Pour
moi,
le
huitième titre a toujours eu une odeur bizarre. Il
respirait l'extinction des étoiles, le couvre feu, le retour à la
réalité... C'était, chaque fois, une petite piqûre en
plein
cœur. Bientôt
viendrait
l'instant où il faudrait réapprendre le langage commun, alors que
les oreilles siffleraient encore pendant plusieurs jours et
que les cils retiendraient quelques poussières célestes.
En
jetant un œil à notre liste, la tête me tourna comme si je venais
d'être
giflé par les effluves empoisonnées d'une fleur toxique. L'espace
d'un moment, tout devint trouble et presque fascinant de perversité
magique ! Je regardais
mes compagnons de jeu et ils se transformaient étrangement en
effectuant des allers retours à travers le
temps
– exactement comme si j'essayais de les imaginer, aujourd'hui, avec
les milliards d'heures qui nous séparent désormais...
Je
secouais mes maracas telle une paire de testicules géants
qu'on tenterait désespérément de freiner, tandis qu'elle courait
vers les grandes eaux de la jouissance ! On
ne peut pas se regarder faire l'amour, comme on ne peut s'observer en
train de jouer, sinon, on quitte le jeu, et une partie du ciel
s'effondre avec
toutes les pluies qu'il contient. Je m'étais mis sur la touche et,
très vite, je n'entendis plus que le violoncelle qui pleurait mon
absence.
Christophe
cassa une corde (peut-être à l'entrée du premier refrain), cela me
sorti la tête des nuages. En
pareil cas, nous avions décidé de poursuivre, que ce soit sur une
jambe ou sur quatre cordes, et c'est ce que nous fîmes. Pour masquer
cette disparition, Chris multiplia les moulinets townshendiens,
pendant
que Cyril griffait des aigus inédits et que, dans mes maracas, de
nouvelles petites graines germaient dans le plaisir. Cela énerva
Guillaume qui fonça kamikazement dans tous les décors. Je ne suis
pas certain que le résultat fut à la hauteur, mais,
pour nous, sur l'instant, ça rollait magnifiquement. Un brin de
surprise et une once de chaos ne peuvent nuire.
Au
milieu du
furieux océan,
Richard tentait de s'accrocher aux paroles : « Toute
la nuit, je compte les étoiles, et s'il en manque une, laissez-moi,
laissez-moi être celle-là ! » Cela
ne devait pas être simple de compter, pendant que nous détruisions
tous ses repères, mais peut-être qu’inconsciemment nous tentions
de l'empêcher
de toucher aux étoiles ou
de nous venger par avance de
l'outrage à venir...
Le
violoncelle abandonna encore une ou deux larmes sur le pont ou sur
notre avenir... A mille lieues du Gibus, dans des galaxies
insoupçonnées,
des
anges
et des oiseaux de mauvais augures s'arrachaient peut-être les plumes
pour notre survie ou notre mort. Déjà, sans doute, mes paroles
tourneboulaient le cerveau dérangé de notre faux frère...
16 commentaires:
dans le désordre, ce qui m'est venu.
Ton lent détachement du terrestre, on est de plus en plus dans le métaphysique et l'exalté dis donc.
C'est marrant comme cette fois ci le public est absent tellement tu nous décris une transe.
C"est fou cette attirance des espaces infinis présentés sous une forme poétique.
Et puis surtout tu proposes une fois encore ce défi: quelle musique? Comment l'imaginer,
Je t'avais parler d'un truc comme ça de Giono qui m'est resté ... pas le texte exacte en tête, mais cette impression, comme vouloir trouver les mots pour décrire ce que l'on ne peut pas entendre....
Bien entendu les comparaisons peuvent gêner, mais j'ai craqué et j'ai retrouvé ce texte. Quand tu évoques l'indicible musical tu t'échappes plus loin que les sphères. Giono lui te colle à la terre.
Le contexte c'est ce que ressent le personnage à l'écoute d'un air d'harmonica. C'est dans "Un De Maumugnes" Je le colle dans un autre commentaire, peut-être trop de texte...
"Certes, d’un côté, ça pouvait s’appeler comme ça, mais, au lieu de mots, c’étaient les choses elles-mêmes qu’il vous jetait dessus.
D’abord, ce fut comme un grand morceau de pays forestier arraché tout vivant, avec la terre, toute la chevelure des racines de sapins, les mousses, l’odeur des écorces ; une longue source blanche s’en égouttait au passage comme une queue de comète. Ça vient sur moi, ça me couvre de couleur, de fleurance et de bruits et ça fond dans la nuit sur ma droite.
