lundi 10 octobre 2016

Pour la beauté du geste (feuilleton électrique) par Jimmy Jimi # 125



125. SURPRISE SURPRISE [THE ROLLING STONES] 

   Eléonore s'était assise dans mon fauteuil préféré (celui dans lequel je testais tous mes nouveaux disques), comme si, déjà, elle tentait de combler mon absence... 
   Quand je lui avais parlé de la bande, de Mizanu et du « Monstre », pour la première fois, elle m'avait répondu qu'un individu pareil mériterait une longue séance de tortures avant d'être pendu par les pieds... Dans un instant, quelques minutes au plus, on allait menotter son petit « Papou ». Il était un peu tard pour y songer... Bien sûr que j'appris à ma fille qu'on ne fait pas justice soi-même, mais que faire quand, près de trois décennies après l'ignoble délit, justice n'a toujours pas été rendue ?

   Les flics allaient me demander où je me trouvais dans la nuit de samedi à dimanche, si j'avais l'habitude de fréquenter le Gibus, si je connaissais Richard Coxe... si je ne me foutais pas un peu de leur gueule ! Ils ne seraient pas longs à me retourner telle une crêpe à la chandeleur... Malgré les pleurnicheries des médias, je m'inquiétais modérément pour la santé du « Monstre » ; les infâmes dans son sale genre finissent toujours par s'en tirer. Peut-être que j'écoperais de trente ans au lieu de la perpétuité. Cela ne changerait rien à l'horrible affaire, je mourrai en cellule, loin de l'être aimé, de ma fille chérie et de ces foutus disques qui m'avaient amené sur le sentier du mal. Evidemment, personne n'y prend garde en posant un premier Pet sounds ou un Aftermath sur la platine. 

   Les deux gars se mouvaient comme au ralenti, tels des shérifs échappés d'un film de Sam Peckinpah.  Ils ne ressemblaient pas vraiment à des flics (en admettant que ceux-ci soient supposés posséder un physique particulier). Remarquez bien qu'ils ne ressemblaient pas davantage à mes gaillards de la B.I.D.

   « Monsieur Jean-Michel Koule ? Brigade de l'Ile Déserte, nous venons enregistrer votre liste ; vous avez sans doute entendu parler de notre organisation?
   – Et comment ! Mais j'ai peur que vous ne tombiez pas au meilleur moment... »

   Mary nous excusa avant de m’entraîner vers la salle de bain. 
   « Qu'est-ce que tu fabriques ? C'est peut-être ta chance... En tous cas, ça va nous donner un mois de répit en espérant un miracle. » 

   « Messieurs, c'est tout à fait le moment ; mon compagnon serait même prêt à vous suivre dès aujourd'hui, annonça Mary dans un large sourire... »

   Ce fut au tour de l'un des brigadiers de s'excuser car son téléphone portable venait de vibrer.
   « Oui, chef... un désistement... une crise d'appendicite aiguë... ça va créer une vacance... eh bien, je sais que c'est pas la procédure, mais Monsieur Koule se proposait justement de rejoindre l'Ile, ce soir même... Très bien, chef, je lui annonce la bonne nouvelle. » 

   A ces mots, Mary courut au grenier pour y chercher la valise que j'utilisais lorsque j'arpentais les conventions de disques. Trois minutes plus tard, elle la remplissait en demandant conseil au seul hasard ! Il n'y avait là aucun mauvais album (je vous rassure, je suis comme tout collectionneur, j'en possède quelques spécimens), mais nul qui n'ai jamais figuré sur mes innombrables listes (c'était bien la peine... et, à propos de peine, alors que des soucis bien plus graves auraient du occuper mon esprit, je fus enveloppé par une vague de mélancolie à l'idée que mes deux bons gros bougons de la B.I.D. ne viendraient sans doute plus jamais hanter mes rêves – car non seulement la réalité dépasse la fiction, mais elle l'annule également). Je laissai faire sans broncher. Tout bien réfléchi, personne ne souhaiterait se retrouver avec ses disques préférés sur une île déserte. Ce sont des chefs-d’œuvre que nous avons déjà trop écoutés, qui habitent nos cœurs et nos mémoires, mais que nous ne jouons plus qu'une ou deux fois l'an pour nous prouver qu'ils sont toujours aussi géniaux.                  
 

25 commentaires:

Jimmy Jimi a dit…

Une dédicace spéciale pour notre ami Devant. Il y a un grand nombre de chapitres, il me réclama le retour de la B.I.D.; il pensait que ces personnages méritaient d'avoir davantage de place dans cette histoire. C'est en pensant à cette requête que j'imaginai le chapitre que vous venez de lire, lequel modifia toute la fin que j'avais alors en tête.

Arewenotmen? a dit…

Aura t'on droit plus tard à des "outtakes ?" ?

