lundi 31 octobre 2016

Pour la beauté du geste (feuilleton électrique) par Jimmy Jimi # 127


127. FREEDOM OF CHOICE [DEVO] 

   Je pouvais toujours me retourner le cerveau dans tous les sens, je ne voyais pas quel genre de miracle Mary pouvait espérer – à moins, peut-être, que le ministre de l'intérieur en personne ne proclame officiellement Richard Coxe comme étant le salopard public n° 1 et n’amnistie son agresseur dans la foulée avant de lui remettre la légion d'honneur ! En attendant ce peu probable événement, les flics devaient avoir trouvés le chemin de la maison, et je les imaginais torturant mes chéries pour leur faire avouer l'adresse de ma planque...

   J'avais une douce famille à pleurer, une « grande idée » à mettre en pratique et, éventuellement, une île à visiter, mais comment aurais-je pu résister à l'appel d'un ampli extraordinaire et d'une paire d'enceintes aussi imposantes que des armoires normandes ?  
   Je déposai la valise sur la table basse et l'observai comme si je la voyais pour la première fois. Pourtant, elle en avait transporté du collector ruineux et du bootleg hors de prix. (Pour Cyril, le pirate live était un truc d'obsédé sexuel, un équivalent à la fréquentation des péripatéticiennes (il faut toujours lutter en faveur des animots menacés d'extinction) ! L'acheteur savait qu'il n'y trouverait pas l'extase, mais il ne pouvait s'empêcher d'y retourner.) J'ouvris la valise avec des précautions de démineurs.

   Quel disque pouvait être digne de tourner sur cette platine mythique ? Je piochai un premier album au hasard (toujours, le hasard). Aerosmith : Toys in the attic. Je ne me souvenais même plus pourquoi je l'avais acheté, celui-ci, sans doute pour Sweet emotion et Walk this way... Cyril s'en mêla encore : « Du sous Stones ricain avec une dose de harderies, alors qu'à la même époque les Dolls... » Bla bla bla, passons... David Bowie : Tonight (disque d'or en France !). Celui-là, je savais : tout simplement parce que c'était Bowie, que j'espérais un sursaut après Let's dance, que le nom d'Iggy Pop apparaissait quatre fois dans les crédits, qu'il y avait une reprise des Beach Boys et un titre signé de Leiber & Stoller. Oui, mais non !... Lou Reed : Mistrial. Lunettes moches, blouson moche, guitare moche : étonnamment, le disque est à l'avenant de la pochette ! Si vous êtes jeune, que vous avez entendu parler de Lou Reed, que vous avez envie d'essayer, par pitié, ne commencez pas avec cet album (lequel devait voir l'Ile Déserte pour la première et dernière fois, même si, avec les maniaques du Lou, on ne peut présager de rien) !... Leonard Cohen : Death of a ladies' man. C'est un peu la même histoire que le End of the century des Ramones, beaucoup de fans de Cohen le conchient, alors que chez les partisans de Phil Spector, c'est souvent le seul qui est accepté ! Etant fan de l'un comme de l'autre, je le possède en deux exemplaires ! L'espace d'un instant, je fus tenté, mais, après une trajectoire quasi parfaite entre 1967 et 92 (avec huit albums consécutifs plus que recommandables), la suite sonna désespérément le creux à mon oreille. En musique, on peut pardonner, mais on doit demeurer sévère. Souvenez-vous des ultimes années de Serge Gainsbourg, il pouvait péter dans un trombone comme se faire accompagner d'un bassiste slappeur ou d'un chœur de castras, tout le monde hurlait au génie, au point que le malheureux ne parvenait plus à distinguer le bien du mal... 
   Beaucoup de passionnés rejettent le terme de fan car il est le diminutif de fanatique. Personnellement, il me convient car j'ai toujours su que j'étais un fou du dieu musique. Quand les mots « flic » et « prison » frappèrent ma conscience, je crois que ma première pensée fut de me demander si j'allais pouvoir facilement recharger mon lecteur mp3 ! (Le point d'exclamation figure uniquement ici pour tenter d’atténuer la profondeur du malaise.) Et, là, perdu au milieu de nulle part, dans les conditions que l'on sait, je m'esquintais encore dans des turlupineries insensées.
   Joe « King » Carrasco & The Crowns : Joe « King » Carrasco & The Crowns. Très sympathique dans le genre tex-mex gentiment déjanté, mais la fiesta seul et sans tequila ressemble à une sinistre masturbation... The Gun Club : Lucky Jim. Enfin du sérieux... 

