lundi 6 avril 2015

Pour la beauté du geste (feuilleton électrique) par Jimmy Jimi # 82


82. WORDS [NEIL YOUNG]

   Il fallut moins de vingt-quatre heures pour que tout le lycée soit au courant de mon improbable romance avec Olympia. Pour les garçons qui l'avaient côtoyée comme pour ceux qui ne la connaissaient que de réputation, je devins une sorte de légende vivante ! Les filles ne furent pas moins folles : elles se lancèrent dans une vaine chasse avec l'espoir irraisonné de supplanter la belle !
   La situation nous faisait souvent rire, même si nous avions beaucoup mieux à faire. Olympia me racontait sa vie dans les moindres détails et je lui sautais dessus. Je lui contais la mienne sans rien omettre et elle me sautait dessus. Elle me faisait découvrir le tango et je lui sautais dessus. Je lui jouais des disques de blues d'avant-guerre et elle me sautait dessus. Elle m'aidait à travailler mon tambourin et je lui sautais dessus. Je lui montrais comment secouer convenablement mes maracas (ici, la phrase peut porter à confusion mais, vu la teneur de ce paragraphe, ce n'est pas si grave !) et elle me sautait dessus. Le groupe observait une pause au milieu d'une répétition et je lui sautais dessus dans la suite parentale, sous les gros yeux d'un authentique portrait peint par Margaret Keane. Bref, nous nous sautions dessus et nous nous sautions encore dessus. C'était une chouette période !
   Avec Mizanu, ce ne fut pas mal non plus (enfin, presque (c'est incroyable le poids que peu faire ce petit mot pas bien beau)). Mes chers amis attendirent six mois avant d'oser se mettre en quête de leur chanteur sans paroles. Pendant ce temps, je pus faire comme si mon grand rêve avait encore toutes ses chances. Guillaume était ce genre de rare batteur qui sait s'éclater sans en faire des tonnes de caisses et il me laissait un maximum de place pour m'amuser avec mes modestes instruments. Et puis, il y eut la première répétition de ce fameux moment ou on me laisserait de nouveau m'approcher du micro. J'écrivis un nouveau texte pour la si particulière occasion. Il s'intitulait Boulevard des bouleversements et Olympia était dingue du premier vers : « Je cherche des bouleversements intimes au milieu des tangos absurdes. » Pour ce titre, Chris et Cyril lâchaient leur guitare pour emprunter mes jouets et offrir un plus bel espace à Polina et Alphonse. Chaque fois que je finissais de hurler le final (au porte de l'évanouissement) : « Je cherche une sortie d'au secours, un jardin secret pour l'aimer jusqu'au lendemain de l'éternité », j'espérais avoir ésuffisamment convainquant pour qu'ils me disent que j'étais assez bon pour tenir seul le micro, mais la phrase ne résonna jamais que dans mon crâne en bouillie. Je crois que l'idée même ne leur traversa jamais l'esprit. Ils me répétaient qu'ils adoraient, mais quand on adore n'est-on pas sensé en vouloir davantage ? Malgré quelques aimables insinuations d'Isidore, mon plus grand fan, rien ne vint.
   A la fin des répétitions, il me restait tout juste assez de force pour sauter une nouvelle fois sur ma muse et m’abîmer au fond de ses yeux couleur d'abysses.


   Et les six mois passèrent... J'avais essayé de m'y préparer, mais quand Polina me montra la petite annonce, les mots me brûlèrent comme si elle m'avait jeté un verre de vitriol au visage. Ce n'était plus qu'une question de temps, bientôt un étranger à notre bande allait chanter mes mots, peut-être me demander de modifier mes textes, et cela m'horrifiait... Cela n'avait rien de commun avec la jalousie ou l'égoïsme, un inconnu allait manger mes rêves sur ma tête, tel un singe grignotant les poux à même le crâne de son voisin, et je devais faire semblant d'accepter avec un sourire niais. La nuit, je tournais et virais dans ma cage de coton pendant que les cauchemars succédaient aux cauchemars. Sous un dernier déluge électrique, je voyais Olympia et Polina, nues au milieu de la salle de répétitions, et jouissant comme des damnées, alors que le crooner enrobait mes mots dans son miel empoisonné...   

         

21 commentaires:

Keith Michards a dit…

Et que je te saute dessus et que je te ressaute dessus… non mais, c'est pas un peu fini toutes ces cochonneries !!!!! C'est que je commence à avoir le rouge au joue !
Les paroles font très rock progressif des années 70. Christian Décamps aurait pu pondre de telles phrases.
Encore un bel épisode… y aura-t-il un meurtre dans le prochain ?!?

