à
l'heure à la balance.
Ah,
la balance (ou soundcheck
dans
la langue de Joe Strummer)
: un des mots incompréhensibles,
et donc quasi magiques, que
j'avais lu dans mon premier Rock & Folk, tout là-bas au milieu
des années soixante-dix...
Sur
le trottoir, face à la brocante familiale, Donatien (qui fait un
retour en fanfare dans ce chapitre !) avait garé un superbe Combi
Volkswagen spécialement loué pour l'occasion. J'ignore
combien de kilomètres séparent exactement
le
boulevard de Grenelle de la place de la République, mais, pour nous,
cela ressemblait déjà à un départ en tournée ! Malgré
un léger embouteillage avant la Nation, nous étions à peine partis
que déjà arrivés, sauf qu'entre temps, notre
bande avait
quitté sa salle de répétition et
s'était métamorphosée en une troupe de véritables saltimbanques
!
L'ingénieur
du son nous accueilli avec l'enthousiasme
d'un
type qui a déjà vu défiler des milliers de groupes et souhaite en
finir au plus tôt pour se jeter dans une sieste bien
grasse.
Il
grogna tel un vieil ours en
manque
de miel,
quand
il vit le nombre d'instruments à installer. Je
me souviens encore de sa vanne maigrichonne qui ne fit rire que lui :
« Eh,
les copains,
z'êtes
pas au courant du retour aux
power trios
?! »
C'est
vrai que la scène était minuscule, qu'il y avait des câbles
partout, et qu'il fallut des heures pour
effectuer tous les réglages, mais il en aurait fallu bien davantage
pour nous faire descendre du haut
nuage
où nous étions perchés.
Après
quelques bières, l'ingénieur devint moins bougon et nous narra
quelques anecdotes au sujet des artistes les plus célèbres
qu'il avait eu la chance de rencontrer. Alors
que nous buvions ses paroles comme de bons petits fans, Richard ne
pouvait s'empêcher de bailler. Par malchance, les Beatles ne
s'étaient jamais produits au Gibus et il s'ennuyait en entendant ces
noms dont il ignorait tout. Depuis notre arrivée dans le club, il
avait décidé de jouer la diva exaspérée. Les
chanteurs sont toujours les derniers à effectuer leurs tests
et,
dans cette merveilleuse aventure, seule sa petite personne semblait
l’intéresser. Le
gars ne pouvait s'en empêcher, dès qu'il faisait un pas en avant,
il fallait qu'il exécute aussitôt une sorte de danse du scalpe avec
saut périlleux en arrière... Evidemment,
quand il
enchaîna trois titres d'affilée
a
cappella,
tout
le monde se mit à hurler à la mort avant de ramper à ses pieds
(moi même, je dois l'avouer, j'eus du mal à me contrôler) !
Comment
aurais-je
pu
deviner que, plusieurs décennies plus tard, à moins de cent mètres de là,
j'allais commettre un tel acte de barbarie ?
15 commentaires:
Quatuor, power trio, tout ça n'a pas d'importance… y'a qu'a voir rien que tout le matos que Rémy Bricka transportait avec lui !!! L'ingé-son c'est qu'une feignasse, et pis c'est tout ! Il vaudrait pas aussi qu'on chante a capella en tapant dans les mains ?!?!? ;-D
Pour l'ingénieur du son, je n'ai rien inventé, c'était, comme tu l'écris, une véritable feignasse et un jemenfoutiste de première!
D'où l'acte de barbarie qui s'en suivra ?
Yo.
Classe le Combi VW !
En général l'une des spécificités d'un musicien c'est qu'il entasse 10000€ de matos dans une bagnole à 1000€ ...
Quant à la barbarie c'est souvent une question de point de vue, Monsieur le Juge ...
Hello Anonyme,
L'acte a déjà été décrit dans l'un des premiers chapitres, mais j'y reviendrai avec le pourquoi...
Hi Everett,
J'ai des potes qui se sont entassés à quatre dans une Fiat 500 avec guitares, basses et amplis, sans oublier la batterie sur le toit. je n'ose même plus me souvenir combien ils ont mis d'heures avant d'arriver en Normandie!
Pour la barbarie, je laisse mijoter la sauce le temps qu'il faut.
Yeah ! ça commence à chauffer comme un moteur de vw sans huile (c'est du vécu) !
Je n'ai qu'une chose à dire concernant ce chapitre qui met l'eau à la bouche au Gibus : Si j'aurais su, j'aurais viendu !
Hola Nestor,
J'ai encore quelques images en tête, le plus compliqué est de faire ressortir les sentiments et de les rattacher à la romance.
Mise à part l'allusion aux Beatles, j'ai du mal à "voir" le titre dans le texte. A dire vrai, je m'apprêtais à lire une allusion au sens caché de la chanson. Heureusement, notre Jimmy n'a pas besoin de ça avec son Olympia...
Hello Audrey,
Le titre n'est pas forcément parlant, mais je ne suis pas parvenu à trouver mieux. Ici, c'est une métaphore pour dire: le ticket qui te donne le droit de monter sur scène, le titre de transport pour la grande aventure.
un changement de cap par rapport au précédent, enfin "de cap" n'exagérons rien, disons qu'ici ça propose du recul et de la mise à distance avec le petit sourire amusé de celui qui prépare une bonne blague à son lecteur... du coup on s'amuse avec lui jusqu'au twist final... l'hameçon et le crochet comme on dit par là bas.
bref, encore un texte court très bon ou un très bon texte court.
Jimi qui adopte le fameux "cliffhanger" pour nous tenir en haleine, quoique, ici il est à tiroir. J'attends davantage du concert que de savoir ce qu'il a fait des décennies plus tard. des suspenses qui s’emboîtent comme des poupées russes...
Hello Yggdralivre,
Je sens que la brièveté te dérange encore un tantinet, pourtant, cela colle au sujet comme au titre des chapitres: dans mon esprit, ils ne doivent pas dépasser le temps d'une chanson. Pour le reste, j'essaye d'avancer (même en crabe) en lançant quelques pistes, comme un effeuillage!
Hi Devant,
Le suspens grossi en même temps que l'histoire progresse, même si je me permets de vous perdre un peu dans mon labyrinthe...
non, je m'exprime mal...
j'aime bien cette brièveté !
tu es très bon dans l'exercice,c'est toujours frustrant comme il faut (c'est un point que je souligne souvent, car c'est ce qui me donne envie de lire la suite, c'est donc positif)
Mais c'est peut-être ce qui a fait fuir certains de mes premiers lecteurs (ou alors ils pensaient que je ne m'aventurais pas aussi loin aussi longtemps)!
c'est leur problème en même temps :)
Enregistrer un commentaire