jeudi 27 octobre 2016

ALICE COLTRANE ~ Journey In Satchidananda [1970]


Et si on allait frapper à la porte d'une autre harpiste ? Ce qu'il y a de passionnant avec le jazz, c'est que tous les instruments, toutes les formules et toutes les fusions semblent possibles... Cet album, fortement inspiré par le guru indien Swami Satchidananda, est une féérie de tous les instants. Il faut avouer qu'Alice Coltrane savait s'entourer : Pharoah Sanders (saxophones et percussions), Vishnu Wood (oud), Charlie Haden (basse) et Rashied Ali (batterie) - excusez du peu ! Même si vous n'êtes pas versé dans le spirituel, rarement un disque saura vous faire planer aussi haut (pensez à fermer les fenêtres avant de monter le volume !).  
Jimmy JIMI (Merci d'avance pour vos commentaires !)


01 - Journey In Satchidananda
02 - Shiva-Loka
03 - Stopover Bombay
04 - Something About John Coltrane
05 - Isis And Osiris
MP3 (320 kbps) + artwork


lundi 24 octobre 2016

CECILE CORBEL ~ VAGABONDE [2016]


Pour beaucoup d'entre vous, Cécile Corbel n'a pas besoin de présentation. Je sais que c'est l'une de vos artistes favorites. Voici donc pour les autres un court résumé de la carrière exemplaire de la jeune bretonne. A l'âge de 17 ans, assistant à un concert de la harpiste grecque Elisa Vellianiti, Cécile a un véritable coup de foudre pour la harpe celtique. Gardant la tête sur les épaules, elle poursuit ses études : Bac S et DEA en histoire de l'art. En 2002 et 2003, elle est invitée en Louisiane par la Harp Society. En 2004, Cécile autoproduit un premier e.p. de six titres. En 2006, à Reims, elle fait la première partie du concert d'Alan Stivell. En 2007, la première partie de Laurent Voulzy à l'Olympia. Keltia Musique, l'immense spécialiste de la musique celtique de Quimper, aujourd'hui tristement disparu, distribue le premier album de Cécile. En 2009, elle compose la musique de Anne de Bretagne, un opéra-rock d'Alan Simon avec rien moins qu'Angelo Branduardi, Nilda Fernandez et Didier Squiban. Collaboration si fructueuse qu'Alan attribue le rôle-titre à Cécile. La même année, en hommage à la source d'inspiration que lui procurent leurs longs-métrages, Cécile expédie aux studios Ghibli, au Japon, un exemplaire de son deuxième album, sans adresse électronique ou physique. Celui-ci tombe dans les mains de Toshio Suzuki qui travaille à la production de Arrietty, le petit monde des chapardeurs. Toshio cherche partout un contact pour rencontrer Cécile. Hiromasa Yonebayashi, le réalisateur du film, se rend en délégation à un concert de Cécile pour l'écouter jouer. Décision est prise de lui confier la composition d'un morceau. Ce sera finalement toute la bande son qui lui sera confiée. Cécile devient célèbre aux yeux du monde, bien d'avantage qu'en France. Dire que Vagabonde, le dernier opus de Cécile, est l'album de la maturité serait un cliché. Pourtant, la production exemplaire et la participation d'artistes de "world music" en fait rien moins que... l'album de la maturité. Jusqu'au prochain.
ZOCALO (Merci d'avance pour vos commentaires !)



01 - Working Song
02 - La Fille Sans Nom
03 - Waterfalls
04 - Les Courants D'Air
05 - The Berry
06 - Belfast [Feat. Les Moorings & Manran]
07 - Liam
08 - Winterchild
09 - Mama Always Told Me
10 - Pierre Et Marion
11 - Dwelling Of The Moon
12 - Entre Ses Bras
13 - Under The Lake [Feat. Poppy Seeds]
MP3 (320 kbps) + front cover







jeudi 20 octobre 2016

THE FLESHTONES ~ The Band Drinks For Free [2016]


