mardi 18 octobre 2016

Pour la beauté du geste (feuilleton électrique) par Jimmy Jimi # 126



126. GIVE US YOUR BLESSINGS [THE SHANGRI-LAS] 

   La vie est improbable, les songes impénétrables... La B.I.D. avait troublé mon sommeil sans relâche et sans gêne à travers les décennies, et j'aurais pu aisément remplir un voluptueux bottin avec mes fichues listes (ou mes listes désormais fichues), mais jamais je n'avais imaginé le grand départ pour l'Ile...
   Depuis son ordinateur portable, l'un des brigadiers envoya les choix du hasard en direction du fichier central : les disques des « secondes lames » (surtout, n'y voyez aucun mépris, non seulement il en faut, mais certaines parviennent, parfois, le temps d'une ou deux chansons et même d'un album entier, à se hisser vers des sommets insoupçonnés) y côtoyaient les enregistrements mineurs (ou en tous cas « moins chef-d’œuvre », comme disait jadis Polina) de mes artistes favoris. Pendant ce temps, à l'étage, Mary rangeait soigneusement mes vêtements préférés dans mon sac de voyage, alors qu'Eleonore me préparait un dernier café dans la cuisine : des gestes sans doute anodins mais effectués avec tellement d'amour – celui-là même que j'avais si affreusement trahis en laissant une vielle vengeance manger tout mon être. (J'étais bien mignon à moquer constamment les bougres ayant si bien enseveli les colifichets de leur jeunesse (adieu Vinyles, Perfecto, talons cubains, milleraies, Wayfarer, Gretsh, Vox et tout le bazar toutimesque) qu'ils ne sauraient les retrouver si d'aventure ils les recherchaient, mais, au moins, ceux-ci n'auraient jamais à pleurnicher devant leur gamine : « Désolé, ma chérie, j'ai expédié ce type dans le coma parce qu'il m'avait volé les chansons que je ne pouvais même pas chanter et la fille à qui ta mère a succédé. ») 

   Ma fille me caressa tendrement la nuque avant de déposer le plus charmant des tous petits baisers sur mon front de nouveau fiévreux (les larmes qu'elle tentait de contenir grondaient comme la basse de Lemmy Kilmister au moment d'attaquer le refrain de Bomber). Mary embrassa mes paupières et ma bouche crispée, puis me glissa au creux de l'oreille : « Ne t'en fais pas, il ne peut rien t'arriver de grave, nous t'aimons trop. » Elle y croyait à son foutu miracle... 

   Les gars de la B.I.D. ne possédaient pas de DS, comme ceux de mes rêves, mais la dernière version de la Picasso (la famille du génie avait accepté cette incongruité en échange de laquelle Citroën devait confondre en justice les malotrus qui utilisaient le nom du maître sans scrupules ni autorisations). Le contact fut enclenché. « Trente trois jours pour trente trois trente trois centimètres, lâchèrent en chœurs mes ravisseurs ravis. » 
   Nous roulâmes jusqu'à l'héliport d’Issy-les-Moulineaux. Le ciel était dégagé. Un appareil m'attendait. Une hôtesse me prévint qu'elle allait devoir me bander les yeux pour que je ne puisse deviner la situation de l'Ile, mais que je serai coiffer d'un casque à musique pour m'aider à patienter. 

   J'entendis les pales de l'hélicoptère qui tournoyaient, puis la voix délicieuse de la charmante Mary Weiss : « Mary and Jimmy were both very young / But as much in love / As two people could be / And all they wanted / Was to share that love eternally... »

   L'idée, la grande idée, aurait du me crever les yeux depuis toujours, mais elle vint uniquement quand ils furent enfermés sous un masque de sommeil...  

   Je me réveillai dans la tiédeur d'un bel après-midi de printemps et, je vous le donne en mille, l'île était... déserte ! De la fenêtre de la chambre, je pus admirer une étrange, gigantesque et futuriste machinerie, reliée à un champ de majestueuses éoliennes, qui devait fournir l'île en électricité. Et il en fallait pour alimenter l'ampli à lampes démesuré qui trônait dans le salon...

             

14 commentaires:

Arewenotmen? a dit…

On sent que ça pourrait repartir pour un bon moment !

Arewenotmen? a dit…

... et d'ailleurs, on ne sen plaindrait pas, car on va devenir quoi nous après ?!?

Keith Michards a dit…

Belle évocation de mister Kilmister !
Pourvu que cette histoire ne fasse pas un B.I.D.E. !!!!! (c'est bon, j'ai fait ma blagounette pourrie de la semaine !!!)

Jimmy Jimi a dit…

Hello Arewenotmen?,
Ce serait marrant que ça se termine sur le chapitre 133, mais comme je ne fais jamais de plan, je ne sais pas du tout jusqu'où ça va nous entraîner.

Après, j'envisage une série de nouvelles, toujours sur le thème musical...

Hi Keith,
Elle n'est pas si pourrie car ce n'est pas pour rien si j'ai choisi ces initiales.


J'adore quand le hasard s'en mêle. La semaine dernière, alors que j'écoutais les Shangri-Las, voilà que je me rends compte qu'une chanson évoque une certaine Mary et un dénommé Jimmy: du pain béni!

Anonyme a dit…

au-delà des "dîtes 33"... j'ai bien aimé les sonorités en "r".