Anonyme a dit…

hello,

j'aime bien la fin, enfin le reste aussi, mais le paragraphe final j'aime vraiment bien, j'trouve que tu cernes bien cette frustration d'être le mec qui écrit dans l'ombre alors qu'il voudrait être dans la lumière.
parler d'un parolier, pourquoi pas. mais le rêve de tout ado timide, d'être ce jim morisson là, dos au public, transi de lui-même et qui quand le courage de ne plus être totalement lui le prend, qu'il se retourne, parvient à chavirer non seulement la salle, mais également les musiciens et le monde entier... ce rêve là est plus souvent une désillusion, une brisure, un échec qu'il est difficile de cerner.
et ça rend bien quand tu en causes.

sinon je ne suis pas certain mais "l'avaient côtoyé" y'a pas un "e" ?

Keith Michards a dit…

@ yggdralivre
Je confirme : il y a bien un "e"… c'est un "e" de Pâques !!!!!

nestor b a dit…

Oui, sautons. Des lignes, à saute-moutons, des étapes, des humeurs, bref tout ce qu'on veut. Et vive les maracas.
Bravo pour cet épisode. Je commence ma journée en imaginant ces deux damnées sous le déluge. The show must go on !

DevantF a dit…

L'auteur emporté par son texte. C'est rare mais ça arrive. Ensuite quand le calme revint, effectivement, la position du parolier - même en fiction - intéresse. Les rares témoignages restent dans la création, mais rarement les états d'âmes n'ont été racontés.

Jimmy Jimi a dit…

Hello Keith,
Tu ne pouvais guère me faire moins plaisir qu'en me comparant à Christian Décamps, mais comme je sais que tu es fan de Ange, je vais prendre ça pour un compliment.
Au sujet du meurtre, il faudrait te souvenir d'un vieil épisode en forme de flashback... Tu touches là un point primordial pour la suite...

Hi Yggdralivre,
Mon personnage se tient juste à la frontière de l'ombre et de la lumière: une place pour le moins délicate.
N'hésite pas à corriger mes fautes, je suis allé le moins longtemps possible à l'école et il m'arrive de commettre de grosses boulettes.

Hola Nestor,
Le show continu et ça va chauffer encore bien davantage.

Hello Devant,
Comme je te le disais la semaine dernière, je veux aller au-delà de l'histoire classique d'un groupe lambda, j'espère y parvenir en vous captivant un peu!

DevantF a dit…

J'ai hésité à rebondir sur le commentaire faisant référence à Décamps. Je pensais bien que ce qui se dit sur ses textes pouvaient mal passer. Mais est ce que ces critiques ne sont pas un peu injustes, du coup je pense que Keith n'a pas trop tort.
Je ne suis pas un spécialiste de la belle poésie, je me souviens par exemple du titre "Jour Après Jour" tellement délicat, juste le texte. Donc? Donc c'est un chouette compliment.
"Je cherche une sortie d'au secours, un jardin secret pour l'aimer jusqu'au lendemain de l'éternité"

Everett W. Gilles a dit…

Yo !
Sex and sex and ... sex ! Ca me va.
Drugs on peut faire sans quant au rock'n'roll ça finira par arriver et le vilain petit canard deviendra crooner.
Va t'en savoir.

Jimmy Jimi a dit…

Devant,
Pour moi, "Jour après jour", c'est davantage Philippe Pascal (Marc Seberg):
"Jour après jour de verre en verre,
et puis de bars de nuit en d'autres verres.
Les rêves s'évanouissent sans bruit
au bout d'un comptoir ivre d'ennui,
ivre de vin, ne plus se mordre les mains."

Hi Everett,
Certainement pas crooner, comme le disait Nick Cave, c'est une insulte!

Till a dit…

Si Nick Cave le dit c'est forcément vrai.

Ola Jimmy,

Si j'avais une quelconque influence sur la bande de zigotos je leur aurais expliqué comment s'adapter aux "capacités" techniques du chanteur peut donner toute sa saveur et sa personnalité à un groupe. L'important c'est de trouver sa voix.

Mais voyons comment tout ça va évoluer et déjà qui sera cet(te) usurpateur(trice) derrière le micro.

Audrey a dit…

C'est marrant que tu centres le rêve de ton personnage sur le fait de chanter. Devenir parolier parait effectivement être très décallé avec la mythologie du rock, et la desillusion plus grande.
Mais tu n'évoques pas la partie musicale. Qu'est-ce qui l'empêcherait d'écrire des chansons s'il a compris la leçon du punk et la démystification d'écrire un morceau de musique? Et d'apprendre rudimentairement un instrument style guitare ou basse?
J'ai du mal à concevoir quelqu'un aussi baigné de musique que lui ne pas vouloir se frotter aux mélodies et à la musqiue.