"Na na-na-na, na-na-na !"
Ça n’apparaîtra jamais nulle part de manière officielle, alors je le décrète personnellement, en accord avec moi-même : 2016 est une année vintage ! Au sens œnologique du terme, s’entend. Dans le désordre et au hasard (ouais, enfin…) : Ty Segall, Thee Oh Sees, Seasick Steve, Peter Wolf, Damien Jurado, Kevin Morby, Jojo Richman, Paulo Westerberg & Juliana Hatfield, Bob Mould ou Anders Osborne (thanx Cha !) nous ont chacun offert cette année un disque dans lequel, même en cherchant bien, on ne trouvera rien à jeter. Ah ben tiens, au moment où je vous écris, j’ai un œil qui traîne (faut toujours avoir un œil qui traîne), et je vois tomber sur les téléscripteurs un Dex Romwebber, mmmh faut que j’aille vérifier, accordez-moi quelques instants… Ça y est, chuis de retour, c’est validé, je rajoute Dex à la liste. Ce qui me fait penser que, oui forcément, j’en oublie, ce qui ne fait d’ailleurs qu’apporter de l’eau à mon moulin. Bon j’avoue qu’il y en a un que j’ai volontairement oublié, mais c’est juste pour voir si vous suivez (à mon avis, vous n’en avez rien à battre, et je ne serai pas déçu si l’effet escompté n’est pas atteint mais, bon, je tente quand même le coup). Et donc, posé ce préambule, nous y voilà : qui, non mais qui, attendait encore quoi que ce soit ces jours-ci des ‘Tones ? Soyez francs : ni vous, ni moi. Y a bien mon pote Bruno qui les a vus 25 fois en concerts, et je balance pas le chiffre au hasard, mais, bon, lui est hors-concours. Enfin, hors-concours, j’exagère, ces mecs (les Fleshtones, vous suivez toujours?) ont généré au fil des années (40, putain 40 ans…) un cult-following qui dépasse l’entendement ! Mais revenons-y, donc : il est facile et confortable de considérer les Fleshtones comme des garage-rockers monomaniaques. Mais attention, hein, des parangons dans le genre, qui d’ailleurs lui-même n’a rien de honteux. Sauf que pas tout-à-fait… Je vous ai déjà fait le coup du "testez les trente premières secondes du premier morceau et si vous n’êtes pas accrochés, je vous rembourse" (les plus assidus d’entre vous se souviendront que c’était au sujet d’un disque des… bingo !) mais là, c’est pas pareil. Enfin si tiens, essayez, vous me direz, je suis sûr que ça marche aussi. Non, ce que je voulais dire en résumé (hé ho, je vous entends là au fond "un résumé, après une demi-heure de bla bla, tu te fous de notre gueule ou quoi ?"), en résumé donc : je vous propose ici 37 minutes, pas une de plus, de bonheur Farfisa-fueled 60’s punk, pop, soul, Tex-Mex, surf, r’n’b (hé ouais, mais le vrai bien sûr) et, un peu quand même, garage-rock ! Il manquera bien sûr aux plus pervers d’entre vous une touche de métal ou de jazz mais d’une faut pas déconner et de deux vous savez mieux que moi où trouver ça. Alors, non, personne n’attendait plus rien des Fleshtones, mais tout le monde prendra dans la gueule cette dose de classe rock’n’rollienne aussi rafraîchissante qu’inestimable. Le titre du disque vaut son pesant de cacahuètes (pour qui l’a vécu ou seulement rêvé…), sa pochette est adorablement épouvantable et avec un peu de chance 2016 ne nous a pas encore délivré tous ses trésors ! La preuve, j’ai vu les Real Kids en concert en juin, manquerait plus qu’ils s’y (re-)mettent…
Everett W. GILLES (Merci d’avance pour vos commentaires !)


