mercredi 27 janvier 2016

Pour la beauté du geste (feuilleton électrique) par Jimmy Jimi # 103


103. STARMAN [DAVID BOWIE]

   Pour moi, le huitième titre a toujours eu une odeur bizarre. Il respirait l'extinction des étoiles, le couvre feu, le retour à la réalité... C'était, chaque fois, une petite piqûre en plein cœur. Bientôt viendrait l'instant où il faudrait réapprendre le langage commun, alors que les oreilles siffleraient encore pendant plusieurs jours et que les cils retiendraient quelques poussières célestes.

   En jetant un œil à notre liste, la tête me tourna comme si je venais d'être giflé par les effluves empoisonnées d'une fleur toxique. L'espace d'un moment, tout devint trouble et presque fascinant de perversité magique ! Je regardais mes compagnons de jeu et ils se transformaient étrangement en effectuant des allers retours à travers le temps – exactement comme si j'essayais de les imaginer, aujourd'hui, avec les milliards d'heures qui nous séparent désormais...
   Je secouais mes maracas telle une paire de testicules géants qu'on tenterait désespérément de freiner, tandis qu'elle courait vers les grandes eaux de la jouissance ! On ne peut pas se regarder faire l'amour, comme on ne peut s'observer en train de jouer, sinon, on quitte le jeu, et une partie du ciel s'effondre avec toutes les pluies qu'il contient. Je m'étais mis sur la touche et, très vite, je n'entendis plus que le violoncelle qui pleurait mon absence.
   Christophe cassa une corde (peut-être à l'entrée du premier refrain), cela me sorti la tête des nuages. En pareil cas, nous avions décidé de poursuivre, que ce soit sur une jambe ou sur quatre cordes, et c'est ce que nous fîmes. Pour masquer cette disparition, Chris multiplia les moulinets townshendiens, pendant que Cyril griffait des aigus inédits et que, dans mes maracas, de nouvelles petites graines germaient dans le plaisir. Cela énerva Guillaume qui fonça kamikazement dans tous les décors. Je ne suis pas certain que le résultat fut à la hauteur, mais, pour nous, sur l'instant, ça rollait magnifiquement. Un brin de surprise et une once de chaos ne peuvent nuire.
   Au milieu du furieux océan, Richard tentait de s'accrocher aux paroles : « Toute la nuit, je compte les étoiles, et s'il en manque une, laissez-moi, laissez-moi être celle-là ! » Cela ne devait pas être simple de compter, pendant que nous détruisions tous ses repères, mais peut-être qu’inconsciemment nous tentions de l'empêcher de toucher aux étoiles ou de nous venger par avance de l'outrage à venir...
   Le violoncelle abandonna encore une ou deux larmes sur le pont ou sur notre avenir... A mille lieues du Gibus, dans des galaxies insoupçonnées, des anges et des oiseaux de mauvais augures s'arrachaient peut-être les plumes pour notre survie ou notre mort. Déjà, sans doute, mes paroles tourneboulaient le cerveau dérangé de notre faux frère...






mardi 26 janvier 2016

VARIOUS ARTISTS ~ Le Rock D'Ailleurs Volume 5 : Deutsch [HMC. 2016] Par Keith Michards



Longtemps, j'ai cru que la musique allemande, c'était zim-boum-zim-boum ! et puis tsouin-tsouin !… mais ça, c'était avant ! Oui, c'était avant que je plonge mon nez de cochon truffier dans les entrailles du net à la recherche de quelques artistes teutons susceptibles de mettre à mal mes préjugés ancestraux. Et quelle ne fut pas ma surprise de découvrir des hordes de jeunes musiciens talentueux ayant troqué tubas et grosses caisses pour guitares et boîtes à rythmes. Bien sûr, il y avait déjà les grands frères : Scorpions, Accept, Helloween, Rage. Mais eux chantaient en anglais. Finalement, il aura fallu les 99 ballons de Nena, la mousson des Tokio Hotel et le feu à volonté de Rammstein pour que la langue de Ferdinand von Zeppelin arrive enfin à séduire un public international.
Keith MICHARDS (Merci d'avance pour vos commentaires !)
P.S. : il me semble que dans sa fine analyse, notre ami Keith à quelque peu oublié les groupes de kosmic music (plus vulgairement appelée krautrock), lesquels n'attendirent pas les neuneus de Tokio Nena pour s'exprimer en allemand ou gagner des cœurs loin de leur territoire, mais que cela ne vous empêche pas de goûter cet excellent florilège. 
Jimmy