Keith Michards a dit…

Vind'jiou ! C'est quoi encore cette nouvelle embrouille ????? 8-°

Jimmy Jimi a dit…

Hello Arewenotmen?,
Mieux que ça, j'enverrai la version "définitive" aux plus fidèles lecteurs quand j'aurai terminé.

Hi Keith,
On dit toujours que tout a déjà été fait et dit, mais personne n'a encore raconté l'île déserte en "direct live"; je m'apprête donc à relever le défi!

Audrey a dit…

Je trouve que ce chapitre est plus dans le ton de ce qui fait le charme de ton feuilleton. Et j'avue que j'ai toujours été fan de ton idée de la BID. Je très contente de les revoir, tes 2 loustics.
Je trouve aussi que l'approche que tu as de l'enfance de la fille de Jimmy fonctionne bien.

Quant à passer sa vie sur une île déserte avec sa poignée de disques (qu'en plus on n'a pas choisie), je me dis que ça peut être un drame: soit on finit par les détester à force de les écouter, soit on ressent le manque terrible de nouvelles choses à écouter... Je n'envie pas notre Jimmy!

Il y a un point que je retravaillerai si j'étais toi, c'est l'enchainement "flics au ralenti" et les 2 gars de la BID. Parce que c'est tellement succinct qu'on oublie que les vrais flics sont là et sur le point de le coffrer. Et je mettrais aussi davantage la séquence "ralenti" pour mieux jouer avec l'idée et leur menace (en découpant justement leur séquence dans un vrai ralenti dans ton histoire).
Bref l'irruption du fantastique et de l'onirisme (en simultané qui plus est) est une super idée, qui justement aurait pu te permettre de jouer davantage avec son potentiel.
Mais sinon, j'ai bien aimé l'épisode. Et j'ai à nouveau envie de savoir ce qui va se passer!

PS: Je crois que Peckinpah n'a employé ses fameux ralentis que pour la Horde Sauvage.

Jimmy Jimi a dit…

Hola Audrey,
Comme il est écrit, le séjour dure un mois (33 jours pour 33 disques pour être exact) et non tout le reste de la vie (faut faire de la place pour les copains).
Non, les vrais flics ne sont pas là; ils n'étaient que dans l'imagination de Jimmy.
En fait, il n'y a pas de véritable fantastique; j'ai fait comme si la B.I.D. existait vraiment.
Je sais que tu en aimerais toujours davantage, mais, comme certains musiciens, j'aime jouer sur le silence, laisser le lecteur inventer des phrases entre les lignes, lui donner la possibilité d'ajouter des passages, une fois le livre refermé. Pour toi, et je l'acceptes, ça peut ressembler à des manquements, alors que je trouve que ça permet, au contraire, au lecteur (s'il n'est pas trop paresseux) la possibilité de s'impliquer davantage. J'ai voulu que chaque chapitre tienne plus ou moins sur une page et dure approximativement le temps d'une chanson. Quand on écoute bien une chanson, elle en raconte bien davantage qu'elle peut le laisser paraître, c'est ce que j'essaye de faire.

Arewenotmen? a dit…

Less is more !

DevantF a dit…

Haaarrrgh et le temps me manque... Je reviendrai, pour sûr

Anonyme a dit…

Je sais C'est hors topic mais serait-il possible de réactiver le lien de Drama of Exile de Nico ?

projectobject a dit…

Jean-Pierre Melville... Trop fort sur les silences.

Mais avec Google-Con je risque de begayer...

Je vous aurais prévenu... Tchoum.

projectobject a dit…

Jean-Pierre Melville... Trop fort sur les silences.

Mais avec Google-Con je risque de begayer...

Je vous aurais prévenu... Tchoum.

projectobject a dit…

Bingo...
Même plus le temps de commenter mes commentaires Google-Con les aspirent...

projectobject a dit…

Je parlais du silence dans le cinéma de Jean-Pierre Melville...

projectobject a dit…

J'y vais par à-coup...

J'y faisais référence au silence ou au non-dit dans de très belles correspondances... notemment celles du divin Marquis à la Marquise de Sade depuis sa géôle de la prison de La Bastille à l'encontre de celles d'un Eugène Delacroix plus terre-à-terre sur le coût du quotidien... et je compte hâtivement lire celles de François Mittérand à sa maîtresse Anne Pingeot et les silences qui en disent longs.

Ceci pour ces suspensions de silence qui a marqué la mudique contemporaine pour rester sur le sujet MUSIQUE.