01 - Love Like A Man
02 - Love My Lover
03 - Rick Wakeman's Cape
04 - Suburban Roulette
05 - Respect Our Love
06 - Living Today
07 - Too Many Memories
08 - The Gasser
09 - Stupid Ol' Sun
10 - The Sinner
11 - How To Make A Day
12 - Before I Go
MP3 (320 kbps) + front cover 



mardi 18 octobre 2016

Pour la beauté du geste (feuilleton électrique) par Jimmy Jimi # 126



126. GIVE US YOUR BLESSINGS [THE SHANGRI-LAS] 

   La vie est improbable, les songes impénétrables... La B.I.D. avait troublé mon sommeil sans relâche et sans gêne à travers les décennies, et j'aurais pu aisément remplir un voluptueux bottin avec mes fichues listes (ou mes listes désormais fichues), mais jamais je n'avais imaginé le grand départ pour l'Ile...
   Depuis son ordinateur portable, l'un des brigadiers envoya les choix du hasard en direction du fichier central : les disques des « secondes lames » (surtout, n'y voyez aucun mépris, non seulement il en faut, mais certaines parviennent, parfois, le temps d'une ou deux chansons et même d'un album entier, à se hisser vers des sommets insoupçonnés) y côtoyaient les enregistrements mineurs (ou en tous cas « moins chef-d’œuvre », comme disait jadis Polina) de mes artistes favoris. Pendant ce temps, à l'étage, Mary rangeait soigneusement mes vêtements préférés dans mon sac de voyage, alors qu'Eleonore me préparait un dernier café dans la cuisine : des gestes sans doute anodins mais effectués avec tellement d'amour – celui-là même que j'avais si affreusement trahis en laissant une vielle vengeance manger tout mon être. (J'étais bien mignon à moquer constamment les bougres ayant si bien enseveli les colifichets de leur jeunesse (adieu Vinyles, Perfecto, talons cubains, milleraies, Wayfarer, Gretsh, Vox et tout le bazar toutimesque) qu'ils ne sauraient les retrouver si d'aventure ils les recherchaient, mais, au moins, ceux-ci n'auraient jamais à pleurnicher devant leur gamine : « Désolé, ma chérie, j'ai expédié ce type dans le coma parce qu'il m'avait volé les chansons que je ne pouvais même pas chanter et la fille à qui ta mère a succédé. ») 

   Ma fille me caressa tendrement la nuque avant de déposer le plus charmant des tous petits baisers sur mon front de nouveau fiévreux (les larmes qu'elle tentait de contenir grondaient comme la basse de Lemmy Kilmister au moment d'attaquer le refrain de Bomber). Mary embrassa mes paupières et ma bouche crispée, puis me glissa au creux de l'oreille : « Ne t'en fais pas, il ne peut rien t'arriver de grave, nous t'aimons trop. » Elle y croyait à son foutu miracle... 

   Les gars de la B.I.D. ne possédaient pas de DS, comme ceux de mes rêves, mais la dernière version de la Picasso (la famille du génie avait accepté cette incongruité en échange de laquelle Citroën devait confondre en justice les malotrus qui utilisaient le nom du maître sans scrupules ni autorisations). Le contact fut enclenché. « Trente trois jours pour trente trois trente trois centimètres, lâchèrent en chœurs mes ravisseurs ravis. » 
   Nous roulâmes jusqu'à l'héliport d’Issy-les-Moulineaux. Le ciel était dégagé. Un appareil m'attendait. Une hôtesse me prévint qu'elle allait devoir me bander les yeux pour que je ne puisse deviner la situation de l'Ile, mais que je serai coiffer d'un casque à musique pour m'aider à patienter. 

   J'entendis les pales de l'hélicoptère qui tournoyaient, puis la voix délicieuse de la charmante Mary Weiss : « Mary and Jimmy were both very young / But as much in love / As two people could be / And all they wanted / Was to share that love eternally... »

   L'idée, la grande idée, aurait du me crever les yeux depuis toujours, mais elle vint uniquement quand ils furent enfermés sous un masque de sommeil...  

   Je me réveillai dans la tiédeur d'un bel après-midi de printemps et, je vous le donne en mille, l'île était... déserte ! De la fenêtre de la chambre, je pus admirer une étrange, gigantesque et futuriste machinerie, reliée à un champ de majestueuses éoliennes, qui devait fournir l'île en électricité. Et il en fallait pour alimenter l'ampli à lampes démesuré qui trônait dans le salon...