01 - 2raumwohnung - Lotus
02 - Wir Sind Helden - Die Ballade von Wolfgang und Brigitte
03 - 17 Hippies - Hand Vorm Gesicht
04 - Silly - Schlohweißer Tag
05 - Die Toten Hosen - Ballast der Republik
06 - Böhse Onkelz - Macht Für Den Der Sie Nicht Will
07 - Deutsch-Amerikanische Freundschaft - Prinzessin
08 - Nena - Lautlos
09 - Tokio Hotel - Schwarz
10 - Farin Urlaub Racing Team - Sommer
11 - Silbermond - Weiße Fahnen
12 - Revolverheld - Spinner
13 - Kraftklub - Meine Stadt Ist zu Laut
14 - Die Ärzte - Perfekt
15 - Wizo - Anneliese Schmidt
16 - Das Ich - Schwarzer Stern
17 - Goethes Erben - Zwischenzeit
18 - Betontod - Im Himmel

Le rock d'ailleurs avec BM215 (KM-DEUTSCH)




jeudi 21 janvier 2016

JANNE HEA ~ Wishing Well [2014]


Ce qui est plaisant lorsqu'on tient un blog, c'est qu'on peut poster ce que l'on veut sans en référer à personne. Ainsi, si cela me chante, je suis libre de vous proposer ce merveilleux album tous les six mois sans qu'on me l'interdise - même Big Brother qui se fout complètement de ma pauvre Janne; pensez donc, quand on tape son nom sur Google, c'est mon modeste blog qui pointe en tête de liste. Je suis loin d'être un mètre étalon (et je m'en félicite), mais je me dis que si ce disque a pu me bouleverser à ce point, il pourrait également vous titiller là où ça fait du bien. Il y a un an, vous étiez cinq (5 !) à m'avoir laissé un commentaire, c'est très largement insuffisant ! A l'époque, je ne connaissais la demoiselle que depuis trois jours. J'avais écouté son album par curiosité, attiré par cette pochette et me demandant ce qu'elle fichait au milieu de tout ce gris. Depuis, il ne se passe guère de semaines sans que j'y retourne, toujours plus ému à chaque écoute... Bordel de merde (désolé, je m'emporte, mais vous m'y obligez) ! Il faut absolument que vous écoutiez Wishing well au moins un fois, tous (après, vous le balancerez si le cœur vous en dit (non, si vous le balancez, c'est que vous n'avez pas de cœur !)). Ce n'est pas la plus belle fille du monde, mais on s'en fout, elle n'a pas choisi d'être top model. Elle ne possède pas la voix d'une superwoman, mais c'est encore mieux : elle chante comme la fille d'à côté, dont vous êtes si secrètement amoureux que vous n'avez jamais osé vous l'avouer ! Elle ne joue pas de la guitare comme une déesse, mais elle assure et ses potes banjoïste et violoniste font le reste avec une grâce démesurée. Elle vient de Norvège, mais on jurait qu'elle a grandit en écoutant le meilleur de la musique irlandaise. Enfin, chaque mot, chaque souffle, chaque note qu'elle offre peuvent vous plonger dans un état d’hébétude qui touche au sacré ! Ce disque, c'est le Nautilus, il vous entraîne dans les profondeurs magiques, loin du monde et de ses turpitudes. Me suis-je bien fait comprendre ? Vous me remercierez plus tard !
Jimmy JIMI (Merci d'avance pour vos très nombreux commentaires !)

