lundi 14 mars 2016

Pour la beauté du geste (feuilleton électrique) par Jimmy Jimi # 107


107. SUR LA ROUTE [DANIEL DARC]

   Olympia et Isidore effectuèrent un travail magnifique. Pendant des mois, chaque week-end s'ouvrait sur un nouveau club parisien, un théâtre de banlieue ou une salle de province. Nous donrent même quelques concerts en Suisse, au Luxembourg et en Belgique. Le nom de Mizanu commença à apparaître régulièrement dans la rubrique Le Rock d'ici de Best ou dans les Tégrammes de Rock & Folk et plusieurs fanzines nous consacrèrent des entrefilets ou des articles. Un ami de Guillaume l’appela un soir pour lui annoncer que Philippe Pascal (Marquis de Sade, Marc Seberg), pourtant peu connu pour distribuer des compliments, venait de vanter notre originalité à la radio, suite à notre passage à Rennes. Ce ne fut pourtant pas toujours facile avec les locaux qui se mettaient souvent à nous détester dès que nous leur annoncions que nous venions de Paris, si bien qu'Olympia cida de nous présenter comme un groupe débarquant d'un patelin au nom imaginaire, perdu au fin fond de la Normandie ! Pour des raisons qui m'ont toujours échappées, la plupart s'inventaient des compétitions, comme si le public n'avait pas les oreilles et le cœur suffisamment grands pour accueillir plusieurs offrandes. Le pire venait des groupes qui avaient déjà enregistré un ou deux quarante-cinq tours et se prenaient pmaturément pour des stars (parmi ceux-là, je n'en connus jamais qui poussèrent jusqu'à l'album). En vérité, cela repsentait bien peu de désagrément comparé au plaisir de se retrouver ensemble sur la route, puis sur scène. Evidemment, à l'occasion, Richard ne put s'empêcher de jouer les rabats joie (il trouvait que nous étions toujours trop mal payés, mal los, mal tout ce que vous voudrez), mais, me lui, semblait spanouir de concert en concert, au point que je crus – naïf que j'étais – que le pipi de chat (voir chapitre précédent) pouvait vraiment se transformer en élixir.

   Un triste soir où le flipper et le percolateur d'Un Joli Nom avaient décidé de se mettre en panne dans un même geste d'humeur (c'est incroyable les petits souvenirs que l'on peut conserver), la grand-mère de Polina sonna la fin des festivités. D'après elle, les résultats scolaires de notre violoncelliste pâtissaient de nos virées électriques, et il était absolument hors de question que nous lui fassions rater son bac. Toujours la même vieille histoire qui ne parvient pas à se démoder. Nous fermâmes donc notre boutique à fantasmes jusqu'à l'obtention du précieux papelard.

   Je n'ai jamais aussi peu visé de ma vie, encore moins que lorsque nous courions de scène en scène, parce que la frustration m'empêchait de me concentrer, parce que le parfum délicieux des planches piquait ma gorge en manque, parce que j'avais l'impression que nous avions trahis... Tous les prétextes étaient bons pour filer à la bibliothèque où j'empruntais tout et n'importe quoi avant de rejoindre la chambre d'Olympia pour m'enivrer de musique, de souvenirs et de parfums intimes...


12 commentaires:

nestor b a dit…

Hé hé, des compliments de Ph. Pascal ! Tu m'étonnes que ça fait plaisir. La scène rennaise n'a qu'à bien se tenir, attention Mizanu débarque ! Un beau chapitre encore qui donne dans la réalité. Ou la métamorphose d'une petite bande de jeunes musiciens en un groupe de rock dont la presse parle. Et puis le désespoir de se pointer devant un flipper en panne ... Aaaarrgghhhhh !!
Le bac ou la musique ? Un choix à faire, mais après ? La fac ou la musique ? Le taf ou la musique ? Trop de questions ! Le Rock'n'Roll ça n'aime pas les compromis, faites gaffe.

Jimmy Jimi a dit…

J'ai eu la chance de croiser Philippe Pascal dans la vraie vie; en fait, il est beaucoup plus timide qu'arrogant. Ici, j'ai un peu grossi le trait, mais surtout pour le bac car je n'ai jamais mis les pieds au lycée!