             

lundi 17 octobre 2016

THE ROLLING STONES ~ 12 X 5 [Mono U.S. 1964]


Quand je vous disais que c'était le grand bazar dans la discographie stonienne... Les ricains, non contents d'avoir fichu le boxon dans la tracklist parfaite du premier album, récidivent en proposant un deuxième lp avant même que le groupe n'ait offert son N°2 ! Ce disque contient le e.p. Five by five (destiné au marché européen), cinq titres enregistrés dans les mythiques studios Chess, à Chicago (se refusaient rien, les bougres !). Pour faire bonne mesure, ont été ajoutés les singles It's all over now et Time is on my side (destinés au marché U.S.). A l'époque, personne ne cracha sur cette ratatouille qui permettait de prendre patience et de se mettre en quête d'une nouvelle poignée d'originaux (ce qui ne devait pas être une mince affaire, surtout par chez nous).
Jimmy JIMI (Merci d'avance pour vos commentaires !)    


01 - Around And Around
02 - Confessin' The Blues
03 - Empty Heart
04 - Time Is On My Side
05 - Good Times, Bad Times
06 - It's All Over Now
07 - 2120 South Michigan Avenue
08 - Under The Boardwalk
09 - Congratulations
10 - Grown Up Wrong
11 - If You Need Me
12 - Susie Q
MP3 (320 kbps) + front cover


jeudi 13 octobre 2016

KILLING JOKE ~ Pandemonium [1994]



On pourra dire que, depuis la rentrée, notre Jimmy nous bichonne dans ses choix musicaux. Et si tout ça était fini et qu’on vous proposait un truc qui n’aurait rien pour vous plaire? Parce que, franchement, qui peut prendre au sérieux ce groupe qui chante la fin du monde depuis des lustres ? Surtout qu’en cette année 1994, le groupe prend un virage au cours duquel il se débarrasse de toutes velléités esthétiques pour livrer une musique pas vraiment calibrée pour les estomacs sensibles et qui assume son mauvais goût. Et le mystère est là : comment se fait-il que ce disque ne cesse de revenir sur ma platine alors qu’il contient quasiment tout ce que je devrais normalement détester ? Et regardez tous ces titres, ne donnent-ils pas envie d’en rire ? Il faut dire qu’avec un personnage comme Jaz Coleman, un homme qui a dû vivre plusieurs vies, érudit en sciences occultes, en musique moyen-orientale et psychotropes de tout genre, lui-même compositeur reconnu de musique contemporaine, grand amateur de gros cigares et de whisky, tout est toujours plus compliqué qu’il n’y parait.  Par exemple, derrière ce mur du son lourd et gras, voire indus, vous trouverez également des arrangements traditionnels orientaux, des influences d’une techno la plus abrasive et surtout un chant fascinant d’une rare puissance, tantôt hurlant, éructant ou plaintif. Pour ajouter à ce mystère, la rumeur dit que certains morceaux auraient été enregistrés au cœur même de la de la Chambre mortuaire du roi dans la Grande Pyramide de Gizeh. Mais, au-delà de cette dimension mystique, il contient une autre grande vertu cardinale du rock qui me permet de vous inviter à tester avec moi une petite expérience : faites un instant découvrir à votre entourage les mathématiques façon Killing Joke, celles du chaos, en ouvrant grands les fenêtres tout en montant le volume à fond. Et là, bon ou mauvais goût, cette musique retrouve ce pouvoir simple, intact et jouissif, de pouvoir enfin faire chier ses voisins, et  de nous redonner surtout ce plaisir de passer pour un(e) fou (folle)  auprès de tous ceux, famille inclue, qui soudainement ne nous comprennent plus... Et c’est si bon de pouvoir compter sur ce groupe qui se donne sans compter, sans jamais avoir eu peur du ridicule et du bien-pensant, surtout que le ridicule n’a jamais tué quand on l’assume, et encore moins quand il n’est pas là où on l’attend... Donc on peut effectivement facilement se moquer, en 2016, d’un groupe qui a osé chanter en 1994, avec tant de conviction, la fin du monde dans la foulée du nouveau millénaire, sauf que nous sommes face à une blague qui tue… Car, voyez-vous, la fin du monde a bien eu lieu, et peu l’on encore vu ou compris, mais, avec l’aube de ce millénaire, a  bien émergé d’un peu partout un autre monde qui détrône à grande vitesse l’ancien, fait d’internet, de smartphone et autres réalités virtuelles et interconnectées, à la fois plus fou, plus excitant et plus effrayant, et générant également peur, obscurantisme et terrorisme. C’est pourquoi ce groupe grogne, hurle et se bat, tout simplement parce qu’il croit encore au pouvoir de l’homme de rendre ce monde meilleur malgré tout.
Audrey SONGEVAL (Merci d'avance pour vos commentaires !)




