mardi 15 décembre 2015

Pour la beauté du geste (feuilleton électrique) par Jimmy Jimi # 101


101. THE RAIN SONG [LEZ ZEPPELIN]


   Il était hors de question que quiconque, dans le groupe comme dans le public, se remette de ses émotions. Je n'ai jamais compris cette expression, il me semble que personne ne désire se remettre de ses émotions et, qu'au contraire, tout le monde aimerait s'en repaître indéfiniment. Pour autant, je crois qu'un concert mérite un passage plus calme, ne serait-ce que pour créer un contraste avant de repartir vers de hautes volées.
   Notre souhait était d'offrir une balade crève cœur, un peu à la manière des Faces, si vous voyez ce que je veux dire (et j'espère bien que vous voyez car c'est l'un des groupes les plus touchants de tous les temps).
   Guillaume quitta ses fûts pour me rejoindre aux bongos (étrangement, je ne ressentis aucune amertume au moment de regagner ma place dans le fond de la scène ; je n'avais livré qu'un round sur deux, mais je me sentais déjà comme libéré d'un énorme poids), tandis que Christophe débranchait l'électricité et passait à la guitare acoustique, une vieille douze cordes de marque inconnue, sur laquelle il imitait Ron Wood avec autant de grâce que possible (j'espère également qu'il n'est nul besoin de vous rappeler à quel point Ronnie fut un guitariste merveilleux avant que son immense talent ne soit largement sous exploité chez les Stones). En ce qui concerne le texte, j'avais choisi de renverser l'expression : « pas né de la dernière pluie », et Richard débutait donc par ce vers : « Je suis né de la dernière pluie, de l'ultime chagrin » (qui m'était venu après un cauchemar épouvantable, dans lequel je me noyais sous la pluie tandis qu'Olympia riait à gorge déployéelorsqu'on écrit des chansons, toutes les expériences sont bonnes à prendre). J'avais mis un temps fou à lui expliquer le ton à adopter, entre mélancolie et dérision, mais, désormais, il le tenait à la perfection (pour un peu, on aurait cru qu'il comprenait ce qu'il chantait ! (Oups, désolé, ça m'a échappé !)).

   Quand on joue dans un groupe qui compte de nombreux musiciens, il faut s'arranger (ou prier !) pour qu'ils soient suffisamment intelligents pour s'effacer de temps en temps, sinon, l'affaire peut rapidement tourner à la cacophonie. Sur ce titre, Polina et Alphonse n'intervenaient qu'à la fin – mais de quelle manière ! Nous avions mis au point un faux final qui grimpait haut dans les aigus avant de s'éteindre brutalement et, juste avant que le public ne se manifeste, nos deux compères s'élançaient dans un duo bouleversant, sorte de rencontre improbable, mais sublime, entre Pablo Casals et Fats Navarro ! Et quand les spectateurs se préparaient de nouveau à applaudir, nous reprenions le refrain par surprise et avec un texte changé, scandé en boucle : « Et si j'oublie de penser à la mort, alors je deviendrais immortel ! »


   Du fond de la salle, un type hurla : « rock'n'roll ! », il en faut toujours un – même si je n'ai jamais bien saisi s'il réclame davantage d'électricité ou s'il s'agit d'un simple cri du cœur ! Il était temps de ranger les bongos et la douze cordes pour lui montrer ce qu'il allait entendre ! La stratégique est le même que celle d'un D.J. : après le moment d'accalmie, il faut monter le volume un peu plus fort qu'il ne l'était auparavant, reprendre la main de fer et ne pas lésiner sur la puissance de la claque !


15 commentaires:

Audrey a dit…

Même si ce n'est peut-être pas ce que tu attends: j'ai rein à redire sur ce chapitre. Il est nickel. Tu montres te déroule ton concert comme un plan de bataille. Et ça fonctionne. On se projette dans ce groupe et un peu dans ce publique. Oui, parce que ce qui est assez fort, c'est que tu commences à me donner envie d'assister à ce concert avec ce groupe qui manie toutes la gamme des fantasmes et des émotions du rock sur le bout des doigts.

Et ce texte inspiré d'un rêve, c'est de l'autobiographique? Difficile d'ailleurs de lire la part de fiction et d'authentique témoignage. Et c'est tant mieux.