       
01 - Katie
02 - Wishing Well
03 - Dust
04 - Father
05 - Dogwood
06 - Time
07 - Oslo
08 - Wrong
MP3 (320 kbps) + front cover

Wishing very well with BM214



mardi 19 janvier 2016

BOB FORREST ~ Survival Songs [2015]


"I sleep with the TV on so I don’t feel so alone…"
C’est décidé, on ne me la fera plus celle-là. Laquelle ? Ben, l’histoire de l’ex-… (là, vous mettez ce que vous voulez : punk, hardcore, grunge, metalleux ou autre). En général, mon truc c’est plutôt punk. Ex-punk, quoi. L’ex, donc, qui tourne roots-rocker solo acoustique et tout le tintouin. En un bref instant de lucidité envers moi-même et la mono-maniaquerie qui m’attire vers ces innombrables tordus, j’ai décidé que, merde alors ça suffit ! Ces moments (de lucidité s’entend) sont rares chez moi, c’est bien pour ça que je vous prends à témoin. Et là, ça tombe bien parce que le Bobby en question coche toutes les cases : la voix atypique, la gueule burinée, le chapeau, les cheveux longs, les lunettes, l’humour féroce et auto-destructeur, les textes tournant autour, au hasard ici, de la coke et l’hero. Concernant la dope, le gars est allé au bout mais a miraculeusement pu en revenir pour nous en parler. Il en a fait son boulot d’ailleurs, d’en parler et d’aider les gens comme lui, mais on s’éloigne là. Enfin, on s’éloignerait si ce disque parlait d’autres choses. "Mes dents sont si pourries que j’peux même plus mâcher mes céréales préférées" : faut lui concéder ça à Bob, on a déjà lu moins parlant et plus moralisateur. S’apitoie pas non plus sur son sort, chacun appréciera. Son passé musical tourne lui autour de loustics qui me font pas monter au plafond, ça va m’aider dans ma rédemption. Il paraît qu’il reprend ici des morceaux de ses précédents groupes, ça nous fait une belle jambe. Bah, ceci-dit c’est pas si mal tiens… Oui, parce qu’en fait, je l’écoute au moment-même où je vous en parle. C’est la deuxième écoute. J’arrive au dernier morceau, c’est pas trop tôt. Merde, attendez un peu, ça m’avait pas frappé la première fois, mais cette voix féminine, nom de dieu de bordel de merde… Stop ! Arrêtez tout, arrêtez tout je vous dis, et surtout ne me faites pas confiance ! Oubliez tout ce que vous venez de lire et écoutez ce disque toutes affaires cessantes. On a tous besoin de trucs pour survivre, Bob Forrest avait sans doute besoin de Survival Songs. Alors non, bien sûr, le mec n’a pas inventé l’eau tiède, mais vous le connaissez, vous, le mec qui a inventé l’eau tiède ? 
Everett W. GILLES (Merci d’avance pour vos commentaires !)
P.S. : Le gars Bob ne fait même pas du neuf avec du vieux - et on s'en fout ! Il fait et c'est plus que beaucoup. En période de crise, les troubadours reviennent toujours au galop : il parait, en ce moment, un disque de folk blues toutes les demies heures, alors pourquoi lui ? Sur le premier titre, tel un pitbull enamouré, il prend à la gorge; ensuite, il prend aux tripes. Je ne suis même pas certain de pouvoir expliquer ni pourquoi ni comment. Je crois qu'il a le truc (le grand truc) et voilà. Ces chansons de survie, il les a composées pour lui, mais, coup de bol, elles peuvent fonctionner pour tout le monde. Je ne vais pas vous implorer, mais vous auriez grand tord de passer à côté. Le type n'a peut-être pas inventé l'eau tiède, comme l'écrit l'ami Everett, mais son disque est plein de larmes chaudes (même s'il demeure toujours digne). Ce n'est rien d'écrire que ça réconforte.
Jimmy