01 - Pandemonium
02 - Exorcism
03 - Millenium
04 - Communion
05 - Black Moon
06 - Labyrinth
07 - Jana
08 - Whiteout
09 - Pleasures Of The Flesh
10 - Mathematics Of Chaos
MP3 (320 kbps) + artwork 

  

lundi 10 octobre 2016

Pour la beauté du geste (feuilleton électrique) par Jimmy Jimi # 125



125. SURPRISE SURPRISE [THE ROLLING STONES] 

   Eléonore s'était assise dans mon fauteuil préféré (celui dans lequel je testais tous mes nouveaux disques), comme si, déjà, elle tentait de combler mon absence... 
   Quand je lui avais parlé de la bande, de Mizanu et du « Monstre », pour la première fois, elle m'avait répondu qu'un individu pareil mériterait une longue séance de tortures avant d'être pendu par les pieds... Dans un instant, quelques minutes au plus, on allait menotter son petit « Papou ». Il était un peu tard pour y songer... Bien sûr que j'appris à ma fille qu'on ne fait pas justice soi-même, mais que faire quand, près de trois décennies après l'ignoble délit, justice n'a toujours pas été rendue ?

   Les flics allaient me demander où je me trouvais dans la nuit de samedi à dimanche, si j'avais l'habitude de fréquenter le Gibus, si je connaissais Richard Coxe... si je ne me foutais pas un peu de leur gueule ! Ils ne seraient pas longs à me retourner telle une crêpe à la chandeleur... Malgré les pleurnicheries des médias, je m'inquiétais modérément pour la santé du « Monstre » ; les infâmes dans son sale genre finissent toujours par s'en tirer. Peut-être que j'écoperais de trente ans au lieu de la perpétuité. Cela ne changerait rien à l'horrible affaire, je mourrai en cellule, loin de l'être aimé, de ma fille chérie et de ces foutus disques qui m'avaient amené sur le sentier du mal. Evidemment, personne n'y prend garde en posant un premier Pet sounds ou un Aftermath sur la platine. 

   Les deux gars se mouvaient comme au ralenti, tels des shérifs échappés d'un film de Sam Peckinpah.  Ils ne ressemblaient pas vraiment à des flics (en admettant que ceux-ci soient supposés posséder un physique particulier). Remarquez bien qu'ils ne ressemblaient pas davantage à mes gaillards de la B.I.D.

   « Monsieur Jean-Michel Koule ? Brigade de l'Ile Déserte, nous venons enregistrer votre liste ; vous avez sans doute entendu parler de notre organisation?
   – Et comment ! Mais j'ai peur que vous ne tombiez pas au meilleur moment... »

   Mary nous excusa avant de m’entraîner vers la salle de bain. 
   « Qu'est-ce que tu fabriques ? C'est peut-être ta chance... En tous cas, ça va nous donner un mois de répit en espérant un miracle. » 

   « Messieurs, c'est tout à fait le moment ; mon compagnon serait même prêt à vous suivre dès aujourd'hui, annonça Mary dans un large sourire... »

   Ce fut au tour de l'un des brigadiers de s'excuser car son téléphone portable venait de vibrer.
   « Oui, chef... un désistement... une crise d'appendicite aiguë... ça va créer une vacance... eh bien, je sais que c'est pas la procédure, mais Monsieur Koule se proposait justement de rejoindre l'Ile, ce soir même... Très bien, chef, je lui annonce la bonne nouvelle. » 

   A ces mots, Mary courut au grenier pour y chercher la valise que j'utilisais lorsque j'arpentais les conventions de disques. Trois minutes plus tard, elle la remplissait en demandant conseil au seul hasard ! Il n'y avait là aucun mauvais album (je vous rassure, je suis comme tout collectionneur, j'en possède quelques spécimens), mais nul qui n'ai jamais figuré sur mes innombrables listes (c'était bien la peine... et, à propos de peine, alors que des soucis bien plus graves auraient du occuper mon esprit, je fus enveloppé par une vague de mélancolie à l'idée que mes deux bons gros bougons de la B.I.D. ne viendraient sans doute plus jamais hanter mes rêves – car non seulement la réalité dépasse la fiction, mais elle l'annule également). Je laissai faire sans broncher. Tout bien réfléchi, personne ne souhaiterait se retrouver avec ses disques préférés sur une île déserte. Ce sont des chefs-d’œuvre que nous avons déjà trop écoutés, qui habitent nos cœurs et nos mémoires, mais que nous ne jouons plus qu'une ou deux fois l'an pour nous prouver qu'ils sont toujours aussi géniaux.                  
 