Anonyme a dit…

Ah, de l’élixir au parfum intime... tout un monde de fragrances suggestives !
trop court, celui-ci plus que les autres, j'aurais aimé une plus longue évocation capiteuse, c'est une bonne idée ça permet d'apporter une touche sympathique et parlante (le parfum qui pique la gorge).

Jimmy Jimi a dit…

Je crois en avoir déjà pas mal fait sur le sujet et je pense qu'il vaut mieux qu'il y en ai pas assez que trop. Idem pour la route car j'y retournerai d'ici peu.

Keith Michards a dit…

Pass'ton bac d'abord ! La phrase terrifiante qui a dû enterrer un bon paquet d'hypothétiques carrières.
Sinon, toujours pas de groupies dans ton histoire ?!?!? :~( Vivement la bio de Lemmy !!!!!

DevantF a dit…

Merde, le frein à main brusque. C'est que nous étions lancé - un peu comme VINYLE la série de Jagger/Scorcese le propose - vers une aventure musicale pleine de fureur et de S&D&R. J'aime cette idée quantique, nous aurions pu aller vers l'histoire d'un groupe de trop jeunes dans les mains de requins pour les entraîner retc...
Mais voici, soudain, le retour de la vignette locale: le Flipper, le café du coin, les copains de classe, le BAC ... Et je n'étais pas prêt. Mais dans la valeur "savoir rebondir" (valeur de ma boite) qui doit savoir rebondir? L'auteur ou le lecteur? À suivre!! Of course

Everett W. Gilles a dit…

Le Mizanu World Tour interrompu pour cause de y a école... Ah ben merde alors !
Et si vous remplaciez le violoncelle par une guitare sursaturée ?

DevantF a dit…

Et voilà, j'en parlais, EWG l'a fait, il prend le rôle du "requin": virez moi la violoncelliste et moi je vais faire de vous des stars.. les mômes, plus besoin de diplômes. Pour la remplacer j'ai mon idée.... dans un univers parallèle EWG est un personnage du roman de Jimmimy

Jimmy Jimi a dit…

Hello Keith,
Et après le bac, il y avait le service militaire, encore plus assassin de groupes.
Non, toujours pas de groupies, je suis sans doute trop romantique!

Hi Everett,
Mais on peut sursaturer un violoncelle, c'est encore plus dingue!

Hola Devant,
J'aime l'esprit "montagnes russes" tant que ça ne provoque pas de haut-le-cœur. Tu demandes: "l'auteur ou le lecteur"? Mais le but du jeu est d'essayer que les deux se rejoignent... Tu retrouveras tes deux gros préférés dans le prochain chapitre.
C'est l'avantage du Net, le lecteur peut tenter, comme Everett, d’influencer le narrateur.

Audrey a dit…

Un chapitre en rupture des précédents. Nous avons ici une brutale accélération narrative. Je crois que tu as ici une vraie matière romanesque que tu sous-exploite. En fait, j'ai presque plus envie de vivre cette grisante ascension que cette longue (mais tout à fait justifié) épopée du premier concert.
J'apprécie d'ailleurs beaucoup la façon avec laquelle tu joues avec la boîte à fantasmes sur le fait de vivre l'aventure d'un groupe de rock. Je pense que certains aurait mérité tout un chapitre au même titre que ces moments que tu as disséqués dans le concert: le premier article de presse, la rencontre d'un grand frère musicale, les rivalités entre groupes (la jalousie, l'émulsion, les coups bas, la solidarité), la routine des rituels, le changement de regard sur sa musique, l'écriture de chansons pendant la "tournée", les frustrations de chacun etc. Ce sont des moments que, pour ma part, j'ai souvent fantasmé. Le top étant certainement le premier interview de son magazine favori!

Jimmy Jimi a dit…

Hello Audrey,
Tu sais que j'aime laisser place à l'imagination de chacun et, de plus, je veux éviter les redites. Je pense pouvoir t'offrir ce que tu attends, mais je ne peux pas tout donner tout de suite, ça viendra en son temps, par petites touches.

Arewenotmen? a dit…

L'effet d'intrusion d'un personnage réel (Philippe Pascal, au fait que devient-il ?) s'avère bien intéressant... Tu me diras certainement Jimmy que tu l'as déjà utilisé ici, mais je suis tellement ignare...