lundi 23 février 2015

Pour la beauté du geste (feuilleton électrique) par Jimmy Jimi # 77


77. SO WHAT ? [MILES DAVIS]

   – Je connais assez Jimmy, et je lui fais suffisamment confiance, pour savoir qu'il n'a pas demandé à cet Alphonse de nous rejoindre dans le but de profiter de son local.
   – Merci, Polina, je crois que tout le monde avait compris, mais on peut déconner ou tu as définitivement choppé la grosse tête ?
   – La grosse tête ? Venant de quelqu'un qui se comparait à Robert Johnson, pas plus tard que dans le chapitre précédent, permet-moi de trouver ça hilarant ! »
   Ces deux-là auraient pu monter un duo de comiques mais, à l'époque déjà, il y en avait de trop ! L'embrouille miniature s'acheva sur des éclats de rire et ce sont eux qui m'accompagnèrent pendant que je me rendais chez Alphonse pour la première fois, à la veille de notre première répétition.
   Il habitait une immense villa chancelante (on aurait dit qu'elle cherchait à s'allonger dans l'herbe, épuisée d'avoir été tant négligée), à quelques pas du Trocadéro, en zone super rupine. Sur les murs du gigantesque vestibule s'étalait la fameuse collection de papillons rares dont il m'avait parlé à Margate, mais certains cadres venaient d'être décrochés.
   « La semaine dernière, mes parents se sont rendus compte qu'ils avaient presque mangé l'intégralité de l'énorme galette laissée en héritage par nos ancêtres ; ils font le chemin inverse pour revendre quelques très grosses pièces. Ils sont en Argentine ou au Chili, je ne sais plus... Elles sont superbes, ces petites bêtes, et il y en a qui valent une fortune... Enfin, une fois de plus, ça ressemble à un prétexte pour fuir tous les deux aux quatre coins du monde... Je suis un enfant de l'amour, mon ami, et le grand amour s'embarrasse rarement avec des enfants ou quoi que ce soit. Je ne leur en veux pas, ils ont essayé, mais il n'y avait pas la place ! »
   Son rire, à peine dissimulé derrière le point d'exclamation, était magnifique...
   Non, je n'avais pas demandé à Alphonse de nous rejoindre pour économiser la location d'un studio, mais parce que son jeu de trompette lui ressemblait : ils étaient tout simplement beaux, je ne trouve pas d'autres mots. Il en va des amis comme des filles ou des disques : certains ne peuvent se manquer...
   Nous descendîmes au sous-sol, endroit magique envahi d'instruments... Il me joua un Ladybird, puis un So what ? à faire frémir les falaises...
   « T'inquiète pas, quand tes amis seront là, je saurai me montrer plus discret ; j'ai juste envie d'apporter quelques petites couleurs dans des endroits stratégiques, et j'ai hâte d'entendre ma trompette se compliquer au violoncelle.
   – Je ne suis absolument pas inquiet, juste terriblement impatient. Demain doit être le plus beau jour de ma vie ! »


             

15 commentaires:

Jimmy Jimi a dit…

Juste un petit chapitre de transition avant de pénétrer dans le vif du sujet...

Keith Michards a dit…

Chapitre transitoire peut-être, mais qui contient une maxime de poids : « … le grand amour s'embarrasse rarement avec des enfants… ». C'est cruel, pas forcément vrai à 100 %, mais ça donne à réfléchir !
J'ai hâte de voir (d'entendre) ce que va donner le cocktail violoncelle/trompette !!!!!

Jimmy Jimi a dit…

Tu as presque ça dans les premiers Tindersticks, sauf que c'est moins original, c'est un violon et une trompette, mais j'ai peur que ce ne soit beaucoup trop lent pour toi.

Audrey a dit…

D'accord avec Mich. C'est pour toi une chapitre de transition, mais je lui trouve plus de poids que les deux derniers. En fait, j'apprécie toujours ces moments où une histoire fait une pause, c'est souvent là qu'on sent le plus la présence de l'auteur. Et on la sent très fort au détour de petite phrase, comme celle-ci: "parce que son jeu de trompette lui ressemblait: ils étaient tout simplement beau, je ne trouve pas d'autres mots." Le fait de se rendre compte de l'impuissance des mots face à une telle évidence est très touchant, je trouve, et en dit long aussi sur ce que peut être la beauté.

C'est pourquoi j'aime particulièrement ce "So what?" de chapitre...

Jimmy Jimi a dit…

Je n'ai pas écris qu'il était nul, non plus! C'est juste que l'histoire va prendre son gros virage au prochain chapitre - j'ai du boulot, si je ne veux pas le rater!

Everett W. Gilles a dit…

Yo !
Pourvu qu'il y ait autant de bières au frigo que de papillons sur les murs !
Et de Danelectro que de Stradivarius ...

Everett W. Gilles a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Jimmy Jimi a dit…

Hello Everett,
Je suis plutôt Gretsch... Gare, les murs vont bientôt glisser...

Arewenotmen? a dit…

Un chapitre de transition peut-être, mais une belle esquisse d'une famille hors norme !

nguyen a dit…

J'attends avec impatience le vif du sujet;c'est prometteur tout ça.

Jimmy Jimi a dit…

Hello Arewenotmen?
Et je ne sais même pas d'où me vient cette idée de famille tordue!

Hi Nguyen,
Merci pour ton message, c'est important et motivant pour moi d'avoir des retours.

DevantF a dit…

J'ai fait un noeud à mon mouchoir pou ne pas oublier de revenir lire ...

Jimmy Jimi a dit…

T'inquiète, je te le garde au chaud...

DevantF a dit…

Forcément, impatient même si mission impossible, d'entendre ce que peut donner ce combo hétéroclite? Hétéroclite, quoique qu'un Zappa n'aurait pas négligé ce genre d'initiative.
Aussi je pensais, tu as une photo? de quoi? de cette évocation qui m'a de suite branché: " Il habitait une immense villa chancelante (on aurait dit qu'elle cherchait à s'allonger dans l'herbe, épuisée d'avoir été tant négligée)"
Complètement inventé ou bien?
A suivre donc

Jimmy Jimi a dit…

Il faudrait un scanner de mon cerveau car j'ai inventé Alphonse, ses parents comme la maison et les papillons!