jeudi 6 octobre 2016

THE ROLLING STONES~ The Rolling Stones [Debut Album] [Mono U.K. 1964]


Back to mono ! On a failli attendre. Or donc, il aura fallu patienter jusqu'à cette année pour que le catalogue Decca des Rolling Stones (un des plus importants de l'Histoire) soit enfin dignement réédité en mono. La discographie des Stones a toujours ressemblé à un incroyable boxon, la faute aux amerloques qui n'hésitèrent pas à supprimer des titres pour les remplacer par les derniers singles en date, quitte à briser le bel équilibre voulu par le groupe. Même la formidable vague de rééditions (pour le son) en SACD n'a pas résolu l'affaire : un coup, on nous fourgua la version U.K., un autre, la version U.S. Avec le nouveau coffret, on va enfin pouvoir se régaler - et en glorieuse version mono, s'il vous plaît (la stéréo, c'est bon pour les fans de Pink Floyd !). Si ça vous intéresse, je distillerais tout ça tranquillement, au fil des semaines. Mais venons en à cet album inaugural. Nous voici avec une génération qui n'a pas à se soucier de la guerre et qui a bien envie de profiter de sa belle jeunesse. Dans toute l'Angleterre, des dizaines de groupes vont peu ou prou enregistrer le même album de reprises, chouravées sans scrupules à une poignée de grands sorciers Noirs. La différence se jouera souvent sur des "détails". Déjà, les Rolling Stones frappent fort en choisissant ce nom, emprunté à une chanson de Muddy Waters, laquelle, on l'oubli trop souvent, raconte l'histoire de pierres sacrés, de pierres magiques, que certains esclaves réussirent à glisser dans leurs frusques avant d'être embarqués pour l'enfer. Ce nom, on ne le trouvera pas au recto de la pochette (ce qui était plutôt culotté pour un premier album), comme on ne verra pas l'habituel uniforme porté généralement par leurs collègues. A la place, on aura droit à l'arrogance des regards et à un refus de sourire. Même si certains voudraient nous faire croire qu'ils connaissent le prénom de la lune depuis toujours, l'immense majorité du public d'alors découvrit ses chefs-d'oeuvre du blues et du rhythm'n'blues (oubliés des ricains) via les versions de ces chers petits anglais. Je ne vais pas vous barber beaucoup plus longtemps, juste ajouter que ce disque contient une telle fraîcheur et une telle fougue qu'il colle encore des frissons après la millième écoute. La mono ne rigole pas, elle vous prend à la gorge et vous cloue au mur sans avertissements. Indispensable !  
Jimmy JIMI (Merci d'avance pour vos commentaires !)  


01 - Route 66
02 - I Just Want To Make Love To You
03 - Honest I Do
04 - Mona (I Need You Baby)
05 - Now I've Got A Witness
06 - Little By Little
07 - I'm A King Bee
08 - Carol
09 - Tell Me
10 - Can I Get A Witness
11 - You Can Make It If You Try
12 - Walking The Dog
MP3 (320 kbps) + front cover



   

ROXY MUSIC ~ Roxy Music [Debut Album] [1972]


Ce fut, si je m'en souviens bien, le premier groupe de mutants à débarquer dans ma chambrette. J'étais encore tout môme et si le rock m'avait happé, je manquais cruellement de référents, et j'achetais souvent mes disques sur un ouïe dire ou l’œillade d'une pochette. A cette époque, Roxy était loin de donner dans le velours pour jeunes cadres dynamiques soucieux de tester leurs enceintes Bang & Olufsen (suivez mon regard) ! Au micro, un crooner déviant bonimentait vicieusement, pendant qu'une bande d'allumés (habillés comme des martiens daltoniens sous acide) brouillaient toutes les pistes. Longtemps, ce fut chouette de voir la tête des filles, quand on jouait ce disque-là !   
Jimmy JIMI (Merci d'avance pour vos commentaires !)