Y avait de quoi vous couper l’haleine !
Alors, j’entends quelque chose comme vous diriez le vent de la montagne ou, plutôt, la voix de la montagne, le vol des perdrix, l’appel du berger et le ronflement des hautes herbes des pâtures qui se baissent et se relèvent toutes ensemble, sous le vent.
Après, c’est comme un calme, le bruit d’un pas sur un chemin : et pan, et pan ; un pas long et lent qui monte et chante sur des pierres, et, le long de ce pas, des mouvements de haie et des clochettes qui viennent comme à sa rencontre.
Ça s’anime, ça se resserre, ça fuse en gerbes d’odeur et de son, et ça s’épanouit : abois de chien, porte qui claque, foule qui court, porc, gros canard qui patouille la boue avec sa main jaune. Tout un village passe dans la nuit. J’ai le temps d’entendre un seau qui tinte sur le parquet, une poulie, un char, une femme qui appelle ; j’ai le temps de voir une petite fille comme une pomme, une femme les mains aux hanches, un homme blond, et ça s’efface.
Tout ça, c’était pur !
Là, il faut que je m’arrête et que je vous dise bien, parce que c’est ça qui faisait la force de toute la musique, combien on avait entassé de choses pures là-dedans.
Ce qui frappait, ce qui ravissait la volonté de bouger bras et jambes, et qui gonflait votre respiration, c’était la pureté.
C’était une eau pure et froide et que le gosier ne s’arrêtait pas de vouloir et d’avaler ; on en était tout tremblant ; on était à la fois dans une fleur et on avait une fleur dans soi, comme une abeille saoule qui se roule au fond d’une fleur.
Le plus fort, c’est que c’était dit avec nos mots et de notre manière à nous."
J'ai toujours pensé que les artistes sur scène étaient dans un autre espace, un autre temps, peut-être même un autre corps. La vision de Jacques Rel en concert m'a fortement conforté dans cette idée. Il n'est plus lui, il est le personnage de sa chanson ; il n'est plus face au public, il est sur un cheval ou à Vesoul ou chez ces gens-là.
C'est sans doute ces expériences extra-sensorielles qui les rendent schizophrènes et si fragiles. Toucher l'infini peut rendre fou !
Yo !
La prestation devant un public, surtout s'il est nombreux, et quelle qu'en soit la nature (de la prestation : concert, pièce, sport ou autre) est un exercice qui, surtout au début, est carrément destructeur si tu n'est pas concentré sur autre chose que lui (le public !)
Chacun sa méthode, focus total sur ce qu'on fait où rêve éveillé plus ou moins en rapport ...
Tu nous mélanges ici un peu des deux et ça fonctionne très bien.
... mais testicule, même (ou surtout) géant, est masculin.
Donc une paire géante de testicules ou paire de testicules géants. Ou grosses couilles, c'est toi qui vois.
Hello Devant,
Tout d'abord, merci pour le texte de Giono qui est vraiment captivant. Ensuite, c'est d'autant plus difficile d'expliquer la musique qui se joue dans mon récit que je l'ai totalement inventée. Je me sers souvent de ma propre expérience, mais je n'ai jamais joué dans cette configuration. Je pourrais entrer davantage dans le vif du sujet, mais je n'ai pas particulièrement envie de partir dans un discours de "connaisseur". Je préfère exprimer des sensations que d'amener à penser que le groupe sonnait davantage comme untel plutôt que comme truc ou bidule. Si ça te perturbe trop, je crois te l'avoir déjà dis, il faut t'imaginer un Tindersticks avec plus de nerf, c'est à dire te rapprocher des Bad Seeds (mais avec des textes en français). Sur ce sujet, mais également d'une manière plus générale, c'est vrai que mes images seront toujours davantage portées vers la lune et le féerique que vers des parallèles terrestres.
Hi Keith,
C'est exactement ça. En concert, j'avais par exemple l'habitude de me refiler de grandes claques sur un certains morceaux (je sais, ça peut paraître étrange!), eh bien, je ne ressentais aucune douleur, même si ça me faisait parfois monter les larmes aux yeux. Ce que j'ai pu trouver de plus ressemblant et je l'ai déjà exprimé, c'est le sexe et la drogue.
Hola Everett,
J'essaye de me remettre dans les dispositions du direct tout en collant à mon histoire.