B@Owl$

Everett W. Gilles a dit…

''Ile Déserte'' c'est une catégorie de disques chez moi.
Y a les pourris, les moyens, les bons, les très bons, les ''Capsules Spatiales'' (pour que les autres Galaxiens aient une idée de nôtre bon goût...) et les ''Iles Désertes'' donc oui moi j'embarquerais bien mes chefs d'œuvre sur cette île !
Y a pas mal de ''Capsules'' dans mes ''Iles'', je vous l'avoue.
Bon, le problème c'est que ces listes sont incrémentales ...
L'autre problème c'est le nombre autorisé, là je me foutrais grave sur la gueule avec la BID.
Et plus important encore, y a-t'il ou non de l'électricité sur cette Putain d'Île ??
Parce que si oui, finalement, cette Île, c'est pas le bagne (arffff !!)

projectobject a dit…

J'y vais par à-coup...

J'y faisais référence au silence ou au non-dit dans de très belles correspondances... notemment celles du divin Marquis à la Marquise de Sade depuis sa géôle de la prison de La Bastille à l'encontre de celles d'un Eugène Delacroix plus terre-à-terre sur le coût du quotidien... et je compte hâtivement lire celles de François Mittérand à sa maîtresse Anne Pingeot et les silences qui en disent longs.

Ceci pour ces suspensions de silence qui a marqué la mudique contemporaine pour rester sur le sujet MUSIQUE.

B@Owl$

projectobject a dit…

Je parlais du silence dans le cinéma de Jean-Pierre Melville...

Jimmy Jimi a dit…

Hello Devant,
Je me demande si tu t'y attendais à celle-là!

Hi Projectobject,
Tes remarques sont très justes, mais je songeais davantage à Miles Davis: on dirait, parfois, qu'il manque des notes, des phrases ou même des instruments! Pourtant, il suffit de tendre l'oreille et le cœur pour lire entre les lignes.

Hola Everett,
Mon problème de liste fut réglée comme tu as pu le lire. En ce qui concerne l'électricité, nous le verrons bientôt...

DevantF a dit…

Et voilà donc le temps qui me revient. Non, je ne pensais pas à ce rebondissement. C'est vrai qu'à la relecture le police semble être là. L'insistance de Mary et cette histoire de UN mois... ça m'a un peu perdu.
Mais venons en au principale ... Donc, c'est parti, l'histoire commence maintenant, avant c'était le prologue.
Donc, une liste à la HIGH FIDELITY, des disques au hasard, une île, le BID.
Me revoilà adolescent, les premières pages d'un roman de Vance qui aménage des contes musicaux comme un Bret Easton Ellis. je bave, je tourne les pages, reviens en arrière de peur d'avoir lu trop vite.
moi je dis... Tu commences un autre ROMAN.
Et quand je dis, je dis!!

Jimmy Jimi a dit…

Hello Devant,
Nous en sommes à la partie fantastique cachée que j'évoquais la semaine passée dans les commentaires. L'idée, c'est que la B.I.D. existe vraiment. Je ne commence pas un autre roman, c'est seulement que j'ai beaucoup joué sur les allers et retours dans le temps. Depuis le début, je pense aux chansons des Faces, joyeusement bordéliques, et qui semblent changer de tempo sans cesse, avec son lot de surprises... Et des surprises, j'espère encore vous en offrir une ou deux.

Anonyme a dit…

salut,

un retour pas trop téléphoné qui est bien négocié, ça fait toujours plaisir... j'veux dire ça se lit le sourire aux lèvres ce qui contraste élégamment avec l'épisode précédent (une touche noire... une touche blanche).

comme mes camarades ont déjà dit les choses intelligentes plus haut, je reste sur la forme :

dans
(je vous rassure, je suis comme tout collectionneur, j'en possède quelques spécimens)

à mon sens le "je suis" apporte trop de poids à la phrase qui perd de son impact "je vous assure, comme tout collectionneur, j'en possède quelques spécimens" me paraît plus fluide... mais les conseilleurs n'étant pas les payeurs tu fais comme bon te semble :)

Jimmy Jimi a dit…

Hello Yggdralivre,
Merci pour le "pas trop téléphoné"!
J'aime beaucoup jouer sur les contrastes et, surtout, installer des zones de sourires à l'intérieur des passages les plus sombres.
Pour ce qui est de la forme indiquée, tu as tout à fait raison, et je m'en vais modifier de ce pas tout en te remerciant.

Anonyme a dit…

tant mieux si la proposition te va :)

ensuite "pas trop téléphoné" parce que tes commentaires dans le dernier épisode laissés présager un retournement de situation :)

Arewenotmen? a dit…

Le Prix Nobel de littérature à Bob Dylan ?!? Tu dois fêter ça Jimmy !

Jimmy Jimi a dit…

Hello Yggdralivre,
Je l'avais bien compris ainsi, c'était juste pour te taquiner!

Hi Arewenotmen?,
Comme disait je ne sais plus qui: les prix, il ne suffit pas de les refuser, il ne faut pas les mériter!