01 - Re-Make - Re-Model
02 - Ladytron
03 - If There Is Something
04 - Virginia Plain
05 - 2 H.B.
06 - The Bob (Medley)
07 - Chance Meeting
08 - Would You Believe
09 - Sea Breezes
10 - Bitters End
MP3 (320 kbps) + artwork
So glam with BM283


lundi 3 octobre 2016

Pour la beauté du geste (feuilleton électrique) par Jimmy Jimi # 124


124. A SINGER MUST DIE [LEONARD COHEN] 

   A la naissance de notre Eléonore chérie, je crus – oh, naïf ! – être définitivement entré dans une nouvelle ère. « Le Monstre » avait disparu de mes nuits et seuls les balourds de la Brigade de l'Ile Déserte s'autorisaient encore quelques fois à troubler mon sommeil entre deux biberons. En fait, ce n'était qu'une vilaine ruse supplémentaire pour revenir me torturer plus violemment que jamais.

   « Je le jure sur la tête de mon enfant et sur ma collection de pirates du Velvet Underground (qu'ils se rayent à l'instant, si je mens !), Votre Honneur, personne ne pourrait résister à trois décennies de cauchemars. C'est à devenir fou... » 

   La suite, vous la connaissez, je vous l'ai offerte dans un flashforward aux chapitres 4 et 5. Pour mémoire, les filles quittèrent la maison de bonne heure pour aller danser en province ; j'en profitais pour me vautrer dans mes souvenirs d'antan (les beaux, seulement) avant de filer vers le Gibus, là où Mizanu avait donné son tout premier concert. 
   Au milieu de la nuit, je quittai le club, et rencontrai « Le Monstre », baignant dans la même eau de toilette bon marché que jadis (le succès et l'argent n'achètent pas le bon goût). L'odeur me monta au nez pire qu'une moutarde empoisonnée. Je compris que j'attendais ce moment depuis près de trente ans. Il bredouilla quelque amabilité déplacée. J'aurais du me contenter de lui cracher au visage avant de lui envoyer ma meilleure droite (enfin, ma seule droite, je n'ai jamais été très bagarreur), mais la vue du sang m'excita. Je le laissai pour mort, pendant qu'un orage complice nettoyait mes empruntes... 

   Les filles me retrouvèrent à demi noyé par la fièvre. Sur l'écran de la télévision, le visage du « Monstre » s'étalait en grand format, et un journaliste racontait l'effroyable agression dont Richard Coxe avait été victime. Le chanteur se trouvait dans le coma et on ignorait encore si le processus vital était engagé.

   Le téléphone sonna.
   « Papou, c'est pour toi, lança ma fille. »

   L'appareil me brûla les doigts.
   « Jimmy, dis-moi vite que c'est pas toi.
   – Désolé, ça va pas être vraiment possible.
  – A la télé, ils viennent de dire que les flics avaient trouvé un témoin, une mémé qui promenait son chien... Faut que tu te sauves !
   – Je suis pas certain d'avoir les aptitudes pour une cavale. [A ce moment, je me sentis comme oppressé d'être ainsi coincé dans ce dialogue qui semblait dit tout droit sorti d'une très mauvaise série.]  De toute façon, c'est trop tard, Olympia, on vient de sonner à la grille, je crois qu'ils viennent me cueillir. J'ai été heureux de t'entendre. Je t'embrasse. »

   J'étais à côté de toutes les plaques, je me foutais royalement de ce qui pouvait m'arriver, je me berçais de l'écho de la voix d'Olympia.

   Mary se dirigea vers la porte pour aller ouvrir aux flics. Elle ressemblait à une somnambule. Une grosse larme coulait sur sa joue si pâle (je ne sais plus laquelle). Par la fenêtre du salon, je la vis traverser le jardin en titubant. Soudain, le ciel se maquilla de rouge et les anges chutèrent de leur hamac nuageux pour se livrer aux vents mauvais. Les cris de douleur du « Monstre » remontèrent le temps en effaçant la voix acidulée d'Olympia qui chantait dans mes oreilles et les émanations putrides de la geôle hurlèrent au milieu d'un délire de sirènes.