En
musique comme en amour comme en tout, j'ai souvent été happé par
la nostalgie avant même que les événements ne soient terminés.
Ainsi, je ne peux plus compter les disques dont j'ai usé la première
face avant d'oser les retourner. Avec Olympia, aussi, j'ai parfois
essayé de repositionner mon sexe sur le bord du sillon, mais
l'affaire
est sensiblement plus compliqué
!
Quand
Richard lança : « C'est déjà le moment de notre dernier titre,
merci d'être venus aussi nombreux, et merci d'avoir été aussi
réceptifs et enthousiastes », je me sentis complètement largué
l'espèce d'une minute ou deux. (J'espère, malgré toutes les
ridicules
sornettes que
peuvent tenter de nous faire croire les mathématiciens bornés,
que
vous êtes
conscients que
certaines minutes durent beaucoup plus que soixante malheureuses
secondes,
comme
le fait qu'un kilo de jolies plumes ne pourra jamais équivaloir un
kilo de méchant
plomb
!) Heureusement, que nous devions rejouer dès le lendemain, sinon
j'aurais pu me laisser avaler par le souvenir lointain de nos
premiers
accords.
Chris
frappa le plancher magique à grands coups de talons avant de faire
glisser son bottleneck
sur
le
manche chauffé à vif.
«
Si... comme on le dit, on referait
le monde avec des si... pourquoi s'en priver ? »
Au
refrain, j'abandonnai
mon
tambourin pour retourner un long
bâton
de pluie dont les larmes cristallines
se
démultiplièrent
devant un micro chargé d'écho. Il faut consciencieusement
inondé le
cœur du public avant de le laisser regagner son lit. Il
ne s'agirait pas de se faire oublier à la première chansonnette
lâchée avec négligence par un accordéoniste
du
métro ou par un autoradio.
A
la reprise, nous avions déjà bien taquiné les cumulonimbus,
il ne restait plus qu'à laisser éclater le dernier orage.
«
Eclairs
et tonnerres – montez et roulez ; – Eaux et tristesses, montez et
relevez les Déluges », hurla un fantôme au milieu du fracas des
cymbales et des cordes à
hautes tensions.
Je
garde encore, quelque part au fond de mon petit cœur fragile, le
doux écho
des ultimes
applaudissements, et l'odeur tenace de cette nuit de déniaisement ne
me quittera sans doute jamais. La
sale existence et les traîtres de tout bord devront s'exalter encore
davantage pour me faire regretter totalement cette aventure.
Le
D.J. lança
One
fine day
des Chiffons et je ne saurais mieux dire.
16 commentaires:
Hein? Quoi? Déjà terminé cet épisode en forme de vignette? Si tu voulais "nous" faire redescendre après l'intensité des épisodes précédents, alors tu as réussi.
Comme si tu voulais nous faire partager cette sensation de vide que connait ton personnage.
Quelques remarques au passage, la métaphore du changement de face pour évoquer la relation avec Olympia est plutôt osée... Je dis bravo.
J'ai aimé "le bâton de pluie"
Tu m'as compris, un seul reproche. trop court, même si intentionnel. Surtout si intentionnel.
c'est malin, je sifflote riders on the storm maintenant... pfff.
joli passage, le sillon (forcément le sillon, figure ô combien parlante...), la pluie, la fin...
pareil que devant je regrette qu'avant la fin, ce texte se termine si
Hello Devant,
Justement, j'avais beaucoup usé de l'intensité et du volume sur certains des épisodes précédents; ici, j'ai eu envie d'user d'avantage de pointillés, de trouver un juste au milieu entre légèreté et lourdeur des sentiments. Je rajouterai une petite couche au prochain chapitre avec les déclarations d'après concerts.
Merci pour la remarque sur la métaphore, j'en suis moi-même très satisfait!
Le bâton de pluie est un instrument qui existe, il me semblait bien adapté au paragraphe.
Ce n'est pas plus court que d'habitude, le jeu restant de pousser le lecteur à ce jeter sur le chapitre suivant. Je reprends en cela l'idée célinienne du métro émotif: il jouait avec les points de suspension comme j'essaye de le faire avec la brièveté des chapitres, par petites touches impressionnistes. Dans les chansons "rock" que l'on préfère, il y en a finalement assez peu (même s'il y en a, évidemment) qui dépassent les fameuses trois minutes.