01 - See That My Grave Is Kept Clean
02 - Song Of The Songs
03 - Cereal Song
04 - Sammy Hagar Weekend
05 - Looking To The West
06 - Body & Soul
07 - Off-Street Parking
08 - Lena Horne Still Sings "Stormy Weather"
09 - Not Going To Do It Again
10 - Anymore
11 - You've Gotta Be Kiddin' Me
12 - Elvis, We Are Waiting For You!
13 - Truth, Chaos & Beauty (Peace In The Valley)
MP3 (320 kbps) + front cover
Waiting for you with BM213



lundi 18 janvier 2016

Pour la beauté du geste (feuilleton électrique) par Jimmy Jimi # 102


102. COMA [ROLLINS BAND]

   Cyril avait eu la lumineuse idée de nous proposer de débuter ce titre comme s'il s'agissait d'un final furibard. Pendant que Guillaume martyrisait consciencieusement fûts et cymbales, tel le rejeton halluciné d'un Keith Moon placé sur orbite, la horde sauvage poussa le volume des amplis dans le rouge foncé et appuya violemment sur toutes les pédales à porté de pieds. En quelques secondes, nous construisîmes une merveilleuse cathédrale de boucan avec son lot de gargouilles écarlates déversant sa lave de larsens brûlants. Quand les guitares se turent et que les spectateurs pensèrent pouvoir sauver une oreille, la trompette hurla aux étoiles jusqu'à ce que la lune s'évanouisse dans un cri d'éternité !
   Il était temps que le couplet arrive avant que le public ne se noie dans un bain de cérumen ! La chanson s'intitulait : Coma, résultante de mon séjour dans les abysses de la déchéance amoureuse... Richard pris sa plus belle voix de crooner gothique et lança sur les cendres : « Et nous en sommes encore... et nous en sommes encore à nous ouvrir la peau pour mêler nos rouges. Les tables ont tournées, les masques parlent, écoute, écoute ce qui coule des murs... » (Ici, on pouvait l'excuser de ne pas comprendre tout ce qu'il chantait.) Polina mit toutes ses anciennes craintes dans son archet et les lourds accents graves du violoncelle déchirèrent alors les chemises, éclatèrent les agrafes de soutiens gorge, et les âmes sensibles purent pleurer tout leur saoul.
   De la salle, on aurait pu croire que je giflaischamment mon tambourin. En fait, c'était tout le contraire : je le caressais en songeant aux doux visages d'un nain et d'un géant muets, les compagnons de coma que je vous ai présentés, il y a quelques chapitres...
   La jeunesse (me celle qui s'éternise) attend ça du rock et du roll, qu'ils l'expédient en une poignée de mesures vers des vertiges, qu'ils n'hésitent pas, de temps à autre et même un peu plus souvent, à en faire un peu, beaucoup, passionnément trop. Les décharges électriques accélèrent les battements cardiaques comme le rythme du temps. En cela, le guitariste est le prince des magiciens ; il peut déchirer l'ennui comme le sabre découpe une épaisse couche de brouillard. Un soir où il était passablement alcoolisé (au cognac Rémy Martin (Faces' drink !)), Christophe me demanda si je ne pensais pas que les guitaristes étaient des samours de l'ère moderne !
   Ne croyez pas que j'essaye de vous perdre au milieu des digressions, nous sommes encore tous ensemble sur le plancher tanguant du Gibus, et je tente seulement de vous faire partager l'état d'esprit et les émotions qui pouvaient parcourir le groupe au moment où il lançait ses plus vifs éclairs.
   Le provocateur qui avait jeté : « Rock'n'roll ! » au titre prédent se trouvait, désormais, agenouilau pied de la scène et, les yeux plus mouillants que mouillés, il en réclamait toujours davantage. Il voulait se faire expédier en enfer, qu'on lui en donne encore de la musique du diable qui carbonisent les oreilles mais réconforte le cœur en l'entraînant dans des contrées insoupçonnées !
   « Coma ! Coma ! Coma ! » hurlait innocemment Richard, pourchassé par la meute en délire. La chanson s'arrêta net et une voix venue de nulle part lui répondit de n'être point trop impatient...