Merci pour la correction, je n'ai jamais compris pourquoi testicule était masculin!
Vous aurez corrigé de vous même, je parlais de Jacques Brel bien sûr !
Pas perturbé du tout. Tout au contraire, la dernière fois tu avais tenté de me trouver une repère, et je ne l'ai pas suivi. j'ai bien fait, d'ailleurs. Comme le Giono, cette musique est le texte avant tout, j'y retrouve dans "vos" deux cas - attention à l'égo - un texte qui se substitue à la musique, il ne s'agit plus de référence pour y associer quelque chose de connu, mais d'échapper à cette obligation. la preuve, je ressens ce que tu nous proposes à travers "tes" espaces infinis. Alors que justement, quand - moi - je pense les mêmes lieux, étoiles & co ... je suis pris par un grand vertige: je pense un immense froid, une dimension où je n'ai pas ma place... l'inconcevable... ça me fout la trouille en fait, une trouille pas désagréable ceci dit, faut juste pas abuser, sinon.. Alors que par ton texte c'est ta vision qui prend le dessus. C'est l'exultation (il faut bien que le corps exulte) c'est la vie
Je rejoins les autres sur cette impression globale de décollage très bien retranscrite. Merci également à Jimmy sur sa vision de ce groupe. C'est vrai que j'avais du mal à me faire une idée. Je te voyais comme l’hurluberlu des Happy Mondays sur scène (ne le prends pas mal mais moi, un gars avec des mrarcas, je pense à lui... ) avec un groupe rock à violon, mais je voyais pas à quoi ça ressemblait. Moi je voyais Noir Désir aussi à une époque qui avait un violon, avec un mélange chevauchée rock façon gun club et transe électrique sur leurs versions de 10mn d'Helter Skelter... Mais les Bad Seeds, pourquoi pas.
Mais y a que moi qui s'inquiète des dernières lignes? Que va-t-il se passer? C'est qui ce faux-frère?
Hello Audrey,
Surtout pas l’ahuri des Mondays! Tu sais, dans les sixties, on mettait des maracas et du tambourin presque partout, ça ajoutait une petite couleur très chaude que j'ai toujours adorée (c'est flagrant sur les premiers Stones, par exemple). Attention aussi, il s'agit, ici, d'un violoncelle, lequel apporte une touche tout de même très différente du violon.
Le faux-frère, c'est évidemment le chanteur. L'affaire se précise tout doucement...
yop,
n'empêche, ça cause, ça cause... mais ça fornique aussi... on est pas dans le spirituel métaphysique ou dans l'envolée poétique aux accents d'éther... on est dans le chthonien, dans les parfums qui enivrent, ça secoue, ça vibre, ça griffe...
perso, comme on touche à la fin... j'aurais bien aimé que ça trépigne plus de ce côté charnel, que ça éructe encore plus, que la corde casse sous l'effet des moulinets et non que les moulinets compensent la corde qui casse...
mais bon, c'est que j'étais dans l'esprit :) (aka : c'est de ta faute ^^)
sinon, j'aime... sauf kamikazement... "qui fonça, kamikaze, dans tous les décors"... non ?
Hello Yggdralivre,
Je pensais avoir déjà pas mal monté le volume au chapitre précédent (peut-être l'as tu manqué?) On ne touche pas encore à la fin, il reste du chemin.
Kamikazement, je trouve ça plus fort!
Oui, je suis d'accord que ça la fout mal, mais que veux-tu, moi ça m'évoque ça... L'ambiance est un poil cassée... :)
Pour le faux frère, je m'en doutais! Faut qu'Olympia lui roule une pelle pour le remotiver à bloc!
@ ben si j'ai remarqué (j'ai lu les deux à la suite ^^) et justement j'étais dans l'élan... !
oki pour kamikazement ^^
et si une partie de moi imagine Olympia tomber dans les filets salivaires du chanteur... une autre n'ose l'imaginer :)
Audrey & Yggdralivre,
Quitte à amoindrir le suspens, Olympia n'aurait aucun rapport physique avec Richard.
... les moulinets townshendiens, c'est bon ça ! au prochain titre peut-être un salto IanMacKayeien ?
Une belle échappée sur la voie lactée, et Bowie qui s'appuie sur nos épaules (ou l'inverse), merci Jimmy pour cet épisode !
je ne sais pas si cela amoindri le suspens, me soulage ou me transporte dans une infinité de possible...
quel retors ce JJ ^^
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