Par contre, je n m'attendais pas te voir mettre en avant un tel morceau de Led Zep! Tu aurais d'ailleurs très bien pu choisir d'eux "Rock'n Roll". Je trouve qu'avec le texte, cela aurait donné quelque chose de très touchant, sans qu'on sache la part d'ironie de la tendresse.

Keith Michards a dit…

Ça me fait plaisir que tu évoques ce problème de l'ambiance au sein d'un groupe (musical, sportif, associatif…). Il faut bien sûr que chacun mette son ego de côté, au moins un instant, pour se livrer corps et âme au l'œuvre commune. On peut les compter les groupes qui ont explosé en vol au bout de quelques albums. Et même ce qui tiennent encore (les Stones, par exemple), ne sont plus qu'une association d'individus qui n'ont plus grand chose à partager… à part la notoriété.
Dans quelque temps, peut-être que tu nous parleras de Mizanu après son 15ème album. L'innocence de la jeunesse sera elle toujours aussi flagrante ?

Jimmy Jimi a dit…

Hello Audrey,
Pour être honnête, je crains tes commentaires qui sont parfois assez critiques, mais comme il y a des justifications, j'essaye d'en tirer profit.
Le texte existe, mais il n'était pas inspiré d'un rêve. Bien sûr, je me sers consciemment ou non dans mes expériences, mais je transpose surtout beaucoup. Je ne savais pas trop quoi mettre comme titre, celui du Zep se rapprochait assez du mieux: "la dernière pluie", mais j'essayerai de trouver mieux.

Audrey a dit…

Tu sais, si je suis critique, c'est parce que, pour ma part, je préfère qu'on soit sincère avec moi. Et aussi parce que je pense que c'est ce qui permet de progresser. Et je suis rarement vraiment négative. J'essaie surtout de te donner également le ressenti en tant que lectrice. Ce que projette un auteur est parfois un peu différent de ce que le lecteur ressent.
Par exemple, ici, la longueur est bonne, on a le temps de s'imprégner de la séquence.

Everett W. Gilles a dit…

''Rock'n'Roll'' ?.. Si ça se trouve y avait Gary Glitter dans la salle et vous étiez même pas au courant !!
Moi j'aurais bien essayé ''Kick Out the Jams Motherfuckers'' mais c'est toujours pareil après 8 bières je trébuche sur le dernier mot et du coup ça perd un peu de son efficacité ... j'ai appris à la fermer !
Ce qui me fait penser que ''se remettre de ses émotions'' c'est ni plus ni moins qu'un truc inventé pour boire un coup sans culpabiliser :
''Oh-là-là, faut que j'me remette de mes émotions, Germaine, un Calva !!''

Anonyme a dit…

rebellatitude !
...
hein ?
nan, rien je criais dans le fond :)

bon... la réflexion autour de la critique, me fait me demander si je ne suis pas un peu trop dans la fanatitude...mais en fait je ne crois pas, je suis preneur de la gestion du temps découpé...
en fait, à relire... ce que j'aime bien dans ces épisodes, c'est l'acceptation (enfin le côté assumé) d'un style, d'une approche parfois naïve, frontale (l'air de rien c'est bancal et casse gueule comme parti pris)en même temps qu'un souci du rythme court... je ne sais pas si je serais de mon avis dans un autre format... et comme en général j'ai de la musique dans la tête en sortant de la lecture, je me dis que c'est un peu le but...

sinon, j'ai bien aimé ce chapitre... mais... vu le moment... j'aurais préféré plus de paroles et moins pablo ^^

nestor b a dit…

Très beau chapitre encore, merci et Bravo ! Cette accalmie bienvenue pour respirer et se regarder dans les yeux avec son voisin de concert. J'imagine très bien (avec tes paroles) une petite ballade (avec 2 l) en acoustique du style "Blue Eyes Crying In The Rain" ou "Have You Ever Seen The Rain" !
Y'a pas aussi un type au fond qui crie "A poil !" ...? mais lui c'est normal, on le connait bien, il dit toujours ça.
Allez on rebranche tout ça !

Arewenotmen? a dit…

L'hypertrophie de ce moment clé du roman de révélation de Jimmy provoque un effet de suspension. calculé ou pas, l'effet est réussi !