Hi Yggdralivre,
J'ai hésité à en remettre une couche avec un final en forme d'éjaculation, mais il faut aussi savoir ne point trop en faire.
Au lieu du passager de la tourmente, j'ai préféré revenir vers Rimbaud, déjà présent au chapitre précédent.
"... sensiblement plus compliqué..." grandiose, surtout le "sensiblement" Rarement vu autant de sens dans une phrase, que l'esprit soit bien ou mal retourné (Je suis sous ton influence!!)
Au début, j'avais usé, une fois de plus, de mon "un tantinet" que j'affectionne tant (et même trop), mais "sensiblement", m'a semblé plus subtil. L'esprit n'est ni bien ni mal tourné, il est la réalité: souvent, au moment où l'on sent que la jouissance va nous étouffer, on voudrait revenir au point de départ pour faire durer le plaisir. Il paraît que le temps moyen d'un ébat est de sept minutes, ça fait pas beaucoup, quand même!
Yo
Sept minutes c'est beaucoup trop long, nos amis Ramones ont remis les pendules à l'heure 2mn-2mn30 c'est amplement suffisant.
Et encore, il s'agit là de minutes rapides.
Oui parce qu'on parle bien de rock là hein ?
J'avoue que j'ai un peu tendance à me perdre entre les souvenirs de Jimmy Koule et les commentaires enfiévrés qu'ils suscitent ...
Hola Everett,
Non, on ne parlait pas vraiment de rock, tu t'es effectivement un peu égaré!
Le premier paragraphe mérite à lui seul le prix Goncourt. Parfois quelques phrases bien troussées suffisent à enflammer l'imagination !
ASsez étrange ton final. Je m'attendais à un crescendo (et, à dire vrai, comme tu avais déjà beaucoup travaillé cet aspect du concert je me demandais comment tu allais t'en sortir). Et finalement, on a un peu un moment flottant, hors temps et hors espace. En tant que spectatrice, je ne sais pas si je n'aurais pas été frustrée, mais en que lectrice je trouve ça plutôt bien vu. C'est un peu comme la fin d'un rêve. On est juste au moment où on se dit qu'il faut qu'on se réveille sauf qu'on n'en pas envie, mais rien que le fait de se le dire ôte en partie du plaisir de rêver.
Je ne dirais rien sur ta métaphore... ^-^ Par contre je trouve le dernier paragraphe très réussi. Il traduit très bien et subtilement tout ce que ressent Jimi Koule. Et tu parles encore de traitres... Supense...
Et la toute dernière phrase, avec le démarrage d'un disque, est également un moment à part d'un concert. Quand cette musique enregistré démarre, il y a souvent quelque chose de mélancolique à l'entendre raisonner quand on a vécu un bon concert... Et je ne vois plus l'air de One fine Day (tout comme je ne connais pas la chanson de Roy Harper). D'ailleurs, mise à part une allusion avec l'un des textes d'une chanson, je ne vois pas trop le sens du tire par rapport au texte. Peut-être pour évoquer une sorte de regret?
Hello Keith,
Merci pour les compliments. Encore un effort et je pourrais peut-être prétendre au prix Nobel!
Hi Audrey,
Pour ce chapitre, je voulais éviter de me répéter en ne jouant pas sur la montée en volume, et ne pas user du cliché du final en feux d'artifice. J'ai préféré travailler sur le mélange des sentiments du narrateur, partagé entre ce qu'il a vécu sur le moment et ce qu'il connaît de la suite. Comme tu le sais, il y a un drame qui plane au-dessus du groupe. Le titre fait effectivement référence à la chanson, mais il appuie également sur le côté "si on recommençait tout depuis le début" tout en annonçant, également, le chapitre suivant.
Le premier paragraphe est en effet anthologique... "repositionner mon sexe sur le bord du sillon"... l'image est proprement saisissante !
Hello Arewenotmen?,
Au milieu de la besogne, parfois, peut naître quelque fulgurance!
J'aime vraiment bien cette fin de concert et tous ces sentiments exprimés. Métaphores, mélange de champs lexicaux qui collent à merveille à cette situation inoubliable. Peut-être l’amorce d'une tournée internationale ?
Bien joué Jimi Koule !
Hello Nestor,
Pas de tournée internationale - au contraire, ça va plutôt mal tourner...
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