Pour revenir sur le texte en lui-même, le style est beaucoup plus fort que le précédent. Et on sent une petite tension montée d'un cran, comme si peu à peu il se trouvait face au mur, avec pur seul échappatoire à ses rêves la belle Olympia, qui est du coup bien trop belle pour être réelle ou éternelle.

DevantF a dit…

@Jimy, mon sentiment: Tu es moins noir et davantage lyrique je trouve.

Les premiers vers de Décamps

"Assis au bord de la fontaine,

au lointain j'aperçu Pharaon,

le chien courait a perdre haleine,

les cailloux fuyaient sous ses bonds.
"

Anonyme a dit…

@Keith : bien vu le coup de l'e de pâques.^^

@Jimmy Jim : je ne suis pas fortiche non plus, mais si j'en vois en passant, pas de souci.

@devant : c'est malin! maintenant j'écoute "ange", ça faisait un moment, c'est marrant parce que j'ai toujours trouvé la production de leur album un peu terne... à la réécoute je trouve que le son n'a pas le souffle suffisamment pour tenir la charge épique des compos (texte z'et musique). je ne suis pas fan de tout mais y'a du très bon

Jimmy Jimi a dit…

Hello Till,
Chantant archi faux et ayant pourtant tenu le micro pendant des années, je vois exactement à quoi tu fais allusion, sauf que ça ne servirait pas du tout mon histoire!

Hi Audrey,
Je comprends très bien ce que tu expliques, sauf que lorsque tu écris des textes, tu as envie de les chanter, pas de devenir guitariste et, comme écrit dans le commentaire précédent, mon histoire a besoin de sacrifier mon héros! (De plus, j'utilise mon ressenti personnel et la voix m'a toujours beaucoup plus attirée que n'importe quel instrument. Toujours à cause des textes, je suppose, j'ai toujours été un homme de mots...)
Je suis d'accord avec toi mais, comme je te l'ai déjà dit sur d'autres chapitres, le fond influence forcément la forme: certains chapitres réclament davantage de légèreté. Je pense que vous le remarquez davantage à cause de la lecture hebdomadaire et que cela passerait mieux sur une lecture plus suivie (j'espère, en tous cas!).

Hola Devant,
Même dans mes textes les plus noirs, j'ai toujours voulu garder une petite place pour la lumière. Je sais que mon "lyrisme" peut me jouer des tours! Ce qui me dérange chez Ange, c'est plus la voix que je trouve hyper maniérée que les textes eux-mêmes. Et je ne parle pas de la musique... Quand j'étais gosse, j'ai aimé Genesis, Yes et Ange (je l'avoue difficilement!), j'ai réessayé depuis et j'ai trouvé ça totalement indigeste.

DevantF a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
DevantF a dit…

@yggdralivre
Ha Malin, malin sans demi. Mois aussi je me suis refais "AU delà Du Délire" et "Émile Jacotey" Parce que cela m'arrive encore occasionnellement et que le qualificatif de "Indigeste" a réveillé en moi une curiosité. Tu as raison sur ce point, la prise de son étouffée sur basse et batterie fait une drôle d'impression, surtout quand le chant, lui, se détache bien. Pour une fois, je regrette pour Ange qu'il n'ait pas eu un bon ingénieur du son. Bon "Au delà.." c'est mon cousin qui me l'a fait découvrir en 74, avec "Quadrophenia" des Who et "Tales.." de Yes. Forcément je garde une tendresse et continue à frissonner sur le final de "Au delà.." Pauvre Décamps, étouffé par la modestie.

Arewenotmen? a dit…

Ah la sublime époque où la "Chose" était si neuve, si fraîche, si électrisante...
Moi aussi j"'ai aimé Ange, c'est un des tout premiers groupe que j'ai écouté... "Au delà du délire"...

Jimmy Jimi a dit…

On commet tous des erreurs, ce qui est grave, c'est ceux qui n'en sont jamais sortis!

Arewenotmen? a dit…

Je le ré-écouterais bien quand même celui pour voir... par contre, Yes et Genesis que j'appréciais beaucoup (surtout Yes) au milieu des années 70, j'ai essayé à nouveau et euh... enfin c'est plus pour moi, de même que le Floyd d'après Syd Barré ou Klaus Schulze (lui, çà aurait pu encore passer s'il ne s'avait pas fait autant mu-muse avec ses synthés)... where have all the good times gone ?

Jimmy Jimi a dit…

Je t'assure qu'Ange c'est encore pire, à cause de cette voix hyper démonstrative: inaudible!

Arewenotmen? a dit…

Euh Jimmy... je préférais quand y'avait des (ou plutôt une) fille sublime en photo d'illustration !