Jimmy Jimi a dit…

Hello Keith,
Si Jagger avait remporté du succès en "solo", je pense que les Stones n'existeraient plus depuis lurette. Là, on annonce le retour en studio; j'avoue que ça me passionne moyennement!

Hi Audrey,
J'ai écris que je craignais tes commentaires et non que je ne les aimais, comprenais, acceptais pas. je préfère de loin ta franchise. Tu es souvent emballée mais également spécialiste du "mais...". Tes critiques étant toujours étayées, je n'ai pas de raison de m'en plaindre; au contraire, je m'en sers, comme dernièrement où tu m'écrivais qu'on ne se doutait pas pendant les répétitions que le groupe était aussi bon; dès le chapitre suivant, j'ai consacré un paragraphe lié à ton retour...

Hola Everett,
Le "Motherfuckers" n'est pas dans le titre de la chanson et c'est bien dommage!

Hello Yggdralivre,
Oui, tout ceci est peut-être casse gueule, mais, oui encore, j'assume complètement! Le format, de toute façon, n'est pas si important: si tu enlevais le nom des chapitres en les remplaçant par des sauts de lignes, personne ne parlerait de la brièveté des chapitres, sauf que j'ai tendance à réamorcer à chaque fois, mais je vois ça comme un disque où l'on avance forcément de chanson en chanson. Je ne veux pas mettre trop de textes, j'ai peur qu'on m'accuse de refourguer ma poésie de force! Désolé, je suis archi fan de Pablo Casals et ça revient donc avec une certaine régularité.

Hi Nestor,
C'est marrant parce que j'ai hésité à ouvrir une parenthèse qui aurait dit: "heureusement, nous avions échappé au : "à poil" pendant l'introduction d'Olympia et à l'arrivée de Polina."

Hola Arewenotmen?,
La musique ne devrait être que liberté, mais un peu de calcul ne nuit pas, c'est comme l'ordre des chansons sur un album, c'est primordial.

Anonyme a dit…

rien, loin de là contre Pablo (je suis fan de jacqueline dupré qui fut son élève, donc la boucle est bouclée ^^), juste voilà quoi ça donne envie de lire un truc perso à cet endroit là (enfin chez moi)

DevantF a dit…

Je me disais, j'aime un peu être en retard, mais involontaire ceci dit, car texte et commentaires font parti d'un tout, j'imaginais même une édition où la page de gauche serait le texte, la droite des réflexions sélectionnées des lecteurs.
Des Ballades des Faces? J'ai dû replongé dans les quelques albums, pour en trouver, car ce n'est pas ce qui me serait venu en premier, mais c'est vrai que "Nobody Knows" ou "Flying"... Ceci dit rien que je ne connaisse égal à "Sailing" on a beau faire... Donc si tu sais me guider, j'adore qu'on me balade.

Sinon? Je te refais le même commentaire (je crois) qu'à un autre de tes textes, comme dans un texte de Giono dans "Un de Baumugnes" il y a une telle description de musique, que l'on crève d'envie, maintenant, d'entendre cette musique. Comme si notre imagination ne suffisait plus. Une autre fois tu m'avais donné quelques pistes, mais je pense hélas, que comme chez Giono, il faudra rester sur l'impression du texte et ne jamais espérer entendre cet inaccessible.

nestor b a dit…

Hola Amigo Jimiito, LBM me manquent ! Trêve hivernale ?
Bonnes vacances à tous.

Anonyme a dit…

c'est vrai que ça devient inquiétant ce silence... une retraite zen ?

DamNed a dit…


Hello, Jimmy
Cette fois, j'ai eu le temps de me mettre à jour, et je suis prête pour la baffe qui fait bien plaisir ! Je vais même hurler un encouragement dans le suspense de ce silence bien tendu ...
J'espère que tu vas bien, mais c'est vrai que ce vide est un peu inquiétant, tu as chopé un virus d'hiver divers ? Soigne-toi bien, même si tu n'es pas malade d'ailleurs, et bon Noël, ce soir, demain et tout autour !
A bientôt :-)

Jimmy Jimi a dit…

Hello DamNed,
C'est souvent quand on y croit plus que les amis reviennent. Heureux d'avoir pu te lire à nouveaux.