Sinon, tu parviens assez bien à t'en sortir avec le changement de direction (l'arrivée de la B.I.D et ce qui s'en suit) - même si personnellement j'aurais vu l'évolution "psy" du perso un chouilla plus teinté d'un remord qu'il n'attendait pas, mais c'est perso donc on s'en fout - et cela semble effectivement nous entrainer ailleurs... alors que l'on sentait la fin arriver... mystère :)

Audrey a dit…

Moi, j'ai tout ce qui me manquait dans les précédents: le ton, le balayage sur la famille et cette ouverture sur l'imaginaire. Du coup, y a aussi l'envie que ça reparte pour de bon, comme si toutes cette fin qui n'en finissait pas n'était en fait qu'un nouveau début.
Bref, je trouve que ce type de chapitres fonctionne mieux et fait plus dans l'esprit du feuilleton.
Et si tu veux juste une critique, histoire de critiquer, j'aurai juste vu un chapitre un peu plus centré sur Marie, parce que ce qu'elle propose à Jimmy est quand même très beau et aurait mérité un peu plus de reconnaissance. Tu te rends compte que Jimmy la quitte sans même un piou-piou!!! Quel goujat! :)

Pour la suite: suspense...
Et là, soudain, sur l'île déserte, la révélation de la liste parfaite pour île déserte qui n'a rien à voir avec celle qu'on imaginait loin de l'île?
Il serait d'ailleurs intéressant que Jimmy choppe au passage le classement du BID et notamment le n°1 des listes pour ile déserte...
De toute façon, ton idée offre tellement de potentiel... qu'il va falloir être à la hauteur de l'attente qu'elle provoque dans tes lecteurs impatients et électrisés par la frustration!!!

Jimmy Jimi a dit…

Hi Yggdralivre,
Remords il y a eu et aura encore, mais vis à vis de la famille et non du "Monstre" car Jimmy se sent comme dégagé du crime - et c'est pour ça que je ne me suis pas attardé sur sa description. Pour le "mystère", je peaufine encore même si je pense avoir toute la fin en tête depuis un moment.

Hola Audrey,
Le truc, c'est que tu ne me laisses pas toujours le temps: tu veux le chapitre 2, alors que je n'ai pas encore terminé le 1!
Pour le "piou-piou", j'en reviens à la lecture entre les lignes. Proust (que j'adore, ce n'est pas la question) t'aurait sans doute donné le nombre de baisers et même le nom du rouge à lèvre, moi, je te laisse imaginer! Je viens de la poésie et de la chanson où le propos se doit d'être resserré. Je ne sais pas si j'évoquerais le palmarès des listes (comment faire maintenant que la B.I.D. est partie), mais il se peut que je détaille un peu le contenu de la valise. Pour le reste, j'ai mon idée en tête, j'espère qu'elle te conviendra.

DevantF a dit…

Je ne comprends pas bien le comportement de la petite famille de Jimmy, ceci dit la voilà expédiée et c'est très bien, je dis rien de plus, j'attends, je me suis fait "Give Us Your Blessings" pendant la lecture et au moment du réveil ... le hasard, une rupture musicale pour accompagner la rupture de ton Weather Report dans "In A Silent Way".
Allez, prends tous les risques, car à mon avis tu viens de sortir d'une zone de confort comme on aime bien dire aujourd'hui.
Jimmy n'est pas un numéro mais c'en est un drôle quand même!!

Everett W. Gilles a dit…

Yo
Cool, l'île est vraiment déserte, c'est une bonne nouvelle.
Et en plus y a de l'électricité !!
Mais tu nous a pas dit si dans le frigo y avait des bières ...

Jimmy Jimi a dit…

Hello Devant,
Qu'est-ce que tu ne comprends pas dans le comportement de la famille?
En effet, tous les risques sont bons à prendre, je vais juste essayer de ne pas me ratatiner au bas de la falaise.

Hi Everett,
Jamais au frigo, la bière, toujours à température en cave!

DevantF a dit…

FromDEVANT c'est quoi cette histoire de famille qui te foute dehors, pourquoi? Que'est ce que je n'ai pas compris? Ils ont l'air d'être content de se débarrasser de Jimmy sans bien relier ça avec le risque qu'il court avec la justice...
@all lire le livre de "Kingsley Amis" "Notre verre quotidien" => La bière c'est 5°, une cave c'est 10/13° donc...

Jimmy Jimi a dit…

Hello Devant,
Cela me paraissait pourtant explicite. La famille ne le fout pas dehors, ne s'en débarrasse pas, elle craint que les flics ne débarquent pour l'emprisonner et espère qu'un miracle pourra avoir lieu durant son mois d'absence.

DevantF a dit…

je suis partagé entre ne plus relancer car le plus important c'est le BID, l'ile et la suite
Et ma nature bavarde même par écrit.
Ce qui est clair c'est l'inquiétude. ce qui l'est moins c'est en quoi le BID serait rassurant? Qui sont ils, où emmènent-t-ils Jimmy.
Qui me dit moi que le BID n'est pas un genre de KGB qui va mettre Jimmy au secret avec ces disques? moi je ne suis pas inquiet, je suis lecteur, mais sa famille je la trouve bien confiante...

Jimmy Jimi a dit…

Le KGB à d'autres soucis qu'un chanteur de variétoche sur le flanc et la famille est beaucoup moins parano et